Stephen
Chow est de retour, cinq ans après CJ7. De retour
derrière la caméra avec un nouveau comparse, Derek Kwok (auteur de l’excellent Gallants),
mais pas en tant qu’acteur (dommage, mais sans doute pour ne pas faire de
l’ombre aux autres acteurs tous très bons). On n’a pas compté les fausses
annonces depuis son dernier film sur les projets de Stephen Chow : suites
de ses différents films (au choix, King of
comedy, Shaolin
soccer ou Crazy kung-fu),
aucun projet n’a abouti. On a cru qu’il avait fait une courte apparition dans
les films chinois historiques sur Mao, Founding
of a republic et Beginning of the
great revival, en vain. Pour l’admirateur que je suis de Stephen Chow,
l’attente a été très longue. C’est d’ailleurs un phénomène assez intéressant de
constater ainsi l’absence d’une des plus importantes stars du cinéma de Hong
Kong pendant des années. Mais voilà, Journey
to the West : conquering the demons est enfin là, et bien là,
proposant une nouvelle vision de l’histoire du Roi singe (la pérégrination vers l’ouest) de Wu Cheng-en.
Les
deux personnages principaux, d’une part Chen Xuanzhang (Wen Zhang) et d’autre
part Duan (Shu Qi) se rencontrent dans un petit village de pêcheurs où un homme
vient de se faire avaler par un démon aquatique. Un prêtre taoïste prétend
pouvoir le chasser. Armé de son sabre de bois, il lance dans le lac une bombe
qui fait exploser une raie géante montrée comme ce démon. Il reçoit un joli paquet
d’argent de la part des villageois qui voient en lui un sauveur. Seulement
voilà, Chen Xuanzhang débarque à ce moment-là, affirme que le démon est encore
là, contredit le taoïste et donc le village qui préfère croire le charlatan. Notre
homme est attaché et, bien entendu, le démon poisson attaque et dévore d’autres
victimes, y compris la petite fille du premier homme chassé. C’est à ce moment
précis, tandis qu’il tente de leur donner des conseils sur le monstre, que Duan
apparait et vient à sa rescousse. Chacun est un chasseur de démons, mais aux
méthodes bien différentes. Duan est pour la méthode forte, attaquer et détruire
le démon puis récupérer l’argent, Chen Xuanzhang est moins vénal, croit à la
rédemption des monstres et leur chante des comptines enfantines, suivant la
discipline de son gentil sifu, un
gros chauve portant perruque.
Cette
séquence d’introduction (un quart d’heure quand même) est la plus belle
ouverture de film vue depuis des lustres. Les effets spéciaux sont maîtrisés,
le comique est varié (situation avec la bêtise des villageois, gags visuels sur
les trognes des personnages), suspense, action. Tout concours à faire de cette
première partie, d’une beauté sidérante, un sommet de mise en scène. Le plus
formidable dans Journey to the
West : conquering the demons est que cette beauté formelle se poursuit
avec la rencontre d’un autre démon (un cochon qui tue ses victimes dans le
restaurant qu’il tient), d’abord présenté comme un homme au si doux sourire, se
déplaçant comme dans un opéra chinois. Deuxième rencontre entre Chen Xuanzhang
et Duan, deuxième séparation. Et encore une troisième attaque de démons dans la
forêt, et une nouvelle galerie de personnages hauts en couleurs, à la fois les
comparses de Duan dans un tank extravagant et d’autres chasseurs de démons
prétentieux et vaniteux. Le pouvoir comique est à son paroxysme, Stephen Chow
et Derek Kwok ironise sur la légende, en fait le commentaire critique en
montrant des personnages peu glorieux. On retrouve les acteurs de Crazy kung-fu, Xing Yu et Chiu Chi-Ling
et Chrissie Chow en atout beauté.
La
première heure du film est donc l’un des plus belles choses vue au cinéma
récemment, pleine de surprises et qui montre que Stephen Chow reste le meilleur
cinéaste actuel à Hong Kong. Je n’ai pas encore parlé de la romance qui se noue
tout au long du film entre Chen Xuanzhang et Duan. Leurs méthodes dans la
traque des démons s’oppose autant que leur vision de l’amour (physique contre
spirituelle). Elle quémande sans cesse un baiser qu’il lui refusera chaque
fois, prétendant vouloir accéder à l’amour suprême. Duan a comme arme magique
un anneau qui se démultiplie et qui fait exploser les démons, elle fera de cet
anneau une bague pour Chen Xuanzhang, bague qu’il refusera de porter par
stricte obédience au bouddhisme. Le problème pour Duan est que Chen poursuit sa
quête, celle du titre du film, de convertir les démons en bonne personne,
donnant un film un aspect de récit initiatique mais aussi de description de la
jeunesse du personnage de Tripitaka (Chen possédant toutes se facultés). La
rencontre avec le roi singe (Huang Bo), prisonnier depuis cinq siècles dans une
caverne, va transformer le récit en orgie d’effets spéciaux plus proche des
jeux vidéo actuels que de la poésie bigarée vue jusqu’à présent. On sent l’intention
du duo de cinéastes de reproduire, en plus fort, en plus sombre et en plus long,
la séquence finale de Crazy kung-fu
(Huang Bo est d’ailleurs coiffé comme Bruce Leung). Cette réserve étant faite,
il faut reconnaitre, encore et encore, que Journey
to the West : Conquering the demons est un divertissement d’une si grande
qualité, réservant de belles surprises, appuyé par la belle musique de Raymond
Wong Ying-wah, que j’espère que Stephen Chow ne va pas encore mettre cinq ans
pour faire un autre film.
Journey to the West :
Conquering the demons (西遊.降魔篇, Hong Kong –
Chine, 2013) Un film de Stephen Chow et Derek Kwok avec Shu Qi, Wen Zhang,
Chrissie Chow, Xing Yu, Lee Sheung-ching, Huang Bo, Show Luo, Law Chi-cheung,
Stephen Fung, Tong Liya.
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