samedi 22 mars 2014

The Last tycoon


La musique, largement pompée sur celle de Nino Rota pour Le Parrain, qui ouvre The Last tycoon met immédiatement l’ambiance. Un homme de dos (Chow Yun-fat, qu’on reconnait tout de même), regarde assis sur son siège de vieilles photos accrochées au mur de son bureau. Son visage est impassible mais on comprendra par la place qu’il occupe dans l’opéra (seul en haut, loin du bas peuple) qu’il est le patron des triades. La caméra qui s’approche de ses yeux lance un flash-back pour se retrouver en 1913 à Shanghai.

Autant le dire tout de suite, The Last tycoon est le meilleur film de Wong Jing depuis des années. La reconstitution des deux époques, celle du milieu des années 1910 montrant l’accession au pouvoir de Cheng Daqi (Huang Xiao-ming) puis en 1937 où le personnage a atteint sa gloire (cette fois incarné par Chow Yun-fat) est fastueuse. Le soin apportés aux costumes et aux décors de Shanghai (le film a reçu un Hong Kong Award), l’abondance des figurants montrent que cette fois, le cinéaste a eu un budget conséquent.

1914, c’est l’époque des premiers choix de vie et des premières rencontres. Avec son meilleur ami, il quitte son village et part pour Shanghai où il se promet de devenir le patron du plus grand cabaret de la ville. Jeune homme droit dans ses bottes, Daqi va se retrouver en prison à cause d’un policier corrompu. Il y rencontre Mao Zai (Francis Ng), un général nationaliste qui va le libérer et le prendre sous son aile. On suit sa progression dans les bas-fonds jusqu’à se rencontre avec Hong (Sammo Hung), le grand patron qui l’embauche.

L’ascension de Daqi est fulgurante. Hong en fait vite son bras droit. Il prend le contrôle d’un quartier de Shanghai, celui de la concession française et promet de respecter les dix commandements de la triade. Cette montée au pouvoir est montrée dans une alternance de courtes scènes où il élimine ses adversaires (il a un révolver contrairement aux autres) tandis qu’à genoux, il récite les préceptes de son parrain, sous les yeux de Hong et de son épouse (Yuan Lin) qui semble avoir autant de pouvoir que lui.

La fascination de Wong Jing pour les triades est toujours aussi forte. Le producteur des Young and dangerous dans les années 1990, revient donc à son thème de prédilection avec cette fois plus de subtilité. Il lorgne cependant clairement du côté des films de John Woo, ne serait que parce que Chow Yun-fat est présent (il n’avait tourné pour Wong Jing depuis 1994) mais surtout parce que les scènes de gunfights sont filmées à grand renfort de ralentis dans un romantisme que l’auteur de The Killer n’aurait pas renié. Qui plus est, l’un des grands moments se déroule dans une église. Il ne manque que des colombes.

1937, c’est l’année de l’entrée en guerre de la Chine et du Japon. C’est aussi pour Daqi le retour devant ses yeux de son amour de jeunesse. Zhiqiu (Feng Wenjiuan en 1914 puis Yolanda Yuan en 1937) et Daqi ont toujours été amoureux l’un de l’autre mais le destin les a séparés. Elle est devenue une grande chanteuse d’opéra chinoise installée à Pékin. Lui s’est marié à Bao (Monica Mok), également chanteuse, ce qui montre qu’il n’a jamais oublié son amour de jeunesse et qu’il l’a seulement remplacée par une autre.

Le passage entre les deux époques se fait harmonieusement. Le romantisme des histoires d’amour de Daqi est souvent trop appuyé, parfois mièvre avec ses petites notes de piano et violon en fond sonore. En revanche, la dernière demi-heure sur fond d’occupation japonaise de Shanghai, qui provoque la chute de Daqi, est largement plus caricaturale. Il faut reconnaitre que le film donne du plaisir à retrouver les vieilles gloires du cinéma de Hong Kong, Francis Ng, Chow Yun-fat, Sammo Hung et Yasuaki Kurata en général japonais. On se croirait presque revenu à l’âge d’or du cinéma cantonais.

The Last tycoon (大上海, Hong Kong – Chine, 2012) Un film de Wong Jing avec Chow Yun-fat, Sammo Hung, Huang Xiao-ming, Yolanda Yuan, Yuan Li, Francis Ng, Mo Xiao-qi, Kimmy Tong, Zheng Yi-tong, Gao Hu, Xin Bai-qing, Jiang Lu-xia, Feng Wenjuan, Yasuaki Kurata.

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