jeudi 30 août 2007
The Adventure of Iron Pussy
Sorties à Hong Kong (août 2007)
mercredi 29 août 2007
Fleur pâle
Muraki, un yakuza revient en ville après trois ans passés en prison. Entre temps, son chef de clan a pactisé avec le chef du clan ennemi, ce que Muraki a du mal a comprendre. Dans un tripot où l’on joue au hanafuda, Muraki rencontre Saeko, femme à la beauté moderne. Avant de se parler, ils se regardent. Ils vont beaucoup jouer d’argent, parfois des sommes colossales. Plus tard, un membre du clan ennemi tente de venger feu son chef, mais rate son coup. Muraki acceptera son doigt en guise de pardon. Puis, un membre influent du clan est abattu, qui va devoir aller le venger ?
A la lecture de ce résumé relativement succinct on imagine ce que aurait pu en tirer Seijun Suzuki dont les scénarios étaient parfois bien moins fournis. Et Fukasaku alors ? Ça aurait un déchaînement de violence, une orgie de bastons, des filles humiliées, des chefs hargneux et des yakuzas féroces. Et bien Shinoda, ça n’est pas ça.
Ce qui frappe le plus dans Fleur pâle, c’est justement cette dédramatisation qui traverse tout le film. Non pas une ambiance feutrée ou une absence d’action qui ne montrerait que les moments en creux, les discussions filmés par des cinéastes incapables de mettre en scène l’action.
D’abord, Fleur pâle se déroule beaucoup dans les maisons de jeu où Muraki se rend. Shinoda n’essaye même pas d’en faire des moments de suspense pour savoir si un joueur malchanceux perd, pour savoir qui gagne. Si suspense il y a, il s’agit en réalité d’une tension entre Muraki et cette mystérieuse jeune femme, Saeko qui, au milieu de cette troupe essentiellement masculine, apporte un goût de sexe aux parties de cartes.
Shinoda subvertit son film de l’intérieur en filmant une histoire de yakuza comme une idylle entre deux adolescents avec son lot de jalousie, de gaminerie, de romance, de sourire niais. C’est sans doute une des plus grandes forces de Fleur pâle et ce qui a pu irriter la censure puisque les yakuza sont montrés sous un jour tout à fait inédit. Pas un tatouage visible en tout cas.
Quelques scènes étonnent comme une poursuite en voitures entre le duo (le couple) et un homme barbu portant casquette. Les voitures roulent vite dans l’avenue vide. Ce barbu est-il un méchant. Pas de dialogue. Saeku l’emporte, elle se fait doubler, le barbu sort de sa voiture hilare et lui tape dans le dos. On n’en saura pas plus. Plus loin dans le film, le chef de clan de Miraku décide de venger un éminent membre du clan. Tous les yakuzas sont réunis. Avant tout ordre, le chef offre de la pastèque à ses hommes, il s’assoie calmement, s’allume une cigarette et cherche l’homme qui aura le moins à perdre à tuer l’ennemi. Alors qu’on s’attend à des propos violents, à des réactions exacerbées, Shinoda va à contre-pied de nos attentes.
Constamment Fleur pâle laisse le spectateur sur une impression un flottement scénaristique. Le personnage de Yo semble à ce titre exemplaire puisqu’on ne sait rien de lui. Les personnages non plus. Il reste assis dans le couloir du tripot à attendre. De clan est-il, qui protège-t-il, que veut-il ? Il est présenté comme un métisse de Hong Kong où il aurait tué des hommes. Mais son mystère reste entièr.
Le film est un bloc d’énigmes symbolisé par une reproduction de
Fleur pâle (Japon, 1964) Un film de Masahiro Shinoda avec Ryo Ikebe, Mariko Kaga, Takashi Fujiki, Eijirô Tono, Seiji Miyaguchi
mardi 28 août 2007
L'Eclair
Ce qui m’avait frappé à la vision du Repas était cette manière qu’avait Mikio Naruse de filmer la ville d’Osaka et qui en faisait un document sur son état en 1951. On retrouve cette idée dans L’Eclair tourné un an plus tard à Tokyo et encore une fois adapté d’un roman de Fumiko Hayashi.
