Le
film s’appelle Trois sœurs au cœur pur,
mais son titre aurait pu être « Une mère au cœur de pierre », tant
son caractère sévère irrigue le comportement de ses filles. Cette mère, Haoya (Chitose Hayashi) enseigne chez elle la guitare traditionnelle
japonaise, le shamisen, à trois
jeunes femmes avec une telle intransigeance qu’elles en sont traumatisées et en
font des cauchemars. Ces trois élèves remplacent, métaphoriquement, ses trois
filles. Seule Osome (Masako Tsutsumi), la puinée, a pris le relais et à fait de
cet instrument son métier. Elle joue dans des cafés mais les clients se moquent
d’elle. Un homme casse son instrument et sa mère, à son retour au domicile, la
grondera comme un enfant. Trop pauvre pour habiter seule, elle doit cohabiter
avec sa mère. Mikio Naruse, comme à son habitude, montre cette indigence avec
la soque cassée d’Osome, soque qu’elle tente de réparer avec un bout de
ficelle.
La
cadette est Chieko (Ryuko Umezono), qui vit également avec sa mère et Osome.
Contrairement à cette dernière, Chieko a un fiancé, un charmant jeune qui
l’admire. Il va chaque jour regarder le spectacle de cabaret que joue Chieko. Ce
jeune homme est le moyen d’enfin quitter la maison maternelle. Enfin, Oren (Chikako
Hosokawa), l’ainée a rompu avec sa famille. Ses sœurs ne l’ont pas vu depuis
des années. Oren s’est définitivement fâchée avec sa mère qu’elle estime
responsable de son mal de vivre. Ce que chacune d’elle va chercher, c’est un
bonheur simple. Leur seul moyen est de lutter contre le destin qui semble
s’acharner sur elles. De ce point de vue, le film n’hésite jamais à
sur-dramatiser le récit : le fiancé d’Oren, pianiste au chômage, a la
tuberculose, des voleurs menacent de tuer le petit ami de Chieko, la si
gentille Osome se fait rabrouer par tout le monde. On remarquera cependant que
l’influence de la mère reste présente dans le rapport des trois sœurs avec l’art :
shamisen, cabaret et piano.
En
quittant la Shochiku pour la nouvelle compagnie PCL, le cinéaste fait également
son premier film parlant. Il s’en donne à cœur-joie : voix off de Chirko
(c’est son point de vue qui est adopté), musique intra-diégétique (au cabaret,
le son du shamisen) et bien entendu de nombreux dialogues entre les sœurs, dont
ceux au court d’un flash-back sur la vie d’Oren. Le cinéaste a adapté lui-même
les chroniques intimes de Yasunari Kawabate après des années où le scénario lui
été imposé. Pour l’anecdote, Kawabate fréquentait un bar où Ryuko Umezono,
l’interprète de Chieko, faisait des spectacles cabaret de la même manière que
dans le film. C’était dans les années 1920 à Tokyo. Le futur Prix Nobel de
littérature a tant admiré cette jeune comédienne qu’il a convaincu Naruse
qu’elle vienne faire ce spectacle dans ce film. Le ton du film est moins
mélodramatique et plus sombre. Il parviendra à faire en sorte, comme pour
appuyer l’idée que le sort qui s’acharne, à ce que les trois sœurs ne soient
jamais dans le même plan.
Trois
sœurs au cœur pur (乙女ごころ三人姉妹, Japon,
1935) Un film de Mikio Naruse avec Chikako Hosokawa, Masako Tsutsumi, Ryuko
Umezono, Chitose Hayashi, Chisato Matsumoto, Masako Sanjo, Mariyo Matsumoto,
Heihachirô Ôkawa, Kaoru Itô, Osamu Takizawa.
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