Franchement, c’est quoi ce film ? Me suis-je dit juste après le mot FIN. Comment le type qui a fait SPL a-t-il pu commettre ce bizarroïde Dragon Tiger Gate ? Peut-être qu’en tant que fan absolu de ce SPL, qui remettait à l’heure les pendules du film d’arts martiaux, j’attendais trop du nouveau film de Wilson Yip et de Donnie Yen. Sans doute.
Pourtant, ça commence vraiment de manière magistrale avec une séquence d'action du plus grand cru qui semblait prolonger le combat entre Sammo Hung et Donnie Yen dans le film précédent. Tout est là, sur l'écran : un décor gigantesque, celui d'un restaurent (comme dans tout film d'arts martiaux qui se respecte). Un grand escalier avec en bas les simples clients dont Tiger Wong (Nicholas Tse) et ses amis, et à l'étage le Parrain Kun (Chen Kwan-tai) et ses hommes de basses œuvres, dont Dragon Wong (Donnie Yen). On sent que la bagarre va arriver et, parce qu'on sait que c'est Yen qui règle les chorégraphies des combats, que cette bagarre va être grandiose. De plus, on a accepté dès le début, avec ce générique tiré de la BD originale de Tony Wong, qu'on sera dans un univers purement visuel où l'absence de réalisme n'aura pas d'importance.
Dragon Tiger Gate prend prétexte à sa fiction un mcguffin assez simpliste : Kun se voit remettre par Shibumi, un chef monstrueux, la plaque en or de Lousha. Un des amis de Tiger récupère dans la première baston la plaque, sorte de sceptre qui permet à son possesseur d'asseoir son pouvoir. Tiger et ses potes ont changé de restau, mais Dragon et une bonne ribambelle d'hommes de Kun vont rechercher leur bien. Et re-bataille. Magnifique baston avec des dizaines de combattants contre Tiger, puis contre Dragon et enfin contre Turbo (Shawn Yue) qui mangeait peinard dans la pièce d'à côté et qui se prétend champion de nunchaku. La caméra se promène de partout, et surtout au dessus de l'action. C'est vraiment beau. On se bat, on détruit les décors et chacun rentre chez soi. Les vingt premières minutes sont brillantes, fun et laissent augurer du meilleur. Au fur et à mesure du film, on déchante.
Tiger Wong invite Turbo chez son sifu, Maître Wong (Yuen Wah) qui dirige le Dragon Tiger Gate, une sorte d'école d'art martial où la sévère discipline règne et qui doit rappeler à Yuen Wah celle où il fut entraîné il y a quelque quarante ans avec Jackie Chan, Yuen Biao et Sammo Hung, la rigoureuse école de Yu Jim-yuen, la China Drama Academy. Si dans quelques séquences, le duo entre Maître Wong et Turbo fonctionne sur le mode des rapports entre le maître intransigeant mais juste et de l'élève arrogant mais qui cherche à apprendre (les seules scènes drôles du film), le reste de Dragon Tiger Gate tombe dans une guimauve des plus mièvres. Et là, ça énerve vraiment. Car comme on pouvait le supposer Dragon Wong est le grand frère de Tiger Wong. Des événements familiaux les ont séparés dans leur enfance. Tiger veut ramener Dragon dans le chemin de Bouddha et l'éloigner de la voie du Jiang Hu.
Si à cela on ajoute deux filles (Dong Jie et Li Xiao-ran, deux actrices chinoises – co-production oblige), une pour chaque frère, cela donne une romance où Kenji Kawai, qu'on a connu plus inspiré, a écrit une musique où les violons sont censés émouvoir les spectateurs. On regrette de ne plus trouver ce qui avait fonctionné dans les films précédents de Wilson Yip. Ici, tout est donné au premier degré sans qu'aucune ironie ne puisse être trouvée. Pourtant, les looks de Dragon, Tiger et Turbo auraient pu donner des bonnes idées. Il faut dire qu'ils sont à la limite du ridicule : mèches de cheveux sur les yeux, débardeurs bleu à zébrure pour Dragon, saumon à étoile pour Tiger, vert à scorpion pour Turbo. Citons les coiffeurs du film : Lau Wai-hing, Tsang Yat-ping et Tse Sui-keung sur une création de M. Ray Chang. Si on était méchant, on dirait qu'ils sont aussi grotesques que les trois filles de Heroic trio de Ching Siu-tung et Johnnie To.
Est-ce que en fin de compte Dragon Tiger Gate marque la fin du système Wilson Yip ? Il s'est sans doute laissé embarquer dans cette galère par Donnie Yen (producteur, acteur principal, chorégraphe) qui laisse des miettes à ses collègues dans sa volonté d'enfin pouvoir devenir une star aussi importante que Jackie Chan, Stephen Chow ou Jet Li. Tout à la gloire de Yen, Dragon Tiger Gate réussit pourtant à éblouir par brève intermittence dans de fugaces scènes. On admirera la scène du piège dans lequel tombe Kun, le split-screen devant la pagode Qi, les gouttes d'eau devant le visage de Donnie Yen, un champ d'herbes la nuit, la remise sur pied de Dragon. Et entre quelques flash-backs sur l'enfance des deux frères Wong mielleux (car tout vient de l'enfance c'est bien connu), on attend le combat final (comme il se doit) contre l'horrible Shibumi. Quant au fan de Wilson Yip que je suis, j'attends malgré tout son prochain film. En priant Bouddha qu'il soit totalement réussi. Fat Choi...
Jean Dorel
Dragon Tiger Gate (龍虎門, Hong Kong, 2006) Un film de Wilson Yip avec Donnie Yen, Nicholas Tse, Shawn Yue, Yuen Wah, Dong Jie, Chen Kuan-tai, Yu Kang, Li Xiaoran.
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