Ce que j’aime dans cette idée de filmer une ville telle qu’elle existait à l’époque et qui produit du réalisme, c’est que cela ancre l’histoire dans le présent, un peu à la manière des cinéastes italiens de la même période, surtout Vittorio De Sica avec lequel il a, à mon avis, beaucoup de points communs, dans sa manière de décrire les rapports familiaux. Il fait de son héroïne une guide touristique et peut ainsi montrer la ville.
L’Eclair est l’histoire de la famille Komori. Une mère qui a eu de quatre maris quatre enfants : trois filles et un garçon. C’est Kyoko qui intéresse particulièrement Naruse, la plus jeune qui a une haute conscience de se qui est en train de se passer dans sa vie. Elle est célibataire et le garçon qui voudrait bien se marier avec elle ne l’intéresse pas.
Naruse ne montre pas la différence de génération entre la mère et ses filles. La mère a beau dire que le bonheur est une idée moderne, entendant par là la même chose que sa fille aînée Mitsuko qui déclare le mariage fait le malheur des femmes. Elles disent juste la même chose mais de manière différence, par la litote.
Et Mitsuko sait de quoi elle parle puisque le jour du décès de son mari, elle rencontre la maîtresse de ce dernier qui vient réclamer une pension. Puis comprend ensuite qu’il avait une deuxième concubine. Quant à la troisième sœur, Nuiko, elle ne supporte plus son mari. Elle vit comme elle l’entend, dit ce qu’elle veut, fume des cigarettes et s’habille comme les putes qui peuplent les films de Mizoguchi. On comprend qu’avec de tels exemples la volonté de Kyoko soit d’être libre.
Montrer Tokyo en 1952 n’est pas une facétie de Naruse. Pas plus que de faire de Kyoko un guide touristique. Cela permet de comprendre pourquoi elle désire échapper à la stagnation de sa vie, pour ne pas parler de muséification. Elle va déménager en banlieue dans un quartier moderne. Là-bas, sa vie va enfin commencer. Un éclair une nuit d’orage l’annonce.
L’Eclair (Japon, 1952) Un film de Mikio Naruse avec Hideko Takamine, Mitsuko Miura, Jun Negami, Kyoko Kagawa, Chieko Murata
dimanche 26 août 2007
Boarding gate
En mars 2007 sortait Hyper tension modeste film d’action rigolo avec le nullard Jason Statham. On y sentait que les réalisateurs s’amusaient à parodier ironiquement certains films de Hong Kong. L’industrie du cinéma y est telle qu’un film démarre souvent son tournage avant que le scénario ne soit fini. Le rythme s’en ressent toujours et l’on y trouve des coups de théâtre fumeux qui ne permettent jamais d’en deviner la suite des évènements.
Dans Boarding gate, si on ne devine pas ce qui va suivre dans la scène suivante, c’est parce que dans le dernier film d’Olivier Assayas, rien ne s’y passe. Le cinéaste français fan de cinéma de Hong Kong a clamé avoir tourné Boarding gate dans l’économie d’une série B. Jamais il n’en trouve l’esprit et tout tombe dans le mauvais goût le moins sincère.
Si je compare les Boarding gate à Hyper tension, c’est parce que la presse française soutient tant Assayas et a tant méprisé Hyper tension que ç’en est énervant.
Au moment de la préparation de son film, Assayas avait essayé d’avoir dans sa distribution Andy Lau. A la place, il y a Carl Ng, un acteur de seconde zone habitué aux troisièmes rôles. C’est forcément moins bien. Andy Lau, pas fou, a dû lire le scénario. Carl Ng s’occupe d’une boîte d’import export entre
La pertie à Hong Kong occupe toute la deuxième moitié de Boarding gate. On y voit une Asia Argento qui traverse la ville en taxi rouge, qui va dans un karaoké, qui cherche à échapper à des tueurs et qui flingue toute seule comme une grande quelques méchants garçons. Ça fait toujours étrange de voir des hommes de main brandir des revolvers à Hong Kong, sachant que même les gens des triades ne le font pas. La possession d’armes est strictement contrôlée là-bas. On n’a pas vu les films de Johnnie To pour rien.
