Il
est loin le temps où j’attendais avec impatience chaque nouveau film de Kim
Ki-duk. Elle est bien passée cette époque où chacun de ses films sortaient en
salles en France et où ses admirateurs discutaient âprement de
« son » Kim Ki-duk préféré. Aujourd’hui, le cinéaste coréen est
relativement tombé dans l’oubli et son prestigieux Lion d’or au Festival de
Venise 2012 est l’unique raison de la sortie de son film. Pieta, 18ème film de son auteur comme cela est indiqué
dans le générique, est un film sur la solitude, sujet favori de Kim Ki-duk.
Silencieux, Kang-do (Lee Jeong-jin) son personnage principal vit dans un
appartement à la vieille tapisserie délavée, aux meubles rares et au milieu
d’un quartier sans âme. On découvre cet homme de trente ans en train de se
masturber dans son lit, histoire de montrer qu’il est également célibataire.
D’un geste sec, il retire un couteau planté sur un dessin de femme nue accroché
sur une cible de fléchettes. Il part au travail.
Son
boulot est de récupérer l’argent prêté par son patron, un type un peu louche, à
des ferrailleurs (il y a beaucoup de ferrailleurs dans l’univers du film). Le
taux de remboursement est très élevé, les gens sont très pauvres et ils ne
peuvent jamais rendre la somme. La solution est apportée par Kang-do
lui-même : toucher l’assurance et faisant croire qu’ils ont eu un
accident. Ainsi tous ces gentils ouvriers sont contraints par cet horrible
usurier à se mutiler les membres sur leurs machines, à sauter d’un immeuble ou
à se couper un doigt. On le suit dans sa tournée pour relever les compteurs avec
chaque fois la même méthode. Travailleur après travailleur, le cinéaste appuie
chaque fois la cruauté et l’absence de pitié de Kang-do avec quelques scènes de
torture un peu vaine, la mutilation est filmée hors-champ. Kim Ki-duk oppose
les « clients » avec notre « héros ». Lui, profite de leur
labeur et eux, se tuent à la tâche. Lui est seul, sans vie et sans famille, eux
ont une épouse, une mère et parfois un enfant.
Un
jour, une femme le suit (Jo Min-sso). Aussi silencieuse que lui, elle
s’introduit chez lui, se met à faire la vaisselle et prend un couteau comme si
elle voulait le tuer. Il la vire et le lendemain, elle est assise devant sa
porte. Elle affirme être sa mère, il demande des preuves. Elle chante une
chansonnette. Il croit qu’elle est bien sa mère. Elle va lui acheter une
anguille pour le repas. Il préfère la laisser dans son aquarium. Elle le suit
dans une de ses missions. Elle en profite pour taper le mauvais payeur. Elle se
couche dans son lit et le branle en silence. Elle tricote un pull en attendant
son retour. Il finit par accepter cette maman qu’il n’a jamais connue, ayant
été abandonné à la naissance. Elle l’avait supplié à genoux de la pardonner et
maintenant ils vont faire du shopping main dans la main. Les sourires comment à
revenir sur leur visage. Il découvre enfin, à trente ans, la vie de famille et
commence à comprendre, conséquemment combien il a fait du mal à tous ses
pauvres à qui il prend de l’argent. Et un jour, sa maman est enlevée, sans
doute par un mécontent pense-t-il.
Kim
Ki-duk ne lésine pas sur les moyens pour montrer toute la bassesse de son
personnage principal puis sa tentative de rédemption. Ces moyens, ce sont d’abord
des scènes de violence lourdement appuyées par ses effets de répétition. Kang-do
arrive chez un pauvre, le pauvre crie, il arrive chez un autre, l’autre crie.
Seulement voilà, l’acteur tire la gueule avec un tel académisme pour jouer la
méchanceté qu’il devient caricatural. Ensuite, quelques scènes chocs viennent
tenter de secouer le spectateur assoupi par des choses déjà vues ailleurs en
bien mieux (inceste, suicide). Enfin, le film fait souvent rire.
Involontairement. Pieta joue sur le
réalisme (décors communs, évocation de la crise économique qui pousse les gens
à s’endetter) mais les dialogues sonnent tous faux et sont à la fois
explicatifs et volontairement suggestifs de la triste situation dans laquelle
les personnages se trouvent. Dans sa volonté de créer un réalisme poétique de
la douleur de l’âme, Kim Ki-duk en fait trop. Kang-do retourne voir tous ses
pauvres dans la dernière partie pour chercher sa mère et l’accumulation des
malheurs qu’il a causés le fait prendre conscience de sa mauvaise âme. Or,
comme on le dit souvent, tout ce qui est excessif est insignifiant. C’est dans
ces moments poussifs où le cinéaste veut provoquer l’émotion que le rire
commence à poindre parce que, contrairement à Address unknown par exemple, son réalisme n’est jamais crédible.
Pieta
(피에타, Corée,
2012) Un film de Kim Ki-duk avec Jo Min-soo, Lee Jeong-jin, Woo Gi-hong, Kang
Eun-jin, Jo Jae-ryong, Lee Myeong-ja.
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