Puisque
Stoker est sorti la semaine dernière
dans une quasi indifférence, autant en dire quelques mots et je commencerai par
dire que le film de Park Chan-wook est largement meilleur que Le Dernier rempart de Kim Jee-woon, ce
qui n’est pas un exploit en soi. Pour lancer ce thriller, quoi de mieux que de
découvrir ses personnages au cimetière lors de l’enterrement de Richard Stoker
(Dermot Mulroney qui n’apparait que dans les rares flashbacks). Sa veuve Evie
(Nicole Kidman, embauchée ici pour évoquer les souvenirs du film d’Alejandro
Amenabar, Les Autres) et sa fille
India (Mia Wasikowska), à peine 18 ans,
observent au loin une silhouette. C’est celle de Charlie (Matthew Goode),
le jeune frère du défunt que personne n’avait jamais vu. Il est enfin revenu de
ses nombreux voyages de par le monde pour rencontrer la famille de son frère.
Direction
la grande maison familiale aux murs blancs au milieu d’un parc. Beaucoup de
chambres, pas mal de couloir, un escalier, une cave sombre. Au rez-de-chaussée,
un piano se trouve au milieu du salon. India en joue parfois (des morceaux
composés par Philip Glass) ou sa mère. La vieille bonne (Phyllis Somerville)
n’en croit pas ses yeux quand Evie invite Charlie chez elle. Ce dernier va
s’engueuler avec la bonne dans la serre. La bonne ne réapparaitra plus jamais.
Puis, une tante vient leur rendre visite. Evie, plutôt que de l’inviter, la met
fermement mais poliment dehors. Elle ira dans un motel. Charlie la rejoint et
l’étrangle avec sa ceinture. Elle non plus ne réapparaitra jamais. On a bien
compris au regard fixe de Charlie que tout ne tourne pas rond dans sa tête.
Mais sa belle sœur continue de vouloir le garder près d’elle. En peignoir de
soie, un verre de blanc à la main, elle semble l’aguicher.
La
bizarrerie des personnages remplace la violence de ceux des films coréens de
Park Chan-wook. India collectionne les chaussures blanches, les seules qu’elle
porte. Toujours habillée strictement, comme sa mère, elle détonne au milieu des
autres ados. Son père l’a initié à la chasse, et sa mère lui reproche toujours
de n’avoir jamais passé du temps avec elle à cause des parties de chasse. Taiseuse,
elle ne parle jamais avec ses camarades de lycée, sauf avec Whip (Alden
Ehrenreich) qui viendra la défendre quand elle se fait harceler. Charlie tente
de sympathiser avec elle. Il la suit dans sa voiture de sport au lycée, elle
refuse de monter dedans préférant la pluie à son contact. Petit à petit, il va
l’amadouer et elle va commencer à rentrer dans son monde passablement dégénéré.
A la toute dernière demi-heure de Stoker,
on a l’impression que le film commençe enfin. India découvre tout une liasse de
lettres envoyés lors de ses voyages par Charlie, courriers cachées par son père
depuis toujours dans un tiroir.
La
révélation de l’esprit dérangé de Charlie n’est pas le retournement final sous
forme d’explication le plus passionnant du cinéma. Loin de là. On croyait aller
vers le fantastique, on se retrouve avec un film psychologique. Le scénario,
souvent balourd, est illustré de manière assez banal par les images de Park
Chan-wook. Le cinéaste tente plutôt de mettre le doute dans le spectateur sur
la véracité des faits que l’on voit. Le personnage d’apparence très sage de
Charlie est-il vraiment le monstre décrit ? Peut-être tout cela est un
fantasme morbide d’India, comme le suggère le meurtre de Whip dans une forêt
qui viendra hanter l’esprit de la jeune femme. Le film laisse également à
penser qu’India aurait pu tomber amoureuse de son oncle. Une scène sous la
douche commence comme un hommage à Psychose
pour se terminer, ridiculement, par une masturbation. Sans doute comptait-il
poursuivre son œuvre de trublion du cinéma en choquant le spectateur, en fin de
compte, Stoker provoque un certain
ennui, comme si on s’était habitué à tout le cirque de Park Chan-wook qui a du
mal à trouver un nouvel élan.
Stoker
(Etats-Unis – Grande Bretagne, 2012) Un film de Park Chan-wook avec Mia
Wasikowska, Nicole Kidman, Matthew Goode, Phyllis Somerville, Alden Ehrenreich,
Dermot Mulroney.
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