Tout le film d’Olivier Assayas est interprété avec une fébrilité par ses acteurs comme s’ils venaient de comprendre dans quelle galère ils étaient. La palme à Argento et ses cris de douleurs. Effet comique involontaire garanti. Assayas et son chef op’ adorent les flous artistiques. Lors des longues, très longues, et très ennuyeuses discussions entre Madsen et Argento, elle est nette au premier plan et lui flou au deuxième. Sublime ! Les scènes de cul sont filmées dans une telle obscurité que même Tsai Ming-liang n’en fait plus comme ça depuis dix ans.
Assayas ment. Il n’a pas voulu faire une série B. Il continue à nous parler de la différence entre les désirs féminin et masculin. Car côté action, tout cela ressemble à Secret défense de Jacques Rivette : c’est passionnant de voir les trajets des protagonistes. Parce que c'est encore plus médiocre que Demonlover, Boarding gate est une série B d’action faite pour ceux qui n'aiment pas le cinéma d’action.
Boarding gate (
samedi 25 août 2007
The Lovers
vendredi 24 août 2007
Le Pensionnat
Chatri a douze ans. En plein milieu de l’année, ses parents l’emmènent dans un pensionnat pour garçons. Cela ne lui plaît pas. On ne sait pas pourquoi il a été obligé de quitter son école. La directrice a un air sévère. Ça ne rigole pas, il faut suivre la discipline. Ses nouveaux camarades l’accueillent assez froidement. Chatri est tout seul au milieu de tous.
Un soir, quatre élèves l’appellent et lui racontent quelques histoires de fantômes. Celle de la fille d’un professeur qui s’est pendue. Et surtout quelques rumeurs sur les chiens qui hurlent quand les fantômes sont là. A ce moment là, il ne faut pas aller pisser. Mort d’angoisse, le pauvre Chatri en pisse dans son pyjama.
Petit à petit, Chatri se fait un ami. Wichien est comme lui, solitaire. Ils parlent ensemble, font le mur pour admirer les majorettes dans la ville du coin, ils jouent ensemble aux jeux vidéo. Seulement voilà, Wichien n’existe pas. Ça n’est pas l’ami iaginaire de Chatri, il est un fantôme. Le Pensionnat est l’histoire de ce fantôme et raconte les raisons pour lesquelles son esprit hante encore les vivants.
D’un côté, Le Pensionnat est un film horrifique plutôt réussi. Songyos Sugmakanan utilise les procédés habituels pour faire peur et installer son ambiance morbide : lumière sombre, musique sourde et constante accentuée lors des moments d’angoisse. Le décor est utilisé au maximum : une piscine vide où quelques feuilles roulent sur le carrelage, des couloirs vides. La directrice a un comportement étrange, elle écoute toujours le même disque rayé et pleure en ouvrant le tiroir de son bureau. Le Pensionnat propose beaucoup de secrets.
Mais, Le Pensionnat dévoile tout au fur à mesure de son récit. On est dans le fantastique (ou plutôt le merveilleux) mais tout est filmé comme dans un film d’horreur. Les effets sont, du coup, trop amplifiés. Dans cette idée de fantastique dans un pensionnat, L’Echine du diable de Guillermo Del Toro était bien plus inspiré.
En revanche, ce qui frappe c’est la partie documentaire sur l’éducation en Thaïlande où le cinéaste décrit avec minutie le quotidien des enfants (ceci dit en passant, les enfants ne sont pas tous très bons acteurs, dommage).
Il y a aussi une séquence très drôle et qui fait basculer le film dans le fantastique. Les enfants vont au cinéma en plein air voir un film de fantômes chinois. Ça ressemble à Mr. Vampire mais cette parodie a été tourné avec des acteurs thaïlandais par Songyos.
Le Pensionnat (เด็กหอ, Thaïlande, 2006) Un film de Songyos Sugmakanan avec Charlie Trairat, Chintara Sukapatana, Sirachuch Chienthaworn.
jeudi 23 août 2007
Sorties à Hong Kong (août 2007)
Big bang love juvenile A
Il existe des films qui se plonge tant dans l’abstraction qu’en parler d’un strict point de vue concret, évoquer sa construction organique en termes de mise en scène, d’interprétation, ou pire de scénario reviendrait à n’en rien dire.
