Au-delà
du sang est le premier long-métrage de Guillaume Tauveron, jeune photographe
basé à Tokyo et déjà auteur d’une douzaine de courts-métrages. Son film qui
sort ce mercredi 30 octobre en France a la bonne idée de ramasser son récit sur
82 minutes (générique compris). Tout se déroule en une seule nuit dans un Tokyo
pratiquement déserté de ses habitants, éclairé par des néons lugubres. Le
voyage à travers la nuit de Shinji (Takahiro Ono) commence après être rentré de
son boulot.
Il reçoit un étrange sms sur son portable qui
lui donne un rendez-vous dans un bar. On lui révélera qui a tué, un an
auparavant, son épouse Akemi (Omocha Chiba) à qui il pense. Le film est
régulièrement ponctué de flashbacks où le passé de Shinji, puis des autres
personnages, est raconté. Ces retours en arrière sont filmés avec une lumière
blanche qui contraste radicalement avec l’atmosphère sombre et nocturne du
récit au présent.
On se croit d’abord lancé dans un film de
fantômes puisque c’est Akemi qui donne des pistes pour retrouver son propre
meurtrier. Elle apparait comme dans un épisode de Ring, visage verdâtre et cheveux longs qui retombent sur son
visage. Elle donne un nom à un Shinji éberlué par ce qu’il est en train de
vivre. Il va devoir trouver Takeshi (Hiroei Ishihara), l’un de ses amis
qu’Akemi désigne comme son bourreau. Le périple de Shinji va l’emmener à
rencontrer quelques personnes qui sont, tout autant que lui, des solitaires
désespérés.
Pour se venger, Shinji décide d’acheter un
revolver. Il va en trouver un auprès d’un yakuza (Keisaku Kimura), patron d’une
boite de strip-tease. Sa chemise rouge vif, ses cheveux gominés et sa gueule de
méchant en font un yakuza idéal. Il est entouré de quelques hommes de main bien
plus jeunes que lui qui retiennent une jeune femme en uniforme de lycéenne.
Elle voulait s’échapper et Shinji va l’aider en tirant un coup de révolver dans
la jambe du yakuza.
Le duo doit fuir, à pieds, dans les rues
désertes. Ils rencontrent une femme Izumi (Miwako Izumi), tombée de vélo. Elle
les invite chez eux. Ils discutent longuement malgré la fatigue. Elle se trouve
de nombreux points communs avec Shinji. Ils partagent la même solitude, ils
sont hantés par les fantômes de leur passé, ils pourraient tous les trois
recommencer leurs vies, fonder une nouvelle famille, quitter la ville. Shinji
souhaite poursuivre sa vengeance. Elle ne va pas le laisser quitter son
appartement.
Le film repose sur des archétypes que l’on
connait tous. Shinji est un salaryman qui ne quittera jamais sa cravate. Il
agit froidement dans sa quête de vengeance comme s’il travaillait. Le yakuza
plus cruel que jamais qui clame son charisme à ses sbires. La lycéenne que le
yakuza retenait prisonnière pour en faire une strip-teaseuse. Et enfin la femme
quadragénaire, seule dans son petit appartement qui subit tout le poids de la
société japonaise. Ces personnages, le film les triture, cherche à en retourner
les clichés et leur fait passer des épreuves.
Au-delà
du sang fonctionne comme un thriller sous hypnose où les personnages subissent
les événements qui leur tombent dessus sans qu’ils ne puissent choisir leur
destin. On sent partout l’envie du cinéaste de se souvenir de certains pans du
cinéma japonais avec respect (la chanson du vieux Shimura dans Vivre d’Akira Kurosawa) ou amusement
(le clin d’œil à Kitano dans le dialogue entre Shinji et Takeshi, ce dernier
appelant le premier « haniki »), ces souvenirs fonctionnant comme
autant de fantômes. Finalement, Au-delà
du sang est peut-être bien un film de fantômes.
Au-delà du sang (France – Japon, 2013) Un film
de Guillaume Tauveron avec Takahiro Ono, Mari Yoshida, Omocha Chiba, Keisaku
Kimura, Miwako Izumi, Hiroei Ishihara, Ryu, Yasunari Kondo, Takashi Kokubu, Masato
Yamaguchi, Takuya Omoto, Kazuki Yamamoto.
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