Quand
toute la troupe de théâtre du dramaturge Kikugoro arrive au village, tous les
enfants accourent pour les accueillir. Les comédiens défilent fièrement mais Acteurs ambulants se concentre sur deux
d’entre eux : Hyoroku (Kamatari Fujiwara) et Senbei (Kan Yanagiya).
L’affiche annonce que la pièce jouée est La
Vie de Tasuke Shiobara. Aucun des deux hommes n’a le rôle titre et pour
cause, ils interprètent l’impétueux cheval de Shiobara, nommé Tatsumaki. Le
premier fait les pieds avant, l’autre les pieds arrière. Ils n’aiment pas qu’on
les prenne pour de simples hommes déguisés, ce sont de vrais acteurs. A deux
femmes qu’ils ont rencontré, Hyoroku, avec le plus grand sérieux, raconte qu’il
a joué cinq ans le cul du cheval et qu’il fait depuis dix ans la tête,
aboutissement de sa carrière. Il explique avec fierté que cet art de la
pantomime ne vient que de son sens extrême de l’observation des chevaux. Il le
prouve en montrant son jeu de jambes et se met à hennir. Il en profite pour
rabaisser son comparse, Senbei, qui n’est pas encore assez formé pour passer à
l’avant du cheval. Ces dames rient sous cape mais promettent de venir admirer
leur art.
Pendant
ce temps, Kikugoro (Minoru Takase) cherche des emplacements pour placarder ses
affiches publicitaires. Les villageois ont vite compris que ce Kikugoro n’est
pas le comédien bien connu prénommé Onoe mais un simple homonyme qui joue sur
la réputation de son nom. Seul le coiffeur acceptera de donner un peu d’argent
à la troupe, à la condition de pouvoir jouer un rôle dans la pièce. Frustré par
le refus de Kikugoro, le coiffeur se soûle, va dans les coulisses et s’affale
sur la tête en carton du cheval. Le lendemain, il faut constater le drame, la
tête est écrasée. Elle est amenée chez un artisan qui la reprise si mal que
Hyoroku trouve que maintenant elle ressemble à une tête de renard. Il refuse de
jouer. Kikugoro, jamais avare de roublardise, décide qu’un vrai cheval fera
aussi bien l’affaire que celui de Hyoroku et Senbei. Le soir, le vrai cheval
n’en fait qu’à sa tête, ne se déplace pas quand il le faut et se met à pisser
sur la scène. Les villageois adorent ce spectacle et Kikugoro ne veut plus des
deux acteurs qui vagabondent dans la nature. Mais manger de l’herbe comme un
cheval ne nourrit pas son homme.
Acteurs ambulants est une farce et Mikio Naruse parvient à trouver
le juste équilibre pour rire des comportements des deux acteurs du cheval sans
se moquer d’eux. Certes, ils sont ridicules, surtout l’arrogant Hyoroku, mais
ce ridicule n’est rien en comparaison du caractère vénal et usurpateur de leur
patron. Les deux comédiens croient en leur art et en la force de leur travail.
Les voir imiter les pas d’un cheval est un moment à la fois pathétique et plein
de tendresse. Le film fourmille de gags comiques, le plus amusant est la chasse
aux moustiques lors de la première représentation. Le film évoque, très
rapidement, la guerre quand un soldat tire un cheval, suivi d’enfants qui
tiennent des drapeaux japonais avec joie. Les deux comédiens qui observent de
loin la scène ont alors cette réflexion « ça aurait pu être nous »,
sans que l’on sache vraiment s’ils parlent du cheval ou du soldat. Mais ils
savent que, même si leur sort d’acteurs de seconde zone est minable, il est
plus enviable que celui de l’animal et du combattant qui finiront tous deux
morts sur le champ de bataille. Mikio Naruse dit tout simplement que l’art sera
toujours plus glorieux que la guerre.
Acteurs
ambulants (成瀬巳喜男 - 旅役者, Japon, 1940) Un film de Mikio Naruse avec Kamatari Fujiwara, Kan Yanagiya,
Minoru Takase, Sôji Kiyokawa, Ko Mihashi, Zeko Nakamura.
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