Big bang love juvenile A est un film, comme dirait Mocky, où ça fout le camp dans tous les sens. Le titre original 46億年の恋 se traduit par 46 millions d’années. Mais tout autant le titre japonais que son titre international en anglais laissent pensifs et le spectateur lambda qui n’aurait jamais vu un seul film de Miike, et l’admirateur de l’œuvre de Miike qui regorge pourtant de bizarreries purement abstraites.
Takashi Miike nous plonge dans une prison. Des garçons en haillon sont entassés tandis qu’une enquête est menée pour savoir qui a assassiné un prisonnier. Le récit de l’enquête est volontairement incompréhensible. C’est le directeur de la prison en personne qui diligente cette investigation. Il a bien entendu quelque chose à se reprocher. Il essaie de subordonner le témoin pour qu’une éventuelle preuve d’un acte commis ne soit dévoilée.
Ce qui compte plus encore dans Big bang love juvenile A que le récit de cette enquête est l’ambiance particulièrement scabreuse que Takashi Miike développe. Il place ses acteurs (je dirais acteurs à défaut de personnages, car on est dans l’abstraction) dans des décors quasi nus. Ici, la référence au fantasme homosexuel tel que l’a envisagé Fassbinder dans Querelle, son dernier film en 1982, est évidente. Tout aussi référencée est l’allusion au film de Jean Genet Un chant d’amour (1950) dans cette idée que de la promiscuité entre hommes qui vivent sans femme naît de facto un désir irrépressible qui va jusqu’à se transformer en mort. La vieille idée d’Eros contre Thanatos.
Comme dans le court métrage de Genet, deux prisonniers, éventuellement amoureux l’un de l’autre, se rêvent à l’extérieur. Là, Miike les place dans un extérieur encore plus étonnant que l’intérieur. On y voit une fusée et une pyramide, sans que l’on y explique quoi que se soit. Les décors intérieurs de Big bang love juvenile A sont des formes géométriques. Cubes, hexagones, rectangles des fenêtres et des portes. Uniquement des formes anti naturelles, strictement culturelles qui font contrepoids aux sentiments de jalousies amoureuses dont font preuve les acteurs en tant que personnages.
Big bang love juvenile A est un film avec des scènes d’une belle fulguration, comme celle d’un mec tatoué qui danse torse nu en début de film, qui fascinent notamment parce qu’elle imprime le ton au spectateur. Les acteurs savent exprimer avec les yeux et la voix toute l’angoisse du monde.
Mais étrangement, on reste grandement sur sa faim devant ce film. On dirait que Miike essaie de faire de Big bang love juvenile A un film japonais de la fastueuse décennie autour de 1968. Un film à la fois génial (Miike fait ce qu’il veut et le réussit) et vain (tout cela ne regarde pas vraiment le spectateur).
Big bang love juvenile A (46億年の恋, Japon, 2006) Un film de Takashi Miike
Présenté au Festival de Deauville 2007
mercredi 22 août 2007
Fat choi spirit
Le film de mahjong est un sous-genre du film de jeu, soit le gambling. C’est un genre peu populaire en France étant donné que le mahjong n’est pas un jeu très développé non plus. Fat choi spirit est à mille lieux des Fleurs de Shanghai de Hou Hsiao-hsien (1998), ce qui en soit n’est pas une mauvaise nouvelle, tant le chef d’œuvre du maître souffre de sa préciosité et de maniérisme.
Wai Ka-fai et Johnnie To ne cherchent pas à faire œuvre d’auteur. Fat choi spirit est entièrement consacré à l’idolâtrie des stars qui ont accepté de venir jouer dans le film. En comparaison avec les polars de To et les films ultérieurs en solo de Wai, on serait bien incapables de trouver le moindre lien avec ce Fat choi spirit qui est un film de gambling romantico-comique. C’est finalement cela qui passionne dans le cinéma de Hong Kong, il a beau y avoir un nom aujourd’hui célébré pour son sens de la mise en scène, on ne sait jamais sur quoi on va tomber.
Andy Lau est un maître du mahjong, mais sa gloire est assombrie par sa rupture avec sa famille. Sa mère souffre de la maladie d’Alzheimer (on est loin de Bullets over Summer) et son frère, Louis Koo lui reproche d’être responsable de sa maladie. Gigi Leung ancienne amoureuse d’Andy le poursuit pour qu’ils se remettent ensemble. Cherrie In va escroquer Louis avec sa bande de tricheurs qui a à sa tête Lau Ching-wan et son père Wong Tin-lam (le vieux des Election). Voici donc une demie douzaine de personnages qui vont pendant 90 minutes se tourner autour, se sentir, s’arnaquer, jouer ensemble, jouer les uns contre les autres.
