lundi 6 mai 2013

Okasan La Mère


Unique film de Mikio Naruse sorti en France de son vivant, La Mère a longtemps été montré dans les ciné-clubs (souvent sous le titre mixte Okasan La Mère) comme exemple du cinéma néo-réaliste japonais. Toute la famille Fukuhara est présentée en voix off par la fille aînée Toshiko (Kyôko Kagawa) : Susumo (Akihiko Katayama) son frère aîné malade et constamment couché, sa petite sœur coquette Chako (Yônosuke Toba), Tetsuo (Atsuko Ichinomiya) le jeune cousin « adopté » par Ryosuke (Masao Mishima), le père blanchisseur surnommé Popeye et bien entendu la mère Masako (Kinuyo Tanaka). L’argent manque à la famille, le père est criblé de dettes et pour l’instant il est obligé de travailler en usine tout en espérant pouvoir rouvrir son commerce détruit pendant la guerre. Qui plus est, la famille élève Tetsuo, fils de la sœur de la mère veuve de guerre et le fils ne peut pas travailler compte tenu de son état. La Mère n’a pas un vrai récit fort construit autour des membres de la famille, mais propose plutôt une chronique avec des saynètes marquantes narrées de manière elliptique (la mort du frère et du père) et des moments anecdotiques (la petite sœur pleure de sa nouvelle coupe de cheveux).

La mère va donc vendre des confiseries devant un cinéma et sympathise avec la dame qui tient un étal à côté. Toshiko tient également une petite boutique : biscuits chauds en hiver et glaces en été. Chaque jour, Shinjiro (Eiji Okada) le fils du boulanger vient lui acheter quelque chose. Il est amoureux d’elle, elle n’ose pas encore se laisser séduire (elle est si jeune). Ils partagent la même chanson pour la chanson. Lors d’une kermesse, elle chante un morceau traditionnel avec sa sœur, habillées en kimino traditionnel, il entonne une chanson moderne. Ce sont deux mondes qui s’opposent, la tradition contre la modernité. Shinjiro sera un personnage excentrique et charmant que ne comprennent pas ses parents. Il invite Toshiko a un pique-nique, prépare un pâté à la forme étrange qu’il appelle Picasso mais la jeune femme vient, à son grand dam, avec Chako et Tetsuo. Elle n’avait pas compris qu’il s’agissait d’un rendez-vous galant. Plus tard, elle essaye une robe de mariée kimono, pour rendre service à sa tante ce qui désespère le jeune homme persuadé qu’elle va se marier avec un autre.

Cette structure qui alterne les courts moments très dramatiques avec les plus longues scènes de la vie quotidienne crée une rythmique forte qui rend le film passionnant, touchant et drôle de bout en bout. C’est cette vie quotidienne constituée d’éléments neutres qui fournit la charpente du scénario. Okasan La Mère est un film d’une grande cruauté pour ses personnages : mort du frère et du père, Chako ira vivre chez son oncle, Masako, la mère ne se voit même pas proposer le mariage par Kimura, le collègue de feu son époux. C’est justement le caractère elliptique des transitions qui permet de supporter tous ces malheurs. Ainsi la mort du frère est annoncée dans une scène très brève où une voisine rencontre Toshiko et lui demande si elle va fleurir la tombe de Susumo. La violence de l’échange, la pudeur avec lequel il est mis en scène et le fait que Mikio Naruse emmène immédiatement son film vers autre chose, crée une forte émotion. Le film est formellement d’une grande beauté, plein de surprises narratives (un carton « FIN » au beau milieu du film) et souvent très drôle grâce au fils du boulanger et au petit Tetsuo. Tourné entre le génial Le Repas et l’admirable L’Eclair, Okasan La Mère a tout du chef d’œuvre à redécouvrir.

Okasan La Mère (おかあさん, Japon, 1952) Un film de Mikio Naruse avec Kinuyo Tanaka, Kyôko Kagawa, Eiji Okada, Akihiko Katayama, Daisuke Katô, Yônosuke Toba, Masao Mishima, Chieko Nakakita, Atsuko Ichinomiya, Noriko Honma, Sadako Sawamura.

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