C’est
peu de dire que Mikio Naruse a une passion immodérée pour le spectacle et les
artistes. Joueuse de shamisen (Après
notre séparation, Trois
sœurs au cœur pur, Tsuruhachi et Tsurijiro), actrices (Sans
lien de parenté, L’Actrice et le
poète), comédiens (Acteurs
ambulants) peuplent bon nombre de ses films des années 1930-1040. La Chanson de la lanterne tresse son
mélodrame autour de la fâcherie entre un père et son fils, tous deux acteurs de
théâtre Nô. Lors d’une tournée, le père Genzaburo Onchi (Ichijirô Oya), artiste
réputé, bannit son fils Kitahachi (Shôtarô Hanayagi) pour avoir provoqué la
mort de Sozan (Tadao Murata), un masseur aveugle qui se vantait d’être un
interprète remarquable. Venu l’écouter chez lui, Kitahachi a voulu marquer le
rythme en frappant sa cuisse et Sozan a perdu le fil de sa chanson. Il a
préféré se suicider que vivre dans la honte, laissant sa fille Osode (Isuzu
Yamada) seule et sans argent. Le père non seulement ne veut pardonner à son
fils cet impair de vanité mais il lui interdit de pratiquer le chant et la
danse, perdant ainsi son mode de subsistance.
Deux
ans plus tard, Kitahachi est à la rue. Pour gagner un peu d’argent, il joue du
shamisen (la guitare traditionnelle) dans le quartier des geishas. Là, il
rencontre Jirozo (Eijirô Yanagi) et qui le convainc de faire équipe avec lui.
Au fil des confidences, ils se rendent compte qu’ils connaissent tous les deux
Osode. Dans un court flash-back, Jirozo raconte que sa belle-mère l’a vendue
comme geisha et que son sort la fait pleurer chaque soir. Kitahachi décide de
la retrouver. Il se considère comme responsable de son sort et est hanté par la
vision fantomatique de Sozan qu’il imaginer déambuler dans la rue. Dans le même
temps, Genzaburo continue ses tournées de théâtre de Nô. Il a remplacé son fils
au chœur par un interprète qui n’a pas le talent de Kitahachi et qu’il critique
vertement. Il n’entend pas les recommandations de son frère Genichi (Eiichi
Seto), personnage qui agit comme la bonne conscience de Genzaburo, prodiguant
des conseils toujours bons mais qu’il ne suit pas forcément. Jirozo incarne ce
même genre de personnage vis-à-vis du fils.
La Chanson de la lanterne suit dans sa deuxième moitié la rédemption de
Kitahachi, toujours rongé par le remord. Il rompt sa promesse pour apprendre
les techniques ultra codifiées du Nô à Osode. Il va lui enseigner son savoir
sans révéler sa véritable identité. Chaque jour, ils se retrouveront dans une
clairière, loin de l’agitation et des effets pervers de la ville. Chacun
acquerra une nouvelle pureté. De plus, ils finissent par tomber amoureux l’un
de l’autre mais les circonstances, leurs positions sociales et le serment du
jeune homme les empêchent, temporairement, d’assouvir leur amour. Par un
concours de circonstance que l’on ne trouve que dans le mélodrame, le père et
l’oncle vont se retrouver précisément dans l’établissement où Osode travaille.
La scène finale provoque une immense émotion avec la danse à l’éventail d’Osode
que Mikio Naruse filme avec des travellings d’une grande douceur. La polyphonie
des voix de Kitahachi, de son père et le tambour de l’oncle Genichi accompagne
cette représentation de Nô.
La
Chanson de la lanterne (歌行燈, Japon, 1943)
Un film de Mikio Naruse avec Shôtarô Hanayagi, Eijirô Yanagi, Ichijirô Oya, Kan
Ishii, Isuzu Yamada, Eiichi Seto, Tadao Murata, Ichirô Minami, Keitaro
Yoshioka.
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