Autant le dire, Fat choi spirit est un film où l’on n’arrête pas de jouer au mahjong, le jeu national chinois. Celui qui en ignorerait les règles risquera de s’ennuyer ferme, car les parties de jeu sont plus nombreuses que les parties de comédies. La comédie est de toute façon entièrement liée à la pratique du mahjong, puisque chaque personnage n’existe que dans sa pratique du jeu. Andy est le maître, Ching-wan est celui qui veut être le maître, Louis ne veut pas jouer.
Fat choi spirit est un pastiche, plus qu’une parodie, de la série lancée et popularisée par Wong Jing des God of gamblers, série à laquelle a participé Andy Lau à ses débuts de star et qui l’a placé au sommet. Le final de Fat choi spirit rappelle ceux de la série quand Stephen Chow, après avoir touché le fond, se refait dans une partie extraordinaire. Ici, le final dure vingt bonnes minutes. Pong, Kong, bambous, nord sud est ouest, dragons, cercles. Il ne faut oublier de réviser les règles du jeu. Fat choi spirit s’amuse aussi à pasticher les films d’arts martiaux. Le mahjong remplace ici le kung-fu. Wai Ka-fai et Johnnie To parodient les Wong Fei-hung en toute fin de film.
Fat choi spirit est un film pourtant assez drôle puisque les acteurs y vont à fond dans leur personnages. Le film est exempt de toute psychologie, ce sont des archétypes qui peuplent le film. La palme revient au Lau Ching-wan et Wong Tin-lam qui se la jouent cool comme dans les films qu’ils ont pu voir et qu’ils imitent. Dégaine de rappeur, bonnet vissé sur la tête, gros collier, Lau Ching-wan sait parfaitement jouer les couillons. L’acteur, après une série de rôles dramatiques marquants, se tourne vers la comédie loufoque (voir ses rôles dans les comédies de Chan Hing-kai) pour ne plus la quitter. Il est bon de partout de toute façon.
Jean Dorel
Fat choi spirit (嚦咕嚦咕新年財, Hong Kong, 2002) Un film de Wai Ka-fai et Johnnie To avec Andy Lau, Gigi Leung, Louis Koo, Cherrie In, Lau Ching-wan, Wong Tin-lam
mardi 21 août 2007
Peking opera blues
Tsui Harl adore plonger ses personnages dan l’histoire de
Sheung (Cherie Chung) est une jeune chanteuse. Ce jour-là, elle est chez un général libidineux, qui, bien qu’ayant déjà 28 épouses, se verrait bien convoler avec cette chanteuse. Tout est interrompu par l’entrée de soldats, car notre Général n’a pas oublié de se servir dans la caisse. Sheung s’enfuie aussi en récupérant quelques bijoux qu’elle cache sur la charrette de la troupe de théâtre Chun Hu. C’est la confusion, les soldats fouillent tout le monde, mais Sheung s’en sort grâce à l’intervention de Hsueh (Brigitte Lin). Sheung va au théâtre reprendre son bien volé. Là bas, on lui interdit l’entrée. Le responsable du théâtre Hua (Wu Ma) a une fille qui rêve de jouer, Pak (Sally Yeh) s’est habillé pour jouer dans l’opéra mais son père lui interdit.
Or, le théâtre est lieu de rendez vous des rebelles contre les généraux corrompus. Brigitte Lin, bien que fille d’un général, est une de ces rebelles. Elle sera chargée d’une mission avec Ning (Marc Cheng), ils doivent prendre un document qui établit l’état de corruption de membres haut placés. Ils espèrent aisni amener la démocratie en Chine. Très vite, les deux autres filles seropnt mêlées à toute cette histoire de document secret qui sert de fil conducteur au récit de Peking opera blues, ce que en d’autres temps on appellerait le macguffin.
Tsui Hark utilise bien entendu ce cadre historique notamment pour la reconstitution. L’Histoire, celle que l’on lit dans les livres, on le sait est souvent écrite par des hommes avec des hommes au centre des évènements. Tsui Hark en donnant à ses actrices les rôles principaux ne contredit pas l’idée que l’histoire c’est les hommes, mais va en diminuer considérablement la portée.
