Throw down est l'histoire de Sze-to (Louis Koo), Mona (Cherrie In) et Tony (Aaron Kwok). Le premier enjeu du film est de les faire se rencontrer. Sze-to travaille dans un bar où il est guitariste dans un groupe. Ancien champion de judo, il a sombré peu à peu dans l'alcoolisme. Il tient à peine sur ses jambes quand il monte sur scène. Vite, il s'écroulera ivre mort. Entre temps, Tony rentre dans le bar. Lui aussi est un judoka. Il vient défier Sze-to, mais s'aperçoit qu'il a à faire à une loque. Pendant ce temps, Mona se fait virer de son appartement par sa propriétaire parce qu'elle ne paie pas le loyer depuis six mois. Elle retrouve à la rue en pleine nuit.
Le lendemain matin, tout ce petit monde se retrouve au bar. Ils ne connaissent pas encore. Sze-to dort à même le sol, il ne s'est pas remis de sa cuite. Mona arrive dans l'espoir de se faire engager comme chanteuse. Sze-to est incapable d'écouter quoi que se soit, mais elle se met à chanter toute seule. Tony arrive alors en jouant du saxophone. Il avait pris soin la veille de casser la figure du saxophoniste du groupe de Sze-to. Nos trois héros se retrouvent donc au bout d'un quart d'heure ensemble, Johnnie To les réunit calmement, comme une évidence, leurs mésaventures peuvent commencer.
Mésaventures certes, car Sze-to, Mona et Tony sont des anti-héros comme on en voit parfois au cinéma, mais rarement dans le cinéma de Hong Kong. Ils semblent a priori liés par la seule fonction d'un scénario, mais au fur et à mesure que Throw down avance, on comprend que leur rencontre était logique. Johnnie To, en choisissant trois acteurs sexy du cinéma hongkongais, parie gros en prenant le risque du contre-emploi. Pari d'autant plus gros qu'à aucun moment Throw down n'esquisse la moindre romance entre les deux garçons et la fille. Ce qui les unira sera donc leurs ambitions personnelles qui seront sans cesse contrecarrées par les coups du sort et leur malchance.
Nos trois antihéros agissent dans la vie comme s'ils étaient en train de jouer. Seulement voilà, les règles du jeu sont rarement en leur faveur. Chaque acte est un quitte ou double. Sze-to adore les jeux d'argent. Pour assouvir son vice, il est obligé de voler de l'argent à un chef de triade pas commode, qui n'est pas d'accord avec ça. Mona est persuadée qu'elle va réussir à faire carrière dans la chanson. Elle se pointe à un casting, mais on lui répond sèchement qu'elle est bien trop vieille pour ça. Tony cherche à tout prix à se battre contre un autre judoka, mais personne ne le prend au sérieux. Chaque échec est l'occasion de tenter le tout pour le tout, avec un échec et une humiliation plus grande à chaque fois. Chacun est dans son propre monde, à l'image du personnage de Jing, un autiste, persuadé qu'il est le personnage de Sugata Sanshiro.
Ce qui est étonnant dans Throw down est que l'on y pratique, comme Sugata Sanshiro, le judo. Johnnie To dédie d'ailleurs son film à Akira Kurosawa. Pourquoi donc un film de judo au pays du kung-fu ? Peut-être tout simplement pour montrer à quel point Sze-to et Tony sont en décalage par rapport à leur environnement. Aussi, pourquoi pas, pour déterminer une direction d'acteurs plus posée, plus calme pour Louis Koo et Aaron Kwok, dont certains disent souvent qu'il n'est qu'un gentil mannequin. Dans Throw down, son détachement fait merveille. Louis Koo, quant à lui ne surjoue pas l'alcoolique, mais se prend quelques gamelles sur un mode burlesque qui réjouissent. Sa voix est monocorde, il mange ses mots. Etonnant.
Johnnie To ne se contente pas de filmer platement son scénario comme dans Yesterday once more, où il était d'abord au service des stars Andy Lau et Sammy Cheng. Dans Throw down, il joue beaucoup avec les couleurs. Le film est clairement divisé en trois parties de trente minutes, chacune a sa teinte particulière. La première est bleue (néons, lumière, rideaux du bar, chemise de Tony). Puis il passe au rouge (mouchoir de Sze-to, son sang, lumière, décor du bar). Le film se termine en blanc (le judogi de Tony et Sze-to, les chambres d'hôpital, la chemise de Sze-to). Chaque couleur apporte son symbolisme : dépression, violence, pureté. Johnnie To réussit à ne pas plomber son récit avec cette symbolique.
Throw down est un film étrange. Ni un vrai film d'action (pourtant tout le monde veut faire du judo), ni une vraie comédie (ou alors une comédie noire où l'y rie jaune), ni un vrai mélodrame (ce qui arrive aux personnages est certes dur mais toujours vite oublié), ni une romance (il n'y a de tension érotique qu'entre Aaron Kwok et Louis Koo), Johnnie To fait un film de Johnnie To. Un genre à lui tout seul.
Throw down (柔道龍虎榜, Hong Kong, 2004) Un film de Johnie To avec Louis Koo, Aaron Kwok, Cherie In, Tony Leung Ka-fai, Jordan Chan, Jack Kao, Cheung Siu-fai