Le
sourire de Setsuko Hara est l’une des merveilles du cinéma japonais. L’actrice
incarne dans Le Grondement de la
montagne Kikuko, jeune femme pleine d’entrain, qui accueille son beau père,
Shingo Ogata (Sō Yamamura) avec ce sourire plein de grâce qui illumine les
films de Mikio Naruse ou Yasujiro Ozu dans lesquels elle joue. Derrière une
palissade, le beau-père admire un magnifique tournesol qui le met en joie, il
ne fait ainsi que le comparer avec le sourire de sa belle-fille. L’idée majeure
du film, drame sur l’adultère, est de le faire perdre tandis que les tensions
augmentent dans la coquette maison de la banlieue de Tokyo.
La
séquence d’ouverture annonce que Suichi (Ken Uehara) a une maîtresse. C’est la
colocataire de sa secrétaire. Il aime, après le travail, aller danser avec
elle, il aime écouter sa maîtresse chanter. Le père, qui a bien compris le
manège de son fils qui lui affirme que sa maîtresse est comme l’eau d’un
torrent tandis que Kikuko est comme l’eau d’un lac. Arrivé tard au foyer, Suichi
est froid. L’épouse qui le reçoit avec son large sourire, le perd vite quand il
refuse le repas, le bain et la serviette qu’elle lui propose. Il la considère
comme une enfant tout juste bonne à servir de domestique à la maison. Sur ce
point, la mère Yasuko (Teruko Nagaoka) est d’accord sur le supposé manque de
caractère de sa belle-fille. Elle sera d’ailleurs tout étonnée lorsque Kikuko
prend une décision, la plus importante de sa vie.
L’arrivée
de Fusako (Chieko Nakakita), la sœur cadette de Suichi, qui a quitté son mari
avec ses deux enfants, va accentuer le malaise de la famille. Fusako a décidé
de prendre du large et cela va influencer le destin de Kikuko. Cette dernière
aide la famille à faire à manger. Quand, un jour, elle oublie de se lever, elle
s’excuse platement. La comparaison entre les deux femmes augmente par rapport
aux enfants. Kikuko n’est pas encore mère, au grand désespoir de sa belle-mère
qui rêve d’être grand-mère. Comme souvent chez Mikio Naruse, le doute sur qui,
de Kikuko et Suichi, ne veut pas un enfant, demeure irrésolu. Le ton du film se
fait de plus en plus amer, le visage de Kikuko se ferme de plus en plus, pour
poursuivre la métaphore, le tournesol est brisé par un violent orage.
Parce
qu’il a de l’affection pour sa belle-fille, Shingo va tout faire pour rétablir
la situation. Discuter avec le fils adultère, convaincre la secrétaire de
donner le nom de la maîtresse, parler avec Kikuko des problèmes qu’elle
rencontre. Le film s’apparente à une enquête policière où le chef de famille
finit par comprendre que le vrai responsable n’est aucun des membres de la
famille mais plutôt la manière dont elle est agencée où les jeunes couples
doivent vivre avec les parents du fils. Le
Gondement de la montagne, tiré d’un roman de Kawabata, analyse, avec
sérénité et force, la situation d’un Japon encore engoncé dans une tradition
qui brise les couples. Lors de la dernière et émouvante séquence, le beau-père
console sa belle-fille qui pleure toutes les larmes de son corps pour enfin
retrouver son sourire. On ne peut pas enlever le sourire de Setsuko Hara.
Le Grondement de la montagne (山の音, Japon, 1953) Un film de Mikio Naruse avec Setsuko
Hara, Ken Uehara, Sō Yamamura, Teruko Nagaoka, Yōko Sugi, Chieko Nakakita.
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