Ce que montre Peking opera blues est un monde dominé par les hommes. Si l’Histoire c’est les hommes, la fiction c’est les femmes. Tsui Hark procède dans son film à un renversement des sexes assez jubilatoire. Brigitte Lin, que l’on avait connu dans Zu les guerriers de la montagne magique comme Reine des Glaces, soit le symbole de l’érotisme féminin, est là habillé en homme (cheveux courts et pantalons) et prend la tête de la rébellion. Elle conduit, elle boit, elle est libre.
Ce sont souvent les hommes qui sont féminisés. Le théâtre est interdit aux femmes et les hommes jouent les femmes. D’ailleurs, le chef de la police tombe en émoi devant le frère du patron du théâtre quand il interprète son opéra. Pak et Sheung devront s’imposer pour pouvoir jouer devant le public.
Tout Peking opera blues est constitué de signe qui mettent en avant les femmes en tant qu’elles font avancer la fiction. Elles sont créatrices du scénario soit parce qu’elles font progresser le récit (la recherche du document et tout ce qui se rapporte à la rébellion), soit parce qu’elles le font capoter (leurs gaffes fournit l’élément burlesque qui contrebalance l’aspect historique). Dans les deux cas, les hommes doivent suivre. Le père accepte que sa fille joue au théâtre, les deux garçons tentent de séduire les filles.
On s’amuse beaucoup aux aventures des héroïnes de Peking opera blues. Tsui Hark ne relâche jamais la tension et parcourt son film de morceaux de bravoure, de poursuite, de danse, de combats, le tout réglé par Ching Siu-tung. Ce dernier deviendra le maître d’œuvre d’une nouvelle carrière qui va s’ouvrir pour Tsui Hark, celle de producteur. Dès la fin du tournage de Peking opera blues, le cinéaste désormais patron de
Jean Dorel
Peking opera blues (刀馬旦, Hong Kong, 1986) Un film de Tsui Hark avec Brigitte Lin, Sally Yeh, Cherie Chung, Mark Cheng, Wu Ma
La Province de Yangsan
Kim Ki-young (1922-1998) est un cinéaste dont l'œuvre reste à découvrir. Il commence à tourner en
Ce que filme Kim Ki-young dans
Tout se passerait parfaitement entre les deux amoureux si Moo-ryong ne cherchait à mettre à mal cette relation. Lui est un chasseur et voit Ok-ran comme une proie. Il menace de son arc le père de Ok-ran, qui ne souhaite pas vendre sa fille à ce jeune homme cruel, et finit par abattre une poule. Ce qui semble montrer que Moo-ryong préférerait voir la jeune fille morte si elle ne l'épouse pas. Kim Ki-young n'a évidemment pas de sympathie pour Moo-ryong. Il le filme toujours en légère contre plongée, lui donnant un air hautain et inquiétant. Régulièrement, Kim le filme sur son petit cheval, suivi de ses hommes, descendre la colline pour rejoindre le village. Moo-ryong est toujours arrogant, condescendant avec ses paysans et ne fera jamais preuve de pitié que lorsqu'il est certain d'arriver à ses fins, comme lorsqu'il met en prison le père de Ok-ran à qui il promet la liberté en échange d'un mariage.
lundi 20 août 2007
McDull the alumni
vendredi 10 août 2007
Working class
En 1985, Tsui Hark tourne une comédie où il se donne un des rôles principaux. Tsui Hark, Sam Hui et Teddy Robin forment un trio de pitres dans Working class. Tsui Hark décide de jouer dans son film (et pas une simple apparition comme dans Zu, les guerriers de la montagne magique) et s'entoure de Sam Hui et de Teddy Robin. Sam Hui était l'acteur principal de la franchise lancée par Eric Tsang, Mad mission. Tsui Hark en avait tourné la troisième mouture : un énorme succès. Sam Hui était à cette époque une immense star, le seul acteur comique à rivaliser sur son propre terrain avec Jackie Chan. La ressemblance entre les deux acteurs est d'ailleurs frappante dans ce film. Teddy Robin est, au contraire de Sam Hui, loin d'être un beau gosse. Petit, à la voix nasillarde, il avait tourné dans All the wrong clues de Tsui Hark en 1981. Enorme succès pour son personnage de flic retords, il en a même tourné une suite All the wrong spies, où Tsui Hark jouait.
