mardi 19 juin 2007

Le Marin des Mers de Chine


Emettons un hypothèse : Jackie Chan était le meilleur cinéaste hongkongais dans les années 1980. Oui, meilleur que Tsui Hark, John Woo voire Sammo Hung parce qu’il réussissait tous ses films. Son rythme de l’époque (en terme de mise en scène) est d’ailleurs comparable à celui de Stephen Chow aujourd’hui.

Dans Le Marin des Mers de Chine (1983) qui arrive enfin en dvd en France (chez Metropolitan), le style si caractéristique n’est pas encore tout à fait mis au point : ce fétichisme des objets qui fait que chaque chose dont se saisit Jackie se transforme en arme. Cela atteint son paroxysme dans Opération Condor, son dernier film en date en 1991. Sammo Hung (qui apparaît assez peu dans ce film, ce que je regrette) serait un metteur en scène instinctif, primaire, pour qui chuter compte avant tout. Jackie Chan est tout le contraire : il s’agit de rester les deux pieds sur terre, ce qui demande des notions d’équilibre intenses. On retiendra deux scènes directement inspirées du burlesque américain et qui se succèdent. Tout se situe au sommet d’une église. Un affreux jojo attaque Jackie. Il se coince dans le mécanisme de l’horloge (influence Chaplin) puis s’accroche à la pendule (influence Harold Lloyd). Jackie tombe (une cascade qui a failli lui coûter la vie) et la première chose qu’il fait est de se mettre debout.

Garder les pieds sur terre, ça veut dire aussi ne pas regarder les demoiselles qui pourraient vous détourner de votre mission. Dans Le Marin des Mers de Chine, le femmes n’ont pas de vrai rôles. Elles ne sont qu’un prétexte pour qu’on puisse voir le courage et la force de Jackie quand il va les sauver. Cela veut dire aussi garder la tête haute notamment face aux colons britanniques (le film se situe seulement quelques années après l’accord entre la Chine et le Royaume Uni qui accordait à ce dernier un bail de 99 ans). Cela consiste dans Le Marin des Mers de Chine à ridiculiser les hauts gradés, à dire que les élites sont corrompues et à sublimer le petit peuple dont Jackie s’est fait le porte parole, plus encore que Bruce Lee une décennie plus tôt. Il sera d’ailleurs de tous les plans (sauf quand les méchants complotent). On est d’autant plus étonné des rôles qu’il donne à Yuen Biao et Sammo Hung : des seconds rôles. Il arrive souvent dans le film, qu’ils disparaissent près de 30 minutes pour soudainement revenir.

Le Marin des Mers de Chine est aussi pour ceux qui cherchent le simple plaisir d’une histoire bien contée où les enchaînements se font à grands coups de pieds dans le bide et de coups de poings dans la gueule. Pendant des années, Jackie Chan a été considéré en France comme un gentil amuseur. Il est à l’évidence bien plus que cela. Il faut dire que jusqu’à ces dvd, on n’avait jamais les deux Le Marin des Mers de Chine qu’en VF et dans des versions qui pouvaient comprendre quelques vingt minutes en moins (merci René Château). Le Marin des Mers de Chine et sa suite titrée alors Action force 10 n’étaient qu’une succession de cascades et de bastons. Les versions complètes montrent un tout autre aspect de Jackie Chan : celui de meilleur cinéaste des années 1980.

Jean Dorel
Le Marin des Mers de Chine (Project A, A计划,Hong Kong, 1983) Un film de Jackie Chan avec Jackie Chan, Yuen Biao, Sammo Hung, Kwan Hoi-san, Mars

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