Démobilisé pendant la guerre civile (au milieu des
années 1930), Ding Jun-bi (Tony Leung Ka-fai) dit adieu à ses trois camarades
d’armée pour retrouver sa femme Chu-chiao (Carrie Ng) et leur petite fille
Sze-sze (Hoh Leng-leng) qui ne le reconnait pas. Recommencer une nouvelle vie,
il ne l’espérait pas tant la dernière bataille à laquelle lui et ses amis ont
participé a été rude. Gunmen s’ouvre
sur des scènes de guerre où un officier ennemi les fait prisonniers et menace
de les torturer avant que ne sonne la fin de la guerre. Cet officier, Ting
(Adam Cheng) a un regard d’une telle cruauté que Ding ne va jamais l’oublier.
Il va le retrouver quelques temps plus tard à Shanghai où Ding et sa famille se
sont désormais installés. Loin d’atteindre une vie enchanteresse, Ding subit la
pauvreté de plein fouet. Il peine à se payer un bol de nouilles.
Il décide alors de s’engager dans la police. La
priorité est la lutte contre le trafic d’opium. Avec le capitaine Kiang (Yuen
Bun), il suit la piste d’un trafiquant notable amateur de jolies femmes. Ce
suspect loue les services de Mona (Elisabeth Lee), pauvre comme Ding. Tous deux
s’étaient rencontrés par hasard et avaient partagé un peu de nourriture. Mona
va devenir l’indic de Ding, elle va pouvoir écouter tout ce qui se dit. Mais
Ting et son oncle Liang (Andrew Kam) sont devenus les rois de l’opium. Une descente
de police se solde par un massacre des deux côtés. Kiang est blessé
mortellement. Les autorités coloniales (le film se déroule dans la concession
française) décident de nommer Tian (Elvis Tsui) pour faire le ménage, reprendre
en main le quartier mais également contrôler l’éventuelle corruption de
policiers. Ce que veulent les Européens, dit en substance le film, c’est
pouvoir continuer tranquillement de faire de l’argent à Shanghai.
L’idée de Tsui Hark est de faire de Gunmen une variation des Incorruptibles de Brian De Palma.
L’époque est la même et le contexte d’une pègre qui fait régner sa loi est
similaire. Comme Elliott Ness, Ding Jun-bi va recruter ses hommes de confiance.
En l’occurrence ses anciens comparses de l’armée : Tou (Waise Lee), Fan
(David Wu) et Kwong (Mark Cheng). Ils se retrouvent par hasard dans les rues
bondées. Ils sont devenus tireurs de pousse-pousse et Ding les prend pour des
voleurs. En vérité, ils sont victimes du racket d’un policier. Seulement voilà,
les méthodes expéditives de Ding et de sa bande ne sont pas compatibles avec
celles, autoritaires, du nouveau chef Tian. Le film joue sur le sentiment de
loyauté qui unit les quatre hommes l’opposant avec l’obéissance absolue du chef
avec un pouvoir corrompu. Le manichéisme est de mise, comme souvent dans les
productions de Tsui Hark, avec une petite dose de xénophobie, vu que le pouvoir
est tenu par les Européens.
Le nombre d’ennemis ou d’adversaires de Ding Jun-bi
ne cesse d’augmenter. Après son chef qui vire comme des malpropres ses trois
compagnons d’arme et qui demande sa démission à Ding – ou sa soumission totale,
c’est Ting, son ancien ennemi de guerre qui s’en prend à lui. Chacun cherche à
venger un proche. Gunmen fait dans
la surenchère macabre. Les morts se comptent par dizaines toutes plus
violentes les unes que les autres : des sbires aspergés d’essence qui
crament, du sang qui gicle dans des gunfights
au montage très sec, des exécutions sommaires, des membres tranchés à la hache
et un peu de torture. Les figurants cadavres s’amoncèlement sur le sol dans des
décors détruits à force de coups de feu. Il faut reconnaitre l’énergie folle
déployée dans ces scènes à la fois rythmées et lisibles.
A côté de cette brutalité destinée à retranscrire
une époque violente, le film fait dans le sentimentalisme niais. Ding est un
homme à la vie amoureuse contrariée. Certes il aime son épouse mais une liaison
avec Mona, son indic, le taraude. La jalousie s’immisce dans le couple quand
elle découvre l’adresse de la concurrente. Ding voudra les faire quitter
Shanghai pour que son ennemi ne s’en prenne pas à elles. Les deux femmes
finiront par s’aider mais seule l’une d’elle survivra. Le film fait preuve de
plus de lourdeur dans le traitement du personnage de la fillette. Elle ne veut
pas appeler son père « papa », tient une vieille photo jaunie de lui mais
refuse tout contact. Dans un geste ultime d’amour filial, l’enfant va joindre
la violence et le sentimentalisme en aidant son père dans une situation bien
difficile. Le résultat donne un film assez bancal rempli de superbes
fulgurances comme de mièvreries, résultat sans doute causé par la bataille
entre Tsui Hark et Kirk Wong pour le contrôle de Gunmen.
Gunmen (天羅地網, 1988) Un film de Kirk Wong avec Tony Leung
Ka-fai, Carrie Ng, Elisabeth Lee, Mark Cheng, Waise Lee, David Wu, Adam Cheng, Elvis Tsui, Hoh Leng-leng, Andrew Kam,
Yuen Bun,
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