samedi 16 mars 2013

Hana


Vengeance, vengeance, vengeance. Telle est l’unique obsession du jeune samouraï Soza (Junichi Okada), héros bien malgré lui de Hana, film inédit en France de Hirokazu Kore-eda qu’il a réalisé entre Nobody knows et Still walking. D’emblée, le film place le spectateur au milieu d’un Japon de l’ère Edo, au début du 18ème siècle très loin des canons habituels du film de samouraï. Hana n’est ni la vision épique de Kenji Mizoguchi des 47 ronins (bien que le film y face allusion), encore plus loin des Baby Cart sommet du film de vengeance ou du lyrisme de Sanjuro d’Akira Kurosawa. Le décor unique du film est un lotissement (comme l’appelle avec morgue le propriétaire des habitations qui ne passe que pour réclamer son loyer), en vérité une rue constituée de logements brinquebalants, faits de planches ou chacun entend tout ce que fait son voisin. Une femme crie après son mari et ses enfants pour aller mendier et réveille tous les autres habitants qui râlent. Loin d’être sinistre, cette ouverture donne le ton comique du film.

A vrai dire, la grande faculté de Kore-eda à faire rire était un peu absente dans ses films précédents, si ce n’est dans quelques scènes avec le plus petit des enfants de Nobody knows. Dans Hana, toute une galerie de personnages pittoresques provoque le rire. L’aspect des personnages particulièrement crasseux, en haillons, les cheveux en bataille est déjà drôle en soi et on rit parce que, somme toute, ils n’en ont pas honte. Mais surtout tous semblent complètement timbrés, conséquence de cette vie misérable qu’ils mènent. Mago (Yûichi Kimura), grand gars à la tronche mâchuré, est le collecteur de merde qu’il vend comme engrais pour gagner un peu d’argent. Dès que quelqu’un veut chier, il l’oblige à aller dans ses toilettes et observe si l’excrément lui rapportera de l’argent. Lui-même, avec ses enfants, saute sur place pour accélérer la digestion. Régulièrement, la communauté se réunit sous le patronage du « maire » et produit une comédie de vaudeville (surtout une parodie des mœurs de l’époque) où chacun incarne un personnage. C’est déjà dans cette pièce de théâtre moqueuse et extrêmement ironique où, parce que les personnages jouent avec grandiloquence comme ils imaginent qu’un samouraï se conduit, que le cinéaste commence sa critique de l’univers des samouraïs.

Mais qu’est-ce donc un samouraï si ce n’est un homme qui sait se battre au sabre. La première leçon que va recevoir Soza vient de Sode (Ryo Kase), un homme en marge dont le foulard autour de son cou cache un passé secret. Alors que Soza enseigne à un enfant l’art de se battre, Sode va le défier et l’humilier devant tout le monde. Soza est nul en combat, tout le monde le comprend au village. Ce qu’il sait faire en revanche, c’est lire et écrire. Il va donc apprendre le japonais à tout ces enfants illettrés (les adultes eux préfèrent rester analphabètes) et se rapprocher de la belle Osae (Rie Miyazawa), jeune veuve qui un jeune garçon. Son incompétence aux armes et l’amour naissant vont être les deux premières raisons qui vont l’amener à commencer à douter du bien fondé de sa mission. Quand la nouvelle d’un amour se répand au village, tous les bouseux se mettent à espionner à travers les parois mal ajustées de la maison ce qu’ils font. Les enfants, nombreux, apportent au samouraï instituteur un équilibre qu’il n’avait pas encore trouvé, dans sa propre famille dont il est éloigné depuis trois ans dans le but de venger son père.

Lors de la seule escapade hors du village pour fleurir la tombe de son père, Soza retrouve sa mère et son frère. Elle passe son temps sabre à la main à découper des mannequins d’osier avec l’avis de recherche du tueur, le frère reproche à Soza ce temps perdu à trouver le tueur de son père. Son doute s’accentue encore plus. De retour au village, le seul sage du village, Tome (Seiji Chihara) l’incite à renoncer. Il lui annonce également qu’il connait cet homme, samouraï déchu, qui a tué le père de Soza. Jubei (Tadanobu Asano) habite un quartier voisin. Il a quitté son rang de samouraï pour épouser une veuve avec enfant et elle est à nouveau enceinte. Soza et Jubei sont donc dans la même situation. La dialectique de renoncement devant l’aberration de la charge s’est faite par étapes. Elle s’achèvera avec l’assaut de 47 rônins en costumes traditionnels, aussi ridicule qu’inattendue. On avait vu, au fil du film, ces samouraïs cachés dans le village sans en comprendre la raison, l’une des diverses intrigues secondaires du film. Hana n’est pas seulement une comédie sur les samouraïs, il en est aussi la critique de sa représentation au cinéma et c’est cela qui en fait un film tout à fait passionnant.

Hana (花よりもなほ, Japon, 2006) Un film d’Hirokazu Kore-eda avec Junichi Okada, Rie Miyazawa, Tadanobu Asano, Arata Furuta, Terajima Susumu, Teruyuki Kagawa, Jun Kunimura, Seiji Chihara, Yûichi Kimura, Ryo Kase. 

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