vendredi 22 juin 2012

Aveux théories actrices



Pour son quinzième film, Yoshishige Yoshida revient à la couleur après ces deux films politiques en noir et blanc (surtout blanc d'ailleurs). Aveux théories actrices abandonne en revanche le format scope pour conserver le 1:37, format carré. Ce cadre correspond à celui des origines du cinéma. Le film interroge la place des actrices dans le cinéma, plus précisément, des « stars » avec leurs soucis propres, leurs liaisons annoncées par les journaux à scandales que l’agent artistique considère comme nécessaire pour l’accession au succès d’une actrice. Yoshida s’est dans son œuvre toujours tenu le plus éloigné possible du star system et suggère une théorisation de la source de l’art des actrices.

Dès la première scène, le film nous affirme que tout a un rapport avec la sexualité en montrant un tournage où un phare à la forme évidemment phallique sert de décor au film dans le film. Le film s’appelle également Aveux théories actrices. On y voit la caméra, on y entend le cut du réalisateur, parfois – dans une scène plus tardive dans le film – on ignore que c’est le film dans le film. L’équipe interrompt une scène d’amour qui n’en était pas une. Ces barrières entre la réalité et la fiction céderont vite le pas à d’autres sujets au vrai sujet du film : les frustrations et le refoulé des trois actrices qui doivent jouer ensemble, bien qu’elles ne s’apprécient pas forcément à cause de leurs compagnons interchangeables. Elles ne se rencontreront qu’au dernier plan du film.

Aki (Ruriko Asaoka) est persuadée d’être constamment surveillée par un homme qui la photographie. Cet homme viole son intimité. Toute sa partie est sous le signe du miroir dans lequel elle se regarde souvent. Aki tente de se souvenir de son professeur de lycée qui lorsqu’elle était adolescente a abusé de son ascendance pour violer Kyoko (Miyoko Akaza), l’amie d’Aki. Elle se rappelle cette après-midi chaude où il apparut en short blanc sur le perron de sa maison. Kyoko a été endormi avec du chloroforme mais la vérité sera rétablie par lui-même après que Kyoko a beaucoup reproché de choses à sa vieille amie. Le miroir renvoyait à un double qu’elle s’était créé.

Shoko (Mariko Okada) a un refoulé plus simple. Elle est persuadée que son mari, qu’elle ne voit plus depuis des années, l’a trompé avec une jeune comédienne. Son manager (Rentarô Mikuni) a peur quand il l’a découvre jouant la muette dans une séquence où son assistante et costumière, la jeune Rie (Kiwako Taichi), avec naturel et aplomb, traduit en mots les quelques gestes de Shoko couchée dans son lit. Ces scènes proches du burlesque évoquent Giulietta Masina dans Juliette des esprits de Federico Fellini. Les deux interprètes se ressemblent physiquement dans ces deux films, cheveux courts et tenues très colorées. Shoko n’aura de cesse de chercher à reconstituer cette scène d’adultère, jusqu’à l’obsession qui l’emp^cehe de jouer.

Enfin, Makiko (Ineko Arima) part avec sa mère (Yumeji Tsukioka) sur sa terre natale. C’est d’abord un voyage vers ces souvenirs que fait ce personnage, peut-être le plus troublant du film. Dans des flashbacks, on la retrouve dans son trauma initial en train de coucher avec un homme quand sa mère lui apprend que cet homme est son père. Et que ce père qu’elle croyait mort est encore vivant. Makiko l’ignorait jusqu’à présent et elle se met alors à comprendre les raisons de ses trois tentatives de suicide. Elle accuse désormais sa mère d’avoir si longtemps caché la vérité. Sa mère lui réplique sèchement que tout son jeu d’actrices s’est construit autour de la mort de ce père.

Aveux théories actrices est entièrement construit autour des dialogues que les trois actrices ont avec leurs interlocuteurs. Le film ménage un suspense quant aux raisons qui constituent ce processus de création. Le film est construit comme un puzzle que les personnages reconstituent en même temps que le spectateur. Le film parvient à être moins complexe que ses deux précédents (Eros + massacre et Purgatoire eroïca) et la beauté de ses plans sidère. Le travail de cadre (Mariko Okada est coincée dans un coin du plan) ainsi que la palette des couleurs étonnent à chaque plan.

Aveux théories actrices (告白的女優論, Japon, 1971) Un film de Yoshishige Yoshida avec Mariko Okada, Ruriko Asaoka, Ineko Arima, Miyoko Akaza, Toshiyuki Hosokawa, Kazuko Ineno, Yûsuke Kawazu, Isao Kimura, Daigo Kusano, Rentarô Mikuni, Tôru Minegishi, Kiwako Taichi, Yumeji Tsukioka.

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