jeudi 25 avril 2013

2046 + La Main (Eros)


En 2004, Wong Kar-wai tourne son film le plus long (2046, durée 133 minutes) et La Main (dure 39 minutes). Ce dernier sélectionné à la Mostra de Venise 2004 fait partie d’un film à sketches (Eros, sorti en salles en mais 2005). C’est Michelangelo Antonioni qui est à l’initiative d’Eros, coproduction européenne et qui souhaitait le cinéaste hongkongais travaille avec lui sur ce projet, car il est vrai que très superficiellement les deux cinéastes labourent le même sillon thématique. Le troisième cinéaste est Steven Soderbergh, sans doute choisi parce que le titre de son premier film est Sexe mensonges et vidéo.

Quant à 2046, sa légende a précédé sa découverte par le public. Sélectionné au Festival de Cannes avant même la première scène tournée (une sorte de commande de Gilles Jacob, Président du Festival), arrivé en avion quelques minutes sa projection officielle, les bobines étaient données directement par Wong Kar-wai au projectionniste. Et puis on a dit que le film n’était pas achevé d’être fini, que le montage sonore était inabouti, que le cinéaste a coupé beaucoup de scènes avec Maggie Cheung pour la sortie du film et qu’en conséquence l’actrice se serait fâchée à mort avec le cinéaste. Qu’on se souvienne que le film a été vendu comme une suite à In the mood for love.

Plus qu’une suite, 2046 est un démarquage du film précédent de Wong Kar-wai, une sorte de palimpseste où les personnages seraient les mêmes avec des situations et des lieux assez proches mais tout serait différent. Ainsi M. Chow (Tont Leung Chiu-wai) est bien à Hong Kong en 1966, il est effectivement écrivain et il cherche une chambre où se loger. Il est cette fois célibataire. L’une des scènes d’ouverture située en 1964 à Singapour le montre en pleine rupture. Il se souvient de la chambre 2046 qu’il veut louer, elle n’est pas libre. Le propriétaire de l’hôtel doit la faire nettoyer, une femme vient d’y mourir (est-ce le personnage de Madame Chan qu’incarnait Maggie Cheung ?). On lui propose la chambre 2047 d’où il pourra observer tout ce qui se passe et raconter en voix off tout cela au spectateur.

Ce qu’il se passe, c’est la routine du cinéma de Wong Kar-wai. Puisqu’il n’y a pas Maggie Cheung, le spectateur a droit à un défilé de jeunes actrices qui portent le même genre de robes moulantes sur la musique de Peer Raben (ainsi que sur d’autres morceaux). Le hasard a toujours été la marotte de Wong Kar-wai. Le personnage de Chow rencontre donc des femmes au hasard ou restera avec elle si le destin en décide (la scène des cartes en ouverture). On y voit quelques bribes de vie un peu triste où les femmes demeurent les objets de convoitise des hommes. Les scènes au ralenti semblent également choisies au hasard. Bien plus présentes que dans In the mood for love, le ralenti n’accentue ici jamais les moments de grâce que vivaient les deux amoureux.

Le film s’embourbe vite dans une parodie du style de Wong Kar-wai, ou comme on dirait poliment « Wong Kar-wai fait du Wong Kar-wai ». Tony Leung Chiu-wai a beau sourire, les duos avec les autres actrices tournent à vide. Et puis dans 2046, le vrai souci reste cette partie futuriste, peu présente (à peine un quart du film) mais d’une rare laideur visuelle où les effets spéciaux font rire, où le rouge des décors et les talons hauts lumineux doivent créer de l’érotisme. Cette partie futuriste, c’est le roman de science fiction que M. Chow est censé écrire inspiré par les personnes rencontrées dans l’hôtel. 2046, c’est aussi la date où Hong Kong cessera d’être autonome et sera englouti par Pékin. Mais de cela, il ne sera jamais question.



Dans La Main, Mademoiselle Hua (Gong Li) est une cocotte, une femme entretenue, qui aime les robes par dessus tout. Son tailleur favori envoie un jour son commis (Chang Chen) qui tombe immédiatement amoureux de cette femme. Dès leur première rencontre, une fois que l’amant de Hua est parti et que la bonne a fait rentré le commis, la femme fatale lui fait baisser son pantalon et son slip et le masturbe, comme pour prendre possession du jeune homme qui deviendra son livreur attitré tout autant que son amoureux transi et secret. Leur liaison platonique dure des années, mais bientôt, elle manque d’argent car elle est rejetée par ses amants fortunés. Mais le commis continue de lui fournir ses robes avec ce regard de Chang Chen d’un grand désespoir, sauvant la plupart des scènes face au cabotinage de Gong Li qui se la joue tragédie grecque.

Le court-métrage de Wong Kar-wai se déroule dans deux lieux : l’atelier de couture où les ouvriers sont tous en débardeur, en sueur, dans le bruit des machines à coudre, le décor est vide, les pièces sont petites et la promiscuité est grande ; l’appartement de mademoiselle Hua est vaste, décoré avec goût (comme dans 2046, on retrouve l’attrait de Wong Kar-wai pour les couleurs vert et ocre), elle vit seule. Quand le commis doit aller chez elle, il passe du débardeur au costume chic, l’escalier qui mène chez elle fait office de préliminaire. Puis, il écoute les disputes entre Hua et son amant, espérant un jour se trouver dans cette pièce où il pourra l’aimer. La Main poursuit la thématique du cinéaste des amours inachevées mais impossibles sans que son film n’apporte une nouvelle pierre à l’édifice de son œuvre.

2046 (Hong Kong – France, 2004) Un film de Wong Kar-wai avec Tony Leung Chiu-wai, Zhang Ziyi, Faye Wong, Kimura Takuya, Gong Li, Carina Lau, Siu Ping-lam, Chang Chen,

Eros - La Main (The Hand, France – Luxembourg – Italie, 2004) Un film de Wong Kar-wai avec Gong Li, Chang Chen, Tien Feng, Chan Chun-luk, Chow Kin-kwan.

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