Puisqu’à
l’occasion de la sortie de The
Grandmaster de Wong Kar-wai, je consacre ce mois d’avril 2013 au cinéaste, autant
parler également d’Irma Vep, l’un
des films français dans lesquels Maggie Cheung a joué (les autres sont les deux
films d’Anne Fontaine autour de son personnage Augustin). Maggie Cheung, avant
d’être l’actrice glamour d’In the mood
for love en 2000 et d’accéder au statut de star tel qu’on le connait
depuis, avait joué dans As tears go by,
Nos années sauvages, Les Cendres du temps pour Wong Kar-wai.
Quand Irma Vep est sorti, l’actrice
n’était pas encore connue en France (relire les critiques de l’époque en
témoigne). Elle avait pourtant joué dans de nombreux films à Hong Kong, la
potiche de Jackie Chan comme la tentatrice pour Tsui Hark, mais resté inédits
en France jusqu’alors. Tous ses films seront découverts plus tard alors que
l’industrie cinématographique de Hong Kong commençait à sombrer.
C’est
parce qu’il a admiré l’actrice dans Heroic
trio de Johnnie To que le cinéaste René Vidal (Jean-Pierre Léaud) a décidé
d’engager Maggie Cheung (dans son propre rôle donc). Le vieux réalisateur l’a
choisie plutôt que Michelle Yeoh ou Anita Mui et lui montre un extrait du film
où elle se bat contre les forces démoniaques. Il lui cause en anglais (et c’est
lui dans le film qui écorche le moins la langue de Shakespeare) et souhaite lui
faire jouer le personnage d’Irma Vep dans un remake improbable des Vampires de Louis Feuillade, série
poussiéreuse mais admirée par la cinéphilie datant des années 1910. Il montre
quelques extraits (muets) à Maggie des Vampires où la comédienne principale,
Musidora vêtue d’une combinaison noire moulante, vole des bijoux. Pour Vidal,
ce cinéma de Hong Kong est comparable dans sa manière de divertir, ce qui n’est
pas faux. Un autre personnage, journaliste de cinéma grand public (Antoine
Basler) évoque le cinéma cantonais qu’il vante comme fait pour le public. Il
mime avec passion Une balle dans la tête
de John Woo. Ce journaliste est à la fois ridicule et entier, mais tout à fait
réaliste dans ses provocations puériles.
Dès
le début d’Irma Vep, Maggie (comme
l’appelle tout le monde) est plongée dans le tournage chaotique du film de
Vidal et elle est un peu perdue. A peine accueillie par l’équipe qui passe son
temps à répondre au téléphone, vérifier chaque élément et accessoirement à
s’engueuler, l’actrice est prise en charge par Zoé (Nathalie Richard), la
costumière. La première partie se consacre à la découverte des arcanes du
tournage et des personnages qui vont graviter autour de Maggie. Maïté
(Dominique Faysse) l’assistante râleuse, Désormaux (Alex Descas) le producteur
et quelques comédiens qui vont jouer avec elle. L’idée est de faire de Maggie
l’égale du spectateur qui découvre, en même temps qu’elle, la réalisation d’un
film art et essai au budget précaire et où l’absence patente de préparation
provoque une agitation comparable à celle d’une ruche. Olivier Assayas se moque
gentiment du tournage et des membres de l’équipe mais la caricature aurait
mieux fonctionnée s’il l’avait comparée avec la manière, tout aussi précaire, de
faire un film à Hong Kong.
Il
s’agit maintenant à Zoé de trouver une combinaison de latex à Maggie, tenue qui
l’accompagnera pour son rôle. Zoé est immédiatement séduite par Maggie et en
tombe amoureuse mais là encore l’idée n’aboutit à pas grand-chose si ce n’est
que le personnage Maggie est l’objet du fantasme de la costumière comme
l’actrice Maggie Cheung devient le fantasme du cinéaste Olivier Assayas (il
faut rappeler qu’ils se marieront après le film). Ainsi, les gros plans sur le
visage de l’actrice seront de plus en plus présents, il filme ses déplacements
avec beaucoup de grâce. La scène du vol des bijoux où Maggie Cheung se déplace
agilement dans les couloirs vêtue de sa combinaison et termine sous la pluie
est peut-être la plus belle du film. Les images finales où la pellicule est
grattée sont sublimes. Ce qui sauve son personnage par rapport aux autres est
son grand calme, son sourire constant et ses grands yeux écarquillés devant les
inepties que débitent à toute vitesse les autres personnages. Olivier Assayas
fera tourner Maggie Cheung dans Clean,
film largement moins convaincant.
Irma
Vep (France, 1996) Un film d’Olivier Assayas avec Maggie Cheung, Nathalie
Richard, Jean-Pierre Léaud, Antoine Basler, Nathalie Boutefeu, Alex Descas,
Dominique Faysse, Lou Castel, Bulle Ogier.
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