vendredi 18 mai 2007

SPL


Du réalisateur Wilson Yip, on ne connaît en France que Bullets over Summer, sorti en dvd en 2004. Dans ce film remarquable, Francis Ng et Louis Koo campaient deux flics en planque qui surveillaient des malfrats. Tout en s'appuyant sur un scénario policier classique, Yip plaçait la solitude des deux flics au centre de son film. Petit à petit, Ng et Koo se liaient avec une vieille dame qui avait de trous de mémoire et qui les prenait pour ses enfants. Bullets over Summer se démarquait totalement du polar hongkongais habituel. Dans SPL, Wilson Yip fait aussi exploser le genre : il reprend les clichés liés au film policier pour mieux les retourner et offrir un des meilleurs polars récents, alors que l'on dit le genre en plein renouveau actuellement à Hong Kong. Le film se transforme sous nos yeux en bijou de film noir, amer et désespéré.

Sammo Hung est au centre de SPL. Il incarne Wong Po un chef de gang que la justice doit relâcher pour manque de preuves. Pour se venger d'un inspecteur de police (Simon Yam) qui veut en finir avec lui, Po organise un accident de voiture qui met fin aux jours des membres de la famille de l'inspecteur. Ce dernier fera désormais tout pour le coincer, par un moyen ou un autre, quitte à ne pas respecter la loi. Chan, cet inspecteur, a sous ses ordres trois autres policiers. Ils sont tous des solitaires (une récurrence donc chez ce cinéaste) qui n'ont pas grand-chose à perdre. Ils vont donc prêter main forte à Chan.

A vrai dire, les méthodes de l'inspecteur ressemble fortement à celles des triades. Quand SPL commence, on ne sait pas encore que Simon Yam est un flic. Il poursuit Sammo Hung avec sa voiture et l'emboutit. Ou au moins tente de l'emboutir, car le vieux Sammo n'est pas en reste. On ne sait pas qui est le méchant et qui est le gentil. Certes Sammo a des tatouages, mais Simon Yam porte le même costume que dans Election de Johnnie To (sorti quelques semaines avant SPL à Hong Kong), et où il incarnait, en costume trois pièces, un chef de triade. C'est lorsqu'un policier arrive que l'on comprend que Simon Yam est un flic.

Seulement voilà, le chef de la police décide que l'équipe de Simon Yam sera désormais adjointe d'un autre policier. Ce dernier est interprété par Donnie Yen, par ailleurs producteur du film. Yen, habillé tout en noir, chemise ouverte sur un torse particulièrement musclé, ne sera pas bien accueilli par les quatre autres flics. Leur première rencontre se déroule bien mal. Sur le toit d'un immeuble, Yen les affronte à coups de poings. Là aussi, c'est Donnie Yen qui règle les combats d'une grande violence, le film a d'ailleurs été classé Catégorie III (interdit aux moins de dix huit ans).

Mais ce qui ne pourrait passer que pour un simple polar se transforme sous nos yeux en une sorte de western urbain. Simon Yam et ses cow-boys pratiquement hors la loi vont affronter le shérif Donnie Yen. Dans cet affrontement sur le toit, c'est tout à fait frappant. Les quatre ont chacun une batte et sont prêts à en découdre. Yen lui adopte une posture de shérif : régulièrement pendant le film, et notamment dans cette séquence, il place ses mains sur sa ceinture en écartant sa veste, comme s'il se tenait prêt à dégainer. D'ailleurs, au détour d'un plan on remarquera que leur lieu de travail s'appelle la " Western District Police Station. " On est en plein western donc, comme dans cette bagarre entre Yen (habillé tout en noir) et un méchant (habillé tout en blanc, mais coiffé comme un iroquois).

On s'en doute, Yam et ses hommes vont s'unir à Yen pour lutter contre Sammo Hung. Et toutes les méthodes sont bonnes. Un type, un simple d'esprit, filme le meurtre d'un indic de la police. Sammo le frappe avec son club de golfe, mais l'indic n'est pas mort et c'est un homme de main qui l'abat d'une balle. Peu importe, on coupera la vidéo. Elle servira de preuve et on pourra mettre Sammo en prison. Mais le bougre a du pouvoir et réussit à retrouver la bande originale et à sortir de prison. Sa vengeance n'en sera que plus terrible. Derrière Sammo, en bon chef qu'il est, il dispose d'une réserve de jeunes hommes de main entièrement voués à sa cause, tous young and dangerous. Ils font la loi dans la rue, ou au moins l'occupent. Sammo va charger un tueur impitoyable de se débarrasser des policiers. Ce sera sanglant.

SPL alterne les scènes de calme, comme cette pause à la plage qui évoque certaines séquences des films de Takeshi Kitano, avec les scènes de baston réglées avec une redoutable précision et une efficacité remarquable. Sammo Hung, 56 ans au compteur, a beau être ridé et gros, il donne du fil à retordre à Donnie Yen, 42 ans, mais qui en paraît 25. Le combat final est d'une violence inouïe mais d'une beauté à couper le souffle. Ce combat, qui suit celui de Yen et de l'iroquois, marque d'autant plus qu'aucun mot n'est jamais prononcé entre les adversaires : les deux combats sont sans paroles et les coups s'entendent d'autant mieux. SPL se termine sur un twist final, ou plutôt deux, d'une grande cruauté. La maîtrise de Wilson Yip laisse augurer du meilleur pour le cinéma de Hong Kong en général et du néo-polar en particulier.

Jean Dorel
SPL (殺破狼, Hong Kong, 2005) Un grand film de Wilson Yip avec Sammo Hung, Donnie Yen, Simon Yam, Liu Kai-chi, Wu Jing, Timmy Hung, Ken Cheung.

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