La sortie en France de Quand l’embryon part braconner, quarante ans après sa conception, n’est pas en soi un évènement. Son interdiction aux moins de 18 ans, dont la presse a beaucoup parlé, faisant circuler une pétition prônant la liberté d’expression, n’est pas non plus un évènement. A moins que le distributeur, qui avait eu il y a deux ans de sortir plusieurs beaux films de Yasujo Masumura, ne sorte plusieurs films de Wakamatsu. Mais chat échaudé craint l’eau froide.
Quand l’embryon part braconner existe-t-il en lui-même ? Peut-on l’extraire du reste de la filmographie du cinéaste, ou même de l’histoire de l’industrie du cinéma japonais des années 1960-1970 ? C’est une grande question que seul un spécialiste des deux choses pourrait discuter. Je ne le ferai pas, je n’y connais pas grand-chose. Je n’ai pas pu assister aux diverses projections de Wakamatsu, n’étant pas Parisien.
Wakamatsu filme en huis clos ses deux personnages. Un homme et une femme. Ils travaillent ensemble dans un magasin, il est son supérieur. Le film commence sous la pluie, dans une voiture. Ils s’embrassent, il veut coucher avec elle, elle ne veut pas dans une voiture. Ils vont dans l’appartement du monsieur. Tout est sourire, tout est romantique.
Très vite, elle va déchanter. Il la drogue et, plutôt que de lui faire l’amour, se met à la fouetter vicieusement après l’avoir déshabillée et attachée. Le calvaire de Yuka va commencer. Sadao (nom rappelant Sade) va la maltraiter comme jamais on ne devrait le faire. Et Wakamatsu filme la lanière s’abattre sur la peau de la jeune femme.
Puis, Yuka sera traitée comme une chienne. Littéralement. Sadao la fera tourner par terre à quatre pattes. Il lui met une corde autour du coup comme un collier et une laisse et lui demande d’aboyer. Il lui donne à manger si elle se comporte en chienne, sinon, c’est le fouet.
Sadao a son raisonnement propre qui s’exprime par flash-back : la lumière devient très blanche et on voit sa femme, avec qui il n’est plus. Au court du film, on comprend qu’elle voulait un enfant. Lui, non. On comprend qu’il a aussi battu sa femme. Qu’il s’est fait opéré pour ne pas enfanter. On comprend aussi des problèmes parentaux. Il se fait traiter de pédé par sa femme.
Le film, en plus d’images de violence, devient pour les oreilles (ou les yeux : il faut lire les sous-titres) une horreur. Un vrai film d’horreur. La logorrhée de Sadao s’exprime en plein. Il se plaint des mœurs relâchées depuis la fin de la guerre. Il stigmatise l’existence des femmes. Il affirme qu’une fois qu’elles tombent enceintes, elles redeviennent animales. En la fouettant, il veut lui rendre sa pureté. Les moments de pause sont rares. On est devant la haine nue.
Kôji Wakamatsu fignole ses images. Un plan revient souvent : il filme du fond du couloir et laisse entrevoir Sadao et Yuka nus devant le lit. Un beau travelling sur le corps meurtri de Yuka. Son visage en plan arrêté. Elle souffre. Ce n’est pas de l’extase sexuelle. Sur les murs et les plafonds, on voit des reflets d’eau. Puis, il plonge la tête de Yuka dans la baignoire pleine.
Quand l’embryon part braconner est peut-être une critique décalée d’un certain Japon. Peut-être Wakamatsu stigmatise le comportement et les théories de Sadao. Mais dans le genre,
Quand l’embryon part braconner (胎児が密猟する時, Japon, 1966) Un film de Kôji Wakamatsu avec Miharu Shima, Hatsuo Yamatani
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