mardi 7 mai 2013

Stoker


Puisque Stoker est sorti la semaine dernière dans une quasi indifférence, autant en dire quelques mots et je commencerai par dire que le film de Park Chan-wook est largement meilleur que Le Dernier rempart de Kim Jee-woon, ce qui n’est pas un exploit en soi. Pour lancer ce thriller, quoi de mieux que de découvrir ses personnages au cimetière lors de l’enterrement de Richard Stoker (Dermot Mulroney qui n’apparait que dans les rares flashbacks). Sa veuve Evie (Nicole Kidman, embauchée ici pour évoquer les souvenirs du film d’Alejandro Amenabar, Les Autres) et sa fille India (Mia Wasikowska), à peine 18 ans,  observent au loin une silhouette. C’est celle de Charlie (Matthew Goode), le jeune frère du défunt que personne n’avait jamais vu. Il est enfin revenu de ses nombreux voyages de par le monde pour rencontrer la famille de son frère.

Direction la grande maison familiale aux murs blancs au milieu d’un parc. Beaucoup de chambres, pas mal de couloir, un escalier, une cave sombre. Au rez-de-chaussée, un piano se trouve au milieu du salon. India en joue parfois (des morceaux composés par Philip Glass) ou sa mère. La vieille bonne (Phyllis Somerville) n’en croit pas ses yeux quand Evie invite Charlie chez elle. Ce dernier va s’engueuler avec la bonne dans la serre. La bonne ne réapparaitra plus jamais. Puis, une tante vient leur rendre visite. Evie, plutôt que de l’inviter, la met fermement mais poliment dehors. Elle ira dans un motel. Charlie la rejoint et l’étrangle avec sa ceinture. Elle non plus ne réapparaitra jamais. On a bien compris au regard fixe de Charlie que tout ne tourne pas rond dans sa tête. Mais sa belle sœur continue de vouloir le garder près d’elle. En peignoir de soie, un verre de blanc à la main, elle semble l’aguicher.

La bizarrerie des personnages remplace la violence de ceux des films coréens de Park Chan-wook. India collectionne les chaussures blanches, les seules qu’elle porte. Toujours habillée strictement, comme sa mère, elle détonne au milieu des autres ados. Son père l’a initié à la chasse, et sa mère lui reproche toujours de n’avoir jamais passé du temps avec elle à cause des parties de chasse. Taiseuse, elle ne parle jamais avec ses camarades de lycée, sauf avec Whip (Alden Ehrenreich) qui viendra la défendre quand elle se fait harceler. Charlie tente de sympathiser avec elle. Il la suit dans sa voiture de sport au lycée, elle refuse de monter dedans préférant la pluie à son contact. Petit à petit, il va l’amadouer et elle va commencer à rentrer dans son monde passablement dégénéré. A la toute dernière demi-heure de Stoker, on a l’impression que le film commençe enfin. India découvre tout une liasse de lettres envoyés lors de ses voyages par Charlie, courriers cachées par son père depuis toujours dans un tiroir.

La révélation de l’esprit dérangé de Charlie n’est pas le retournement final sous forme d’explication le plus passionnant du cinéma. Loin de là. On croyait aller vers le fantastique, on se retrouve avec un film psychologique. Le scénario, souvent balourd, est illustré de manière assez banal par les images de Park Chan-wook. Le cinéaste tente plutôt de mettre le doute dans le spectateur sur la véracité des faits que l’on voit. Le personnage d’apparence très sage de Charlie est-il vraiment le monstre décrit ? Peut-être tout cela est un fantasme morbide d’India, comme le suggère le meurtre de Whip dans une forêt qui viendra hanter l’esprit de la jeune femme. Le film laisse également à penser qu’India aurait pu tomber amoureuse de son oncle. Une scène sous la douche commence comme un hommage à Psychose pour se terminer, ridiculement, par une masturbation. Sans doute comptait-il poursuivre son œuvre de trublion du cinéma en choquant le spectateur, en fin de compte, Stoker provoque un certain ennui, comme si on s’était habitué à tout le cirque de Park Chan-wook qui a du mal à trouver un nouvel élan.

Stoker (Etats-Unis – Grande Bretagne, 2012) Un film de Park Chan-wook avec Mia Wasikowska, Nicole Kidman, Matthew Goode, Phyllis Somerville, Alden Ehrenreich, Dermot Mulroney.

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