La
musique, largement pompée sur celle de Nino Rota pour Le Parrain, qui ouvre The
Last tycoon met immédiatement l’ambiance. Un homme de dos (Chow Yun-fat,
qu’on reconnait tout de même), regarde assis sur son siège de vieilles photos
accrochées au mur de son bureau. Son visage est impassible mais on comprendra
par la place qu’il occupe dans l’opéra (seul en haut, loin du bas peuple) qu’il
est le patron des triades. La caméra qui s’approche de ses yeux lance un
flash-back pour se retrouver en 1913 à Shanghai.
Autant
le dire tout de suite, The Last tycoon
est le meilleur film de Wong Jing depuis des années. La reconstitution des deux
époques, celle du milieu des années 1910 montrant l’accession au pouvoir de
Cheng Daqi (Huang Xiao-ming) puis en 1937 où le personnage a atteint sa gloire
(cette fois incarné par Chow Yun-fat) est fastueuse. Le soin apportés aux
costumes et aux décors de Shanghai (le film a reçu un Hong Kong Award),
l’abondance des figurants montrent que cette fois, le cinéaste a eu un budget
conséquent.
1914,
c’est l’époque des premiers choix de vie et des premières rencontres. Avec son
meilleur ami, il quitte son village et part pour Shanghai où il se promet de
devenir le patron du plus grand cabaret de la ville. Jeune homme droit dans ses
bottes, Daqi va se retrouver en prison à cause d’un policier corrompu. Il y
rencontre Mao Zai (Francis Ng), un général nationaliste qui va le libérer et le
prendre sous son aile. On suit sa progression dans les bas-fonds jusqu’à se
rencontre avec Hong (Sammo Hung), le grand patron qui l’embauche.
L’ascension
de Daqi est fulgurante. Hong en fait vite son bras droit. Il prend le contrôle
d’un quartier de Shanghai, celui de la concession française et promet de
respecter les dix commandements de la triade. Cette montée au pouvoir est montrée
dans une alternance de courtes scènes où il élimine ses adversaires (il a un
révolver contrairement aux autres) tandis qu’à genoux, il récite les préceptes
de son parrain, sous les yeux de Hong et de son épouse (Yuan Lin) qui semble
avoir autant de pouvoir que lui.
La
fascination de Wong Jing pour les triades est toujours aussi forte. Le
producteur des Young and dangerous
dans les années 1990, revient donc à son thème de prédilection avec cette fois
plus de subtilité. Il lorgne cependant clairement du côté des films de John
Woo, ne serait que parce que Chow Yun-fat est présent (il n’avait tourné pour
Wong Jing depuis 1994) mais surtout parce que les scènes de gunfights sont
filmées à grand renfort de ralentis dans un romantisme que l’auteur de The Killer n’aurait pas renié. Qui plus
est, l’un des grands moments se déroule dans une église. Il ne manque que des
colombes.
1937,
c’est l’année de l’entrée en guerre de la Chine et du Japon. C’est aussi pour
Daqi le retour devant ses yeux de son amour de jeunesse. Zhiqiu (Feng Wenjiuan
en 1914 puis Yolanda Yuan en 1937) et Daqi ont toujours été amoureux l’un de
l’autre mais le destin les a séparés. Elle est devenue une grande chanteuse
d’opéra chinoise installée à Pékin. Lui s’est marié à Bao (Monica Mok),
également chanteuse, ce qui montre qu’il n’a jamais oublié son amour de
jeunesse et qu’il l’a seulement remplacée par une autre.
Le
passage entre les deux époques se fait harmonieusement. Le romantisme des
histoires d’amour de Daqi est souvent trop appuyé, parfois mièvre avec ses
petites notes de piano et violon en fond sonore. En revanche, la dernière
demi-heure sur fond d’occupation japonaise de Shanghai, qui provoque la chute
de Daqi, est largement plus caricaturale. Il faut reconnaitre que le film donne
du plaisir à retrouver les vieilles gloires du cinéma de Hong Kong, Francis Ng,
Chow Yun-fat, Sammo Hung et Yasuaki Kurata en général japonais. On se croirait
presque revenu à l’âge d’or du cinéma cantonais.
The
Last tycoon (大上海, Hong Kong – Chine, 2012) Un film de Wong Jing avec Chow Yun-fat,
Sammo Hung, Huang Xiao-ming, Yolanda Yuan, Yuan Li, Francis Ng, Mo Xiao-qi,
Kimmy Tong, Zheng Yi-tong, Gao Hu, Xin Bai-qing, Jiang Lu-xia, Feng Wenjuan,
Yasuaki Kurata.
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