En
2004, Wong Kar-wai tourne son film le plus long (2046, durée 133 minutes) et La
Main (dure 39 minutes). Ce dernier sélectionné à la Mostra de Venise 2004
fait partie d’un film à sketches (Eros,
sorti en salles en mais 2005). C’est Michelangelo Antonioni qui est à
l’initiative d’Eros, coproduction
européenne et qui souhaitait le cinéaste hongkongais travaille avec lui sur ce
projet, car il est vrai que très superficiellement les deux cinéastes labourent
le même sillon thématique. Le troisième cinéaste est Steven Soderbergh, sans
doute choisi parce que le titre de son premier film est Sexe mensonges et vidéo.
Quant
à 2046, sa légende a précédé sa
découverte par le public. Sélectionné au Festival de Cannes avant même la
première scène tournée (une sorte de commande de Gilles Jacob, Président du
Festival), arrivé en avion quelques minutes sa projection officielle, les
bobines étaient données directement par Wong Kar-wai au projectionniste. Et
puis on a dit que le film n’était pas achevé d’être fini, que le montage sonore
était inabouti, que le cinéaste a coupé beaucoup de scènes avec Maggie Cheung
pour la sortie du film et qu’en conséquence l’actrice se serait fâchée à mort
avec le cinéaste. Qu’on se souvienne que le film a été vendu comme une suite à In the mood for love.
Plus
qu’une suite, 2046 est un démarquage
du film précédent de Wong Kar-wai, une sorte de palimpseste où les personnages
seraient les mêmes avec des situations et des lieux assez proches mais tout
serait différent. Ainsi M. Chow (Tont Leung Chiu-wai) est bien à Hong Kong en
1966, il est effectivement écrivain et il cherche une chambre où se loger. Il
est cette fois célibataire. L’une des scènes d’ouverture située en 1964 à
Singapour le montre en pleine rupture. Il se souvient de la chambre 2046 qu’il
veut louer, elle n’est pas libre. Le propriétaire de l’hôtel doit la faire
nettoyer, une femme vient d’y mourir (est-ce le personnage de Madame Chan
qu’incarnait Maggie Cheung ?). On lui propose la chambre 2047 d’où il
pourra observer tout ce qui se passe et raconter en voix off tout cela au
spectateur.
Ce
qu’il se passe, c’est la routine du cinéma de Wong Kar-wai. Puisqu’il n’y a pas
Maggie Cheung, le spectateur a droit à un défilé de jeunes actrices qui portent
le même genre de robes moulantes sur la musique de Peer Raben (ainsi que sur
d’autres morceaux). Le hasard a toujours été la marotte de Wong Kar-wai. Le
personnage de Chow rencontre donc des femmes au hasard ou restera avec elle si
le destin en décide (la scène des cartes en ouverture). On y voit quelques
bribes de vie un peu triste où les femmes demeurent les objets de convoitise
des hommes. Les scènes au ralenti semblent également choisies au hasard. Bien
plus présentes que dans In the mood for
love, le ralenti n’accentue ici jamais les moments de grâce que vivaient
les deux amoureux.
Le
film s’embourbe vite dans une parodie du style de Wong Kar-wai, ou comme on
dirait poliment « Wong Kar-wai fait du Wong Kar-wai ». Tony Leung
Chiu-wai a beau sourire, les duos avec les autres actrices tournent à vide. Et
puis dans 2046, le vrai souci reste
cette partie futuriste, peu présente (à peine un quart du film) mais d’une rare
laideur visuelle où les effets spéciaux font rire, où le rouge des décors et
les talons hauts lumineux doivent créer de l’érotisme. Cette partie futuriste,
c’est le roman de science fiction que M. Chow est censé écrire inspiré par les
personnes rencontrées dans l’hôtel. 2046, c’est aussi la date où Hong Kong
cessera d’être autonome et sera englouti par Pékin. Mais de cela, il ne sera
jamais question.
Dans
La Main, Mademoiselle Hua (Gong Li)
est une cocotte, une femme entretenue, qui aime les robes par dessus tout. Son
tailleur favori envoie un jour son commis (Chang Chen) qui tombe immédiatement
amoureux de cette femme. Dès leur première rencontre, une fois que l’amant de
Hua est parti et que la bonne a fait rentré le commis, la femme fatale lui fait
baisser son pantalon et son slip et le masturbe, comme pour prendre possession
du jeune homme qui deviendra son livreur attitré tout autant que son amoureux
transi et secret. Leur liaison platonique dure des années, mais bientôt, elle
manque d’argent car elle est rejetée par ses amants fortunés. Mais le commis
continue de lui fournir ses robes avec ce regard de Chang Chen d’un grand
désespoir, sauvant la plupart des scènes face au cabotinage de Gong Li qui se la
joue tragédie grecque.
Le
court-métrage de Wong Kar-wai se déroule dans deux lieux : l’atelier de
couture où les ouvriers sont tous en débardeur, en sueur, dans le bruit des
machines à coudre, le décor est vide, les pièces sont petites et la promiscuité
est grande ; l’appartement de mademoiselle Hua est vaste, décoré avec goût
(comme dans 2046, on retrouve l’attrait de Wong Kar-wai pour les couleurs vert
et ocre), elle vit seule. Quand le commis doit aller chez elle, il passe du
débardeur au costume chic, l’escalier qui mène chez elle fait office de préliminaire.
Puis, il écoute les disputes entre Hua et son amant, espérant un jour se
trouver dans cette pièce où il pourra l’aimer. La Main poursuit la thématique du cinéaste des amours inachevées
mais impossibles sans que son film n’apporte une nouvelle pierre à l’édifice de
son œuvre.
2046
(Hong Kong – France, 2004) Un film de Wong Kar-wai avec Tony Leung Chiu-wai,
Zhang Ziyi, Faye Wong, Kimura Takuya, Gong Li, Carina Lau, Siu Ping-lam, Chang
Chen,
Eros
- La Main (The Hand, France – Luxembourg – Italie, 2004) Un film de Wong Kar-wai
avec Gong Li, Chang Chen, Tien Feng, Chan Chun-luk, Chow Kin-kwan.
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