lundi 18 mars 2013

Toute la famille travaille


La famille est nombreuse. Les deux parents, sept enfants, six garçons et une fille, le grand-père et la grand-mère. Tous vivent ensemble dans une maisonnette d’un quartier modeste de Tokyo. Toute la famille travaille développe les habitudes de cette famille : prendre le petit-déjeuner le matin, la mère prépare le riz, les plus jeunes enfants vont à l’école ou jouent à la guerre (la seule allusion à la guerre sino-japonaise), départ à l’usine pour le père et les trois fils les plus âgés, le jeu du papier ciseau caillou pour savoir s’ils courent ou marchent pour prendre le tramway, le transport en tramway bondé et enfin le travail dans l’usine. Métro, boulot dodo. Le train-train quotidien est répété plusieurs fois pendant le film, appuyant le caractère monotone de la vie des gens modestes. Ils vivent conditionnés par leur statut social, par exemple la fillette n’envisage pas d’autre vie que celle d’épouse. C’est cette immuabilité que deux enfants de la famille veulent briser, pour changer leur destin est envisager un modèle de vie différent.

Tout le film va tourner autour du choix de Kiichi (Akira Ubukata), le fils aîné âgé de 22 ans, d’abandonner le travail en usine pour reprendre ses études dans le but de venir électricien. Puis de quitter le cocon familial étouffant et fonder une famille. Si le père (Musei Tokugawa) estime que cela est tout à fait légitime, la mère (Noriko Honma) s’offusque de l’intention de son fils. La mère ne pense qu’à la rentrée d’argent que procure le travail de ses enfants. Son regard dur culpabilise les réfractaires avec cette pensée qu’elle leur a donné naissance et qu’ils doivent maintenant rembourser leur dette à la famille. Son personnage est un peu chargé mais permet de comprendre le désir d’émancipation de son fils. Il est évident que Mikio Naruse adopte le point de vue du fils et non celui de la mère. Ce choix crée une onde de choc dans la famille puisque Eisaku (Takeshi Hirata), douze ans, veut désormais lui aussi aller au collège plutôt que d’entrer à l’usine.

Toute la famille travaille est constitué en grande partie de scènes de dialogues entre les membres de la famille où chacun cherche à argumenter ses positions. Dans la famille, la mère reste sourde à tout cela et il faudra que le professeur des enfants (Den Obinata) vienne soutenir Kiichi au sein même du foyer, agent extérieur agissant comme un élément contaminateur. L’une des scènes les plus pathétiques du film se déroule dans le bar tenu par la jeune Mitsuko (Sumie Tsubaki). Kiichi convonque ses frères au café pour leur faire part de son choix mais la discussion tourne court comme si les arguments de sa mère semblaient irréductible. La belle Mitsuko est amoureuse de Kiichi, ce qui n’est pas réciproque, mais Genji (Kaoru Itô), le deuxième frère est charmé par elle, achevant de briser le rêve de la mère de voir Kiichi épouser la jeune femme. Il se dégage du film un grand pessimisme qui renvoie à cette époque de grand trouble au Japon en cette veille de seconde guerre mondiale.

Toute la famille travaille (成瀬巳喜男 - はたらく一家, Japon, 1939) Un film de Mikio Naruse avec Musei Tokugawa, Noriko Honma, Akira Ubukata, Kaoru Itô, Seikichi Minami, Takeshi Hirata, Seiichiro Bando, Kiyoko Wakaba, Den Obinata, Sumie Tsubaki.

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