mercredi 3 avril 2013

Always : Sunset on Third Street


Eté 1958, le Japon entre dans l’ère moderne. La Tour de Tokyo est en train d’être bâtie. Norifumi Suzuki (Shinichi Tsutsumi) en est fier, il affirme que ce sera la plus haute tour du monde. Il est allé chercher à la gare la jeune Mutsuko Hoshino (Maki Horikita) pour l’embaucher dans son petit garage. L’homme, costaud et rustre, est mécanicien. Elle quitte sa campagne et sa famille nombreuse pour que ses parents aient une bouche de moins à nourrir. Suzuki, c’est un nom connu au Japon. Elle pensait travailler pour la marque de voitures parce qu’il avait indiqué « Entreprise Suzuki », il l’avait engagé parce qu’il avait cru lire sur son CV qu’elle savait réparer les autos. Chacun pense avoir grugé l’autre, Norifumi prend une grosse colère et sa furie débarque chez son voisin d’en face. Il faudra toute la sagesse de son épouse Tomoe (Hiroko Yakushimaru) pour le calmer.

Ce voisin s’appelle Ryunosuke Chagawa (Hidetaka Yoshioka). Célibataire, il tient une petite épicerie mais il se rêve écrivain. Chaque semaine, il attend le facteur pour découvrir s’il a enfin été publié dans une revue littéraire. Chaque semaine, il est déçu de ne pas l’être. Il est la risée de tous et des enfants en premier ordre qu’il rudoie quand ils viennent acheter des bonbons dans sa boutique. Il écrit des récits pour les enfants, mais il considère cette activité comme strictement alimentaire et en a un peu honte. Ce qu’il veut, c’est faire de la grande littérature. Le soir, Chagawa va noyer son amertume dans le saké au bar que tient Hiromi (Koyuki), jeune femme à la beauté simple. Elle vient de s’installer et personne ne connait son passé mais tous les habitants du quartier l’ont adoptée. Voici le petit monde d’Always. Tous habitent dans la troisième rue de ce quartier de Tokyo, tous se connaissent et chacun a ses petits soucis.

Les enfants jouent un grand rôle dans le récit. Tout d’abord Ippei Suzuki (Kazuki Koshimizu), garçonnet de huit ans, capricieux et espiègle. Chaque jour il réclame à sa mère un poste de télévision, objet qui commence à débarquer dans les foyers. C’est lui qui donne au film ses moments les plus drôles. A l’opposé, le petit Junnosuke (Kenta Suga) est un orphelin que sa mère, prostituée, a confié à Hiromi. Cette dernière ne peut pas l’élever seule et le confie à Chagawa qui ne sait pas que faire de cet enfant au regard triste et taciturne. Ce bon bougre de Chagawa, derrière sa mauvaise humeur, va cependant s’attacher à l’enfant et inversement. Junnosuke se rend compte que son tuteur est l’auteur de ses histoires pour enfants préférées, il va devenir son idole. L’un des moments les plus touchants est celui où les deux garçons tentent de partir à la recherche de la mère de Junnosuke. Tous les deux prennent le tramway pour une aventure douloureuse tandis que les parents se font un sang d’encre. A leur retour, Chagawa comprend qu’il aime cet enfant et qu’il veut l’adopter. Mieux, il tombe amoureux d’Hiromi et lui propose d’élever le petit ensemble.

Le petit quartier dans lequel se déroule Always est un concentré de la population du Japon. On y trouve le facteur, le boucher, la grand-mère (Yôichi Nukumizu)qui tente la modernité en faisant du vélo (personnage haut en couleur), le marchand de blocs de glace, le médecin Saburo (Masaya Takahashi) que Ippei surnomme le Diable parce qu’il n’aime pas les piqûres. Le film brasse de nombreux sujets. La pauvreté (celle de Chagawa qui emprunte de l’argent à Suzuki pour offrir un beau stylo à Junnosuke, celle d’Hiromi qui doit quitter la rue pour trouver de l’argent pour soigner son père, celle de Mustuko qui a quitté sa famille trop pauvre). L’entrée dans l’ère de la grande consommation : les Suzuki achètent une télévision, puis un frigo et encore un lave-linge. La place de la femme : tout oppose Hiromi, Mutsuko et Tomoe, chacune incarnant une femme au caractère différent.

Si l’on est très bien luné (ce qui était mon cas), on rira à l’humour des situations, on sera ému par les soucis des personnages et on sera emporté par le récit foisonnant. En revanche, il est possible de trouver démagogique certains passages du film, de penser que la musique appuie trop les scènes de tristesse et que les bons sentiments ne font pas forcément les bons films. Always, dans sa manière de parler d’un passé qui est dans les esprits de tous les Japonais, aborde sans doute trop de sujets de manière anecdotique et parfois superficielle mais la méthode est pleine de tendresse pour ses personnages et chaque spectateur peut se reconnaitre dans leurs tribulations. Le film se termine sur le départ du quartier de certains personnages pour d’autres lieux, dans une fin ouverte qui laisse un goût amer. Always a été un tel succès populaire que deux suites ont été tournées. L’une en 2007 (située en 1959) et l’autre en 2012 (située en 1964, lors des Jeux Olympiques de Tokyo).

Always : Sunset on Third Street (ALWAYS 三丁目の夕日, Japon, 2005) Un film de Takashi Yamazaki avec Maki Horikita, Shinichi Tsutsumi, Hiroko Yakushimaru, Hidetaka Yoshioka, Koyuki, Kazuki Koshimizu, Kenta Suga, Masaya Takahashi, Yôichi Nukumizu.

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