mardi 29 octobre 2013

Au-delà du sang


Au-delà du sang est le premier long-métrage de Guillaume Tauveron, jeune photographe basé à Tokyo et déjà auteur d’une douzaine de courts-métrages. Son film qui sort ce mercredi 30 octobre en France a la bonne idée de ramasser son récit sur 82 minutes (générique compris). Tout se déroule en une seule nuit dans un Tokyo pratiquement déserté de ses habitants, éclairé par des néons lugubres. Le voyage à travers la nuit de Shinji (Takahiro Ono) commence après être rentré de son boulot.

Il reçoit un étrange sms sur son portable qui lui donne un rendez-vous dans un bar. On lui révélera qui a tué, un an auparavant, son épouse Akemi (Omocha Chiba) à qui il pense. Le film est régulièrement ponctué de flashbacks où le passé de Shinji, puis des autres personnages, est raconté. Ces retours en arrière sont filmés avec une lumière blanche qui contraste radicalement avec l’atmosphère sombre et nocturne du récit au présent.

On se croit d’abord lancé dans un film de fantômes puisque c’est Akemi qui donne des pistes pour retrouver son propre meurtrier. Elle apparait comme dans un épisode de Ring, visage verdâtre et cheveux longs qui retombent sur son visage. Elle donne un nom à un Shinji éberlué par ce qu’il est en train de vivre. Il va devoir trouver Takeshi (Hiroei Ishihara), l’un de ses amis qu’Akemi désigne comme son bourreau. Le périple de Shinji va l’emmener à rencontrer quelques personnes qui sont, tout autant que lui, des solitaires désespérés.

Pour se venger, Shinji décide d’acheter un revolver. Il va en trouver un auprès d’un yakuza (Keisaku Kimura), patron d’une boite de strip-tease. Sa chemise rouge vif, ses cheveux gominés et sa gueule de méchant en font un yakuza idéal. Il est entouré de quelques hommes de main bien plus jeunes que lui qui retiennent une jeune femme en uniforme de lycéenne. Elle voulait s’échapper et Shinji va l’aider en tirant un coup de révolver dans la jambe du yakuza.

Le duo doit fuir, à pieds, dans les rues désertes. Ils rencontrent une femme Izumi (Miwako Izumi), tombée de vélo. Elle les invite chez eux. Ils discutent longuement malgré la fatigue. Elle se trouve de nombreux points communs avec Shinji. Ils partagent la même solitude, ils sont hantés par les fantômes de leur passé, ils pourraient tous les trois recommencer leurs vies, fonder une nouvelle famille, quitter la ville. Shinji souhaite poursuivre sa vengeance. Elle ne va pas le laisser quitter son appartement.

Le film repose sur des archétypes que l’on connait tous. Shinji est un salaryman qui ne quittera jamais sa cravate. Il agit froidement dans sa quête de vengeance comme s’il travaillait. Le yakuza plus cruel que jamais qui clame son charisme à ses sbires. La lycéenne que le yakuza retenait prisonnière pour en faire une strip-teaseuse. Et enfin la femme quadragénaire, seule dans son petit appartement qui subit tout le poids de la société japonaise. Ces personnages, le film les triture, cherche à en retourner les clichés et leur fait passer des épreuves.

Au-delà du sang fonctionne comme un thriller sous hypnose où les personnages subissent les événements qui leur tombent dessus sans qu’ils ne puissent choisir leur destin. On sent partout l’envie du cinéaste de se souvenir de certains pans du cinéma japonais avec respect (la chanson du vieux Shimura dans Vivre d’Akira Kurosawa) ou amusement (le clin d’œil à Kitano dans le dialogue entre Shinji et Takeshi, ce dernier appelant le premier « haniki »), ces souvenirs fonctionnant comme autant de fantômes. Finalement, Au-delà du sang est peut-être bien un film de fantômes.

Au-delà du sang (France – Japon, 2013) Un film de Guillaume Tauveron avec Takahiro Ono, Mari Yoshida, Omocha Chiba, Keisaku Kimura, Miwako Izumi, Hiroei Ishihara, Ryu, Yasunari Kondo, Takashi Kokubu, Masato Yamaguchi, Takuya Omoto, Kazuki Yamamoto.

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