« On
ne se rencontre que pour les mariages et pour les enterrements dans notre
famille » dit Masuo Sakurada (Kenzo Kawarazaki), 39 ans, à sa cousine
Ritsuko (Atsuko Kaku). Tous les deux ont reçu un télégramme de Terimichi (Atsuo
Nakamura), leur oncle illégitime, leur annonçant son intention de se suicider.
Le voyage depuis Tokyo est long. Ils doivent d’abord prendre l’avion, puis le
train et enfin le bateau avant de pouvoir retrouver la demeure du clan
Sakurada. Durant ce voyage, Masuo va se remémorer plusieurs moment de sa vie,
depuis son enfance jusqu’à aujourd’hui (c'est-à-dire en 1971 date de
réalisation de La Cérémonie). Chaque
souvenir, au nombre de cinq, est lié par un enterrement ou un mariage, comme
autant de cérémonies. Le personnage lance en voix off ces évocations.
La
première partie située en 1947 permet de découvrir l’enfance de Masuo. Né en
Mandchourie, il est rapatrié au Japon en 1946 après que son père se soit
suicidé le jour où l’empereur a renoncé à son caractère divin. Cette cérémonie
commémore le premier anniversaire de la mort de son père. C’est son grand-père
Kazuomi (Kei Sato), cheveux blancs et vêtu d’un kimono qui préside. Assis en
tailleur au centre de la pièce avec à ses côtés Masuo enfant, il fait en sorte
que le cérémonial soit appliqué à la lettre. Masuo a trois oncles : Isamu
(Hosei Komatsu), communiste, Mamoru (Mutushiro Toura), Susumu (Fumio Watanabe),
en prison pour crimes de guerre, et une tante : Setsuko (Akiko Koyama).
Son présents également sa cousine Ritsuko, son cousin Tadashi (fils de Susumu)
et Terimichi, son oncle à peine plus âgé que lui et né d’une liaison adultère
de Kazuomi.
Les
trois générations vont ensuite se rencontrer en 1952 pour l’enterrement de la
mère de Masuo. Il a désormais 19 ans, est étudiant et joue au base-ball. C’est
lors de cette cérémonie qu’il succombe au charme de sa tante Stesuko avec
laquelle il perd sa virginité. Kazuomi, en tant que patriache, s’arroge un
droit de cuissage sur elle et la violer. Setsuko n’est pas sa fille légitime,
il l’a adoptée. Il exerce ainsi son pouvoir tyrannique sous les yeux de Masuo,
comme pour encore plus les humilier. Plus tard, Retsuko embrassera le jeune
homme. La troisième cérémonie se déroule en 1956 lors du mariage de l’oncle
communiste. Susumu est sorti de prison et il ne dira pas un mot. Son fils
Tadashi, devenu policier, est partisan d’un mouvement d’axtrême droite. Chaque
invité chante une chanson révélant sa personnalité et montrant la division
politique de la famille Sakurada : une chanson nationaliste (Tadashi),
l’Internationale (la mariée), une chanson de geisha (Setsuko). Le lendemain du
mariage, Setsuko est retrouvée morte, un sabre planté dans le ventre. Kazuomi
déclare que c’est un suicide. Masuo pense que son grand-père l’a tuée.
Désormais
âgé de 29 ans, Masuo se marie en 1961. C’est son grand-père qui a choisi
l’épouse présentée par le maître de cérémonie comme une jeune fille japonaise
pure et parfaite. La salle est comble d’invités dont toute la famille Sakurada.
Seulement voilà, la mariée s’est faite porter pâle. Cela n’empêche pas la
cérémonie de se poursuivre, Masuo tenant la main à une personne invisible.
Kazuomi assume son rôle de patriarche devant ce mariage grotesque qui sera
perturbé par Tadashi, venu lire une déclaration d’extrême droite. Sorti manu
militari de la pièce, on apprend qu’il s’est fait renversé par une voiture. Le
grotesque se poursuite quand Masuo saute sur son grand-père simulant sa nuit de
noces. Puisque l’épouse est absente et que Kazuomi l’a choisie, il peut tout
aussi bien la remplacer. Enfin, dans un dernier geste de folie, il enlève le
cadavre de Tadashi de son cercueil, se déshabille et s’y couche dedans. Sa
cousine Retsuko l’y rejoindra.
Masuo
ne verra plus sa famille jusqu’en 1971 lors de l’enterrement de son grand-père.
En tant qu’héritier, il doit présider à la cérémonie. Ce rôle, parodiant celui
de Kazuomi, il le refuse. Narrateur du film, Masuo observe les événements plus
qu’il ne les vit. La Cérémonie agit
comme un concentré de l’Histoire du Japon entre 1946 et 1971, montrant la perte
d’influence de Kazuomi, le chef de clan, personnage miroir de l’empereur,
pointant les violences politiques comme l’explosion de la famille. Cette
histoire remplie de cadavres (Masuo sera le seul survivant de sa famille) est
d’autant plus terrifiante que Nagisa Oshima la filme avec un calme et une
précision redoutables donnant à La
Cérémonie une forte valeur politique à l’opposé des expérimentations de Journal d’un voleur de Shinjuku ou de Il est mort après la guerre.
La
Cérémonie (儀式, Japon, 1971) Un film de Nagisa Oshima avec Kenzo Kawarazaki, Atsuko
Kaku, Atsuo Nakamura, Nobuko Otowa, Kei Sato, Maki Takayama, Shizue Kawarazaki,
Kiyoshi Tsuchiya, Akiko Koyama, Hosei Komatsu, Fumio Watanabe, Sue Mitobe,
Rokko Toura, Eitarô Ozawa, Mutushiro Toura.
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