dimanche 3 juin 2012

Mind game



Amoureux transis quand ils étaient adolescents, Nishi et Myon se retrouvent des années plus tard dans le métro. Myon rentrait en courant dans la rame manquait de se faire coincer le pied. Nishi la reconnait immédiatement. Elle lui propose de venir boire un verre dans le bar que tient son père et sa sœur Yan. Lui l’aime encore, il espère faire enfin aboutir cette amourette qui, alors, ne consistait qu’en l’échange de deux petits mots. Las, arrivé au bar, il découvre qu’elle a un fiancé, un bon gars costaud alors que Nishi est un petit tout maigrichon, dessinateur de manga sans le sou. Sa vie n’est pas une réussite. Mais tout pourrait prendre un nouveau départ.

En guise de nouveau départ, c’est la mort que va rencontrer Nishi. Un yakuza et son homme de main, un ancien footballeur immense et chauve, viennent réclamer au père de Myon de l’argent emprunté depuis longtemps et jamais remboursé. Le footballeur, armé d’un révolver, tente de caresser Myon, son petit ami s’y oppose mais se ramasse un beau coup de poing qui le laisse KO. Nishi tente de s’interposer et se prend une balle qui lui rentre dans le cul et ressort dans le crâne. Direction le paradis ou ses limbes, un fond blanc comme une feuille de papier vide. Après une longue discussion avec Dieu, personnage protéiforme et changeant, il parfvient à s’enfuir et à retourner sur terre pour sauver sa belle.

Là, la situation change du tout au tout. De retour sur terre, Nishi flingue le footballeur, délivre Nishi et Yan et part en trombe dans la voiture des yakuzas. Une longue course-poursuite s’engage. Nishi montre ses talents de conducteur, il faut dire qu’il est très fort aux jeux vidéo. La course poursuite est filmée ainsi, prenant le point de vue de Nishi, puis montrant comme dans un GPS le lieu où il se trouve. Et là, catastrophe. La bagnole au détour d’un pont se fait aspirer par une immense vague de mer. Nishi, Myon et Yan se font alors avaler par une baleine, tels Pinocchio et son père. Dans le ventre de la baleine, un vieil homme, Robinson échoué ici depuis trente ans guide leur premiers pas. La toute dernière heure de Mind game se déroule au sein de l’animal marin.

Le film crée alors une cosmogonie qui ne doit plus rien à la réalité telle qu’on la connait. La baleine est un nouveau monde où il n’existe plus d’ennemis, les yakuzas et autre créanciers ne sont pas là. Les quatre personnages ne souffrent jamais de faim d’autant que le vieil homme est un fin cuisinier qui prépare de délicieux sushis. Et puis Myon n’a pas de fiancé dans ce monde, Nishi peut enfin la séduire comme il en avait toujours rêvé. Il peu accomplir son désir d’ado. Quant à Yan, elle prend du bon temps avec le Robinson. L’espace ne semble avoir aucune limite, la peau de l’animal est si extensible qu’un animal marin préhistorique est leur animal de compagnie, que l’eau avalée par la baleine constitue une mer où ils se baignent. Mais la baleine vieillit. Le vieil homme le sent. Il faut donc partir. Une nouvelle course poursuite se lance dans Mind game : celle qui consiste aux quatre personnages à s’échapper.

Le spectateur est dans la même situation que Nishi. Il est prisonnier d’un monde dont il ne connait pas les règles mais qu’il lui faut contrôler. Le film vise l’épuisement des personnages, des situations comme il cherche à épuiser le spectateur par une profusion d’images qui s’apparente à l’orgie. Les personnages changent régulièrement de graphisme, leur visage est parfois celui de vrais acteurs, parfois simplement constitués de simples traits. Cette profusion extrême provoque deux résultats. Le premier est un plaisir de voir un imaginaire si débridé, un si grand nombre de propositions d’images, une variété si importante de style, de genre (comédie, romance, polar). Logiquement, cette variété constitue l’écueil principal de Mind game qui propose tant de choses qu’il donne l’impression de ne jamais avoir de réelle ligne directrice, de s’éparpiller, de complexifier ad libidum des images comme s’il ne faisait pas confiance à un scénario très basique. Il y aura chez de nombreux spectateurs une évidente volonté de crier au génie, c’est logique : il est toujours plaisant d’être émerveillé dans la perdition des méandres des images, de pouvoir s’affranchir du sens, comme si les images n’avaient de valeur que pour elles-mêmes. D’une certaine manière, Mind game est dans la lignée du cinéma de Tarantino, à la fois totalement immature et complètement abouti.

Mind game (Japon, 2004) Un film de Masaaki Yuasa avec les voix de Kōji Imada, Sayaka Maeda, Takashi Fuji, Seiko Takuma, Rio Sakata, Tomomitsu Yamaguchi.

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