The Raid est un film d’un autre âge, pas seulement parce qu’il date maintenant de 1991, mais surtout parce qu’il marque le sommet de Tsui Hark et de sa compagnie la Film Workshop. Je suis certain qu’un tel film ne serait plus possible aujourd’hui, à part peut-être à la Milky Way si Wai Ka-fai se mettait à faire un film en costumes. Tsui Hark met toutes ses forces dans The Raid et ne fait que ce qui lui plait, pour le pire et pour le meilleur, car ce film n’est pas génial mais il porte fortement la marque de son créateur.
The Raid est inspiré d’une bande dessinée hongkongaise qui se déroule dans la Chine de 1932, période difficile où le pays subissait de plein fouet l’invasion des troupes de l’armée du Japon. Tsui Hark est un nationaliste, il ne l’a jamais caché et cela a été visible dans plusieurs de ses films, tel L’Enfer des armes ou Il était une fois en Chine. Ici, il conspue la faiblesse étatique chinoise en donnant à Pu Yi, l’empereur déchu, un personnage d’idiot et de lâche à la solde des Japonais. The Raid se passe dans le Mandchoukouo, république fantoche créée par Hiro Hito en Mandchourie pour s’assurer une base arrière en Chine. Pu Yi avait été nommé Président de cet état illégitime. On peut voir le mécontentement de la population face à la propagande d’état. On y entend des slogans affirmant que le Président est l’homme le plus aimé. On est très loin de l’esprit du film de Bernardo Bertolucci, Le Dernier empereur.
Pu Yi est secondé par un militaire Japonais, Masa (Tony Leung Ka-fai) qui ne rêve que de devenir le chef. Et à ses côtés, il y a l’actrice la plus célèbre du Mandchoukouo, Kim Pik-fai (Joyce Godenzi) dont la beauté fait fondre tous les hommes. Mais Kim est en fait une japonaise et s’appelle Yoshiko Kawashima. Ces trois personnages seront les méchants de The Raid et, comme dans tout film d’action qui se respecte, les gentils vont leur mettre des bâtons dans les roues de leurs plans néfastes et machiavéliques. Les méchants n’ont bien sûr ni foi ni loi, ils sont raides dans leur vilenie.
Pour mettre à mal les projets de Masa, on trouve deux personnages. D’abord l’oncle Choy (Dean Shek), un grand-père qui est prêt à aider tout le monde. Dès le début du film, il va porter des soins à l’armée révolutionnaire. Cette organisation est dirigée par le lieutenant Mang (Paul Chun) qui est le second gentil du film. Mais Mang estime qu’il n’a pas besoin d’un vieillard, il a peur que cela ralentisse la marche vers la révolution. L’oncle Choy ne tiendra pas compte des recommandations et suivra l’armée. Lui-même sera suivi par deux adolescents orphelins, une fille et un garçon.
Et entre les gentils et les méchants, il y a les opportunistes. Ce sont Lam au Long Nez (Corey Yuen) qui fait du commerce avec les Japonais et Niu (Jacky Cheung). Ce dernier est un homme qui cherche lui aussi à gagner facilement de l’argent. Il va rencontrer par hasard la troupe des révolutionnaires et les suivre un peu contraint. Son engagement politique est nul, mais une espionne qui surveille les Japonais, Tin-fong (Fenny Yuen) devient une attraction, d’autant qu’elle lui promet de rencontrer l’actrice Kim Pik-fai. Les deux hommes vont devoir choisir leur camp. Et les aventures ne font que commencer.
Il ne faudrait pas croire que The Raid est un film politique. Loin de là. Ce résumé succinct des personnages pourrait faire croire à un film de guerre sérieux, mais Ching Siu-tung et Tsui Hark font éclater tout cela en mille morceaux, avec parfois des moments extrêmement poussifs. Les personnages sont sans cesse fortement caricaturaux. Tony Leung Ka-fai hurle fort et ricane comme un très méchant. Jacky Cheung est un obsédé sexuel qui ne vit que pour flairer la beauté des femmes. Quant aux femmes, elles sont toutes prudes mais vénéneuses. Pas de quoi développer l’histoire des guerres sino-japonaises.
Ching Siu-tung a filmé les scènes de guerre et celles d’art martial. A ce titre, rien de nouveau. Dean Shek manie le sabre et tape sur tout le monde, malgré son grand âge (ce sera d’ailleurs son dernier film en tant qu’acteur). Il vole dans les airs, saute comme un lapin selon la doctrine habituelle des films précédents du cinéaste. Sa pupille manie le bâton et n’est pas commode non plus, malgré son jeune âge. Ici, c’est la transmission de la culture classique, forcément positive, qui est mise en avant. Elle s’oppose aux armes de destructions modernes des Japonais (gaz mortel, canons, armes à feu).
Tsui Hark filme les morceaux de comédie et on a droit à un best of de ses films antérieurs. Le plus marquant est la scène de théâtre de boulevard dans une chambre où les personnages se retrouvent dans en caleçon sous le lit, ou dans le placard, où il faut se cacher à cause de quiproquos. Pu Yi croit même que Masa aime les garçons. Qu’est-ce qu’on se marre. Tsui Hark filme des femmes soldats qui dansent et chantent au milieu d’une scène de repas où les soldats révolutionnaires font tomber leurs fausses barbes dans le potage. Vous voyez le niveau.
Cet humour grotesque et énorme contraste avec le sérieux du propos et la violence des scènes de baston. C’est toute la limite de The Raid qui a fait un beau bide au box office hongkongais. Quatre mois plus tard, Ching Siu-tung se rattrapera avec Histoires de fantômes chinois III, remake du premier épisode, tandis que Tsui Hark cassera la baraque avec Il était une fois en Chine, encore plus nationaliste mais moins drôle.
The Raid (财叔之横扫千军, Hong Kong, 1991) Un film de Ching Siu-tung et Tsui Hark avec Dean Shek, Jacky Cheung, Paul Chun, Tony Leung Ka-fai, Joyce Godenzi, Lau Siu-ming, Corey Yuen, Fennie Yuen.