mercredi 10 avril 2013

Pieta


Il est loin le temps où j’attendais avec impatience chaque nouveau film de Kim Ki-duk. Elle est bien passée cette époque où chacun de ses films sortaient en salles en France et où ses admirateurs discutaient âprement de « son » Kim Ki-duk préféré. Aujourd’hui, le cinéaste coréen est relativement tombé dans l’oubli et son prestigieux Lion d’or au Festival de Venise 2012 est l’unique raison de la sortie de son film. Pieta, 18ème film de son auteur comme cela est indiqué dans le générique, est un film sur la solitude, sujet favori de Kim Ki-duk. Silencieux, Kang-do (Lee Jeong-jin) son personnage principal vit dans un appartement à la vieille tapisserie délavée, aux meubles rares et au milieu d’un quartier sans âme. On découvre cet homme de trente ans en train de se masturber dans son lit, histoire de montrer qu’il est également célibataire. D’un geste sec, il retire un couteau planté sur un dessin de femme nue accroché sur une cible de fléchettes. Il part au travail.

Son boulot est de récupérer l’argent prêté par son patron, un type un peu louche, à des ferrailleurs (il y a beaucoup de ferrailleurs dans l’univers du film). Le taux de remboursement est très élevé, les gens sont très pauvres et ils ne peuvent jamais rendre la somme. La solution est apportée par Kang-do lui-même : toucher l’assurance et faisant croire qu’ils ont eu un accident. Ainsi tous ces gentils ouvriers sont contraints par cet horrible usurier à se mutiler les membres sur leurs machines, à sauter d’un immeuble ou à se couper un doigt. On le suit dans sa tournée pour relever les compteurs avec chaque fois la même méthode. Travailleur après travailleur, le cinéaste appuie chaque fois la cruauté et l’absence de pitié de Kang-do avec quelques scènes de torture un peu vaine, la mutilation est filmée hors-champ. Kim Ki-duk oppose les « clients » avec notre « héros ». Lui, profite de leur labeur et eux, se tuent à la tâche. Lui est seul, sans vie et sans famille, eux ont une épouse, une mère et parfois un enfant.

Un jour, une femme le suit (Jo Min-sso). Aussi silencieuse que lui, elle s’introduit chez lui, se met à faire la vaisselle et prend un couteau comme si elle voulait le tuer. Il la vire et le lendemain, elle est assise devant sa porte. Elle affirme être sa mère, il demande des preuves. Elle chante une chansonnette. Il croit qu’elle est bien sa mère. Elle va lui acheter une anguille pour le repas. Il préfère la laisser dans son aquarium. Elle le suit dans une de ses missions. Elle en profite pour taper le mauvais payeur. Elle se couche dans son lit et le branle en silence. Elle tricote un pull en attendant son retour. Il finit par accepter cette maman qu’il n’a jamais connue, ayant été abandonné à la naissance. Elle l’avait supplié à genoux de la pardonner et maintenant ils vont faire du shopping main dans la main. Les sourires comment à revenir sur leur visage. Il découvre enfin, à trente ans, la vie de famille et commence à comprendre, conséquemment combien il a fait du mal à tous ses pauvres à qui il prend de l’argent. Et un jour, sa maman est enlevée, sans doute par un mécontent pense-t-il.

Kim Ki-duk ne lésine pas sur les moyens pour montrer toute la bassesse de son personnage principal puis sa tentative de rédemption. Ces moyens, ce sont d’abord des scènes de violence lourdement appuyées par ses effets de répétition. Kang-do arrive chez un pauvre, le pauvre crie, il arrive chez un autre, l’autre crie. Seulement voilà, l’acteur tire la gueule avec un tel académisme pour jouer la méchanceté qu’il devient caricatural. Ensuite, quelques scènes chocs viennent tenter de secouer le spectateur assoupi par des choses déjà vues ailleurs en bien mieux (inceste, suicide). Enfin, le film fait souvent rire. Involontairement. Pieta joue sur le réalisme (décors communs, évocation de la crise économique qui pousse les gens à s’endetter) mais les dialogues sonnent tous faux et sont à la fois explicatifs et volontairement suggestifs de la triste situation dans laquelle les personnages se trouvent. Dans sa volonté de créer un réalisme poétique de la douleur de l’âme, Kim Ki-duk en fait trop. Kang-do retourne voir tous ses pauvres dans la dernière partie pour chercher sa mère et l’accumulation des malheurs qu’il a causés le fait prendre conscience de sa mauvaise âme. Or, comme on le dit souvent, tout ce qui est excessif est insignifiant. C’est dans ces moments poussifs où le cinéaste veut provoquer l’émotion que le rire commence à poindre parce que, contrairement à Address unknown par exemple, son réalisme n’est jamais crédible.

Pieta (피에타, Corée, 2012) Un film de Kim Ki-duk avec Jo Min-soo, Lee Jeong-jin, Woo Gi-hong, Kang Eun-jin, Jo Jae-ryong, Lee Myeong-ja.

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