Working class est entièrement dédié à la comédie. Tsui Hark n'était pas novice en la matière, mais avait jusqu'alors mélangé les genres (action, Chine des années 1930, wu xia pian). Cette fois, seuls les gags comptent. Et ils sont nombreux et de qualité diverse, la plupart hilarants à condition d'aimer la comédie cantonaise, mais ils s'enchaînent avec un si bon rythme qu'on pardonnera les gags les moins fins. Du coup, le titre anglais (la classe ouvrière) semble peu correspondre au contenu du film. La traduction littérale du titre cantonais est " l'empereur du boulot ".
Sunny (Tsui Hark) et Hing (Teddy Robin) sont deux amis. Avant ou après le travail (et parfois même pendant) ils aiment jouer au foot. Ce jour-là, Yam (Sam Hui) les humilie au match. L'équipe de Yam bat l'autre et en plus, il joue en fanfaron. Faut dire que Sam Hui est censé être le beau gosse romantique du film : il joue torse nu au foot pour impressionner les filles. Chacun va à son travail mais tous se font vite virer après avoir détruit consciencieusement les camionnettes de leurs patrons. Gros gags à base de tôles froissées avec au milieu un pauvre flic qui verra sa moto détruite trois fois au cours du film.
Chômeurs, ils rentrent chez eux. Sunny invite Hing chez lui. La copine de Sunny prend une douche et Hing veut pisser. Gros gag où la copine sort de la douche devant les yeux ébahis de Hing. Portes qui claquent, engueulades entre les amoureux, pur théâtre de boulevard. On trouvait une scène similaire dans Shanghai blues. Yam, lui, est célibataire et vit avec maman. La maman en question adore se mêler de la vie de son grand garçon. Elle donne des cours d'aérobic culinaire à d'autres mamans, qui sont toutes fascinées par le sex appeal du fiston. Elles viennent bien évidemment aux cours d'aérobic pour mater Yam. Gag de décalage où les mémés font des trucs de jeunes.
Lors un cours de boxe, Yam croise le regard de la belle Amy (Joey Wong, qui illuminera plus tard Green snake et les Histoires de fantômes chinois). Coup de foudre ! Par pure mesquinerie, je fais remarquer qu'à l'époque Sam Hui avait 37 ans et Joey Wong à peine 19. Ils tombent amoureux, bien entendu. Seulement voilà, Amy est la fille d'un patron et Yam, pour une raison vague, refuse de sortir avec une fille riche. Elle se fera passer pour une fille de classe moyenne, prendra le bus avec Yam, tandis que son chauffeur la suivra dans
L'essentiel de Working class se déroulera dans l'usine. Et dans une usine qui fabrique des nouilles, il y a forcément de la farine et qui dit farine dit gueule enfarinée. C'est ce qui arrivera au manager (Ng Man-tat, l'acolyte favori de Stephen Chow, ici dans un de ses premiers rôles) qui cherchera à se venger en manipulant le pauvre Teddy. Dans l'usine, il y a aussi la secrétaire idiote qui oublie de payer les factures d'électricité, une vieille folle qui chante de l'opéra, des serpillières qui volent, du travestissement, des coups de pied au cul et d'autres choses destinées à faire rire le spectateur qui a envie de rire. C'est un festival ininterrompu de gags, un sorte d'hommage aux frères Marx, ou plus simplement aux frères Hui qui ont été les champions de la comédie cantonaise quelques années auparavant.
Et Tsui Hark là dedans ? Peut-on reconnaître son style, sa fulgurance, son génie ? Probablement pas du strict point de vue esthétique. En revanche, on y retrouve ses idées sur l'amitié indéfectible, son romantisme, son défi de l'autorité et surtout, comme toujours, il ose tout, y compris ce qui est de mauvais goût. Il faut écouter la chanson de Sam Hui sur un air largement volé à She works hard for the money de Donna Summer. Tout le monde a l'air de bien s'amuser, surtout Tsui Hark qui se donne un rôle de raté mémorable. Tsui Hark fera mieux plus tard, mais c'est déjà beaucoup.
