dimanche 28 mars 2010

Comment Yukong déplaça les montagnes (5) Village de pêcheurs


Le Shantoung est une région maritime au nord est de la Chine. Grande comme la France et autant peuplée à l’époque de la réalisation de Village de pêcheurs en 1973. Joris Ivens et Marceline Loridan sont allés filmer certains habitants d’un village du littoral où la pêche consiste l’essentiel des moyens de subsistance des habitants. La cinéaste est seule aux commandes pour discuter avec la population sur leur métier, sur leur vie et sur l’avenir. On commence par évoquer que le fait que ces Chinois parlent un dialecte et que parfois la compréhension, via les traducteurs, est difficile.


Dans un but d’égalitarisme, les femmes ont le droit désormais d’être pêcheurs. Leur groupe s’appelle le Groupe des Femmes Pêcheurs du 8 Mars, en hommage à des ouvrières américaines qui furent les premières à manifester un certain 8 mars 1857. Les femmes naviguent, pêchent et parviennent à ramener autant de poissons et d’algues comestibles que les hommes. C’est l’un des leitmotives du film. Les filles sont aussi fortes que les mecs, mais il a fallu convaincre les plus arriérés comme ce capitaine de marine qui a du mal à s’extraire de la doctrine féodale pour rejoindre la nouvelle société. Mais le capitaine doit bien reconnaître qu’une femme pêcheur vaut un homme pêcheur.


Ces femmes du 8 mars ont droit à une bande dessinée pour retracer leur héroïsme et l’esprit révolutionnaire qui les anime. Les dessins sont très académiques et les femmes font des critiques sur le réalisme des images : on ne se met pas là, on se met ici. De vraies professionnelles qui connaissent parfaitement leur métier, comme le reconnait le vieux capitaine. On retrouvera en fin de film toutes ces femmes qui parlent d’elles avec beaucoup de sourires. Marceline Loridan veut leur faire parler de leur passé, de ce qu’elles ont pu faire avant, mais les réponses sont évasives. On comprend rapidement qu’elles n’ont pas de passé, que leur vie est monotone et que leur travail est difficile et abrutissant. Leur avenir va se limiter à la pêche, à la vie ouvrière telle que la rêvait la RévoCul.


Village de pêcheurs continue son tour de ronde de la population. On rencontre le médecin du village un peu dépassé par les maladies de ses patients. Son dispensaire est vétuste, peu équipé et les médicaments qu’il donne sont tous les mêmes. Les enfants sont mal à l’aise devant la caméra, tout comme le médecin. On voit des femmes du planning familial qui discutent de la contraception et de l’avortement. En France, à l’époque l’avortement était interdit et la contraception limitée. Loridan force le trait en expliquant la grande autonomie des femmes chinoises.


Marceline Loridan montre que le village est uni notamment lors du ramassage des algues marines comestibles. Tout le monde se met au travail pour sortir les algues des bateaux. Les méthodes sont encore ancestrales. Les algues sont portées à deux sur un long bâton sur les épaules, puis les algues sont jetées. On admire les écoliers qui viennent, en maillot de bain, donner un joli coup de main aux pêcheurs. Tout Village de pêcheurs est construit autour de scènes édifiantes montrant la construction de la nouvelle société chinoise. Loridan ne cite pas la logorrhée de Mao Tsé-toung qui aurait été en contradiction avec l’impression de grande tristesse et d’abandon dont semblent souffrir les villageois. Une chose étonne : on ne les voit jamais manger, pas même du poisson dont il est dit dans la commentaire qu’il est vendu aux habitants des villes, tout comme les algues.


Comment Yukong déplaça les montagnes (5) Village de pécheurs, Shantoung (France, 1976) Un film documentaire de Joris Ivens et Marceline Loridan.

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