Working class (打工皇帝, Hong Kong, 1985) Une comédie sociale de Tsui Hark avec Teddy Robin, Sam Hui, Tsui Hark, Ng Man-tat, Kwan Hoi-shan
jeudi 9 août 2007
Une jeunesse chinoise
Lou Ye est un peu connu en France pour deux de ses films : Suzhou river et Purple butterfly. Son dernier film, Une jeunesse chinoise était en compétition officielle au festival de Cannes 2006. Quelques semaines avant Cannes,
Une jeunesse chinoise suit la vie de Yu Hong (Hao Lei) et de Zhou Wei (Guo Xiaodong). Comment ils se rencontrent, comment ils s'aimeront, comment ils se sépareront et comment ils ne cesseront de penser l'un à l'autre. Le film est en ce sens la chronique classique des amours de deux jeunes gens comme tous les autres. On y retrouve quelques touches romantiques banales sur l'attirance répulsion que décrit bien l'échange suivant : elle " Je veux te quitter ", lui " Pourquoi ? ", elle " Parce que je ne peux pas me passer de toi. " Très Nouvelle Vague française. Lou Ye filme des scènes de cul de manière directe. Deux corps nus qui font l'amour. Cela reste assez pudique et en aucun cas racoleur, même lorsqu'il ose un léger recadrage pour montrer les sexes de ses deux personnages.
Mais Une jeunesse chinoise a surtout beaucoup fait parler de lui parce qu'il évoque les événements de Tian An Men. Les autorités chinoises auraient interdit le film en Chine à cause de cela. En vérité, en ce qui concerne Tian An Men, le cinéaste dit peu de choses et sûrement rien de revendicatif. La première heure du film se déroule pour l'essentiel dans l'Université de Pékin. Et effectivement, nos personnages sont allés aux manifestations. Lou Ye a reconstitué quelques scènes de manif qu'il a mélangées à des scènes d'archive. On voit également trois policiers tirer au fusil en l'air pour disperser les étudiants. Tian An Men est un prétexte pour séparer Yu Hong et Zhou Wei ainsi que leurs amis. Elle va rester en Chine et lui s'exiler à Berlin. Chacun refera sa vie jusqu'à leurs retrouvailles filmées avec une absence de lyrisme remarquable. Remarquable parce que le cinéaste parvient avec bonheur à ne pas tomber dans une débauche de bons sentiments qui auraient nui à tout ce que l'on avait vu dans les deux premières heures.
Ce qui a pu irrité le Bureau du Film Chinois est beaucoup plus profond et est particulièrement séduisant pour moi. Lou Ye dans Une jeunesse chinoise filme tout simplement une mélancolie comme même Wong Kar-wai n'est plus capable d'en faire. L'histoire d'amour est un prétexte pour montrer les conditions de vie des étudiants. La promiscuité dans l'Université par exemple est très bien rendue. Le film évoque crûment le suicide, l'avortement, l'alcoolisme, la jalousie, l'absence de liberté sans avoir l'air d'y toucher. Mais si, cela fonctionne car Lou Ye a la bonne idée de passer de superbes moments d'euphorie (dans les cafétérias où l'on danse) aux scènes tristes (la scène où Yu Hong angoisse d'être pauvre). C'est cela qui touche au plus profond : le désespoir généralisé d'une certaine jeunesse chinoise de la fin du 20ème siècle.
Une jeunesse chinoise est loin d'être un film carte postale. D'autant que Lou Ye sait y faire. Pas d'abus de caméra à l'épaule (la dernier écueil du cinéma indépendant chinois) mais au contraire un beau sens du cadre. Et aussi une narration qui n'hésite pas à utiliser l'ellipse (1988 raconté sur une seule chanson) ou à parler plus en profondeur de choses a priori insignifiantes. C'est très rythmé et les 2 heures 20 minutes d'Une jeunesse chinoise laissent le spectateur dans un sentiment de spleen, comme dirait le poète, qui secoue et émeut.
Une jeunesse chinoise (Summer palace, 頤和園, Chine – France, 2006) Un film de Lou Ye avec Bai Xueyun, Cui Lin, Duan Long, Guo Xiaodong, Hao Lei, Hu Ling, Le Chi, Zeng Meihuizi, Zhang Xianmin.