C’est le grand retour du duo Sammi Cheng et Andy Lau sous la
caméra de Johnnie To et Wai Ka-fai (ici uniquement scénariste). Après la
timidité maladive dans Needing you,
l’obésité dans Love on a diet
et la leucémie dans Yesterday
once more, le quatuor explore dans Blind
detective la cécité accidentelle de
son personnage masculin principal, Johnston incarné par Andy Lau. Ancien
policier, il a perdu la vue quatre ans auparavant lors d’une enquête. Depuis,
il est chasseur de primes, tentant d’arrêter, avant la police, des personnes
criminelles recherchées.
Le film commence ainsi, par une filature de Johnston dans la rue.
Il a développé son odorat et suit un homme qui attaque la population à l’acide
chlorhydrique. De loin, son ancien partenaire, Szeto Fatbo (Guo Tao) surveille
l’affaire. Il a envoyé Ho (Sammi Cheng), une femme policier, acheter de quoi
manger pendant la planque mais quand Szeto aperçoit Johnston dans la rue, il la
charge de le suivre. Elle va se retrouver avec le chasseur de primes en haut
d’un immeuble en train d’empêcher l’attentat d’être commis.
Le film est basé sur leurs relations de travail et n’envisage pas,
dans presque toute sa durée, de romance entre Ho et Johnston. Elle l’engage
parce qu’elle a entendu parler de lui et qu’elle admire ses résultats. Ho
cherche à savoir ce qu’est devenue Minnie, une adolescente qu’elle voyait
souvent devant chez elle et qui a disparu du jour au lendemain. Johnston
accepte cette affaire en lui faisant passer des tests : elle pourra courir
pour poursuivre suspects récalcitrants, elle lui servira de guide en étant ses
yeux.
Les méthodes d’investigation de Johnston sont peu orthodoxes, Ho
va vite se rendre compte de ses excentricités qui sont autant de gags
burlesques. Il ne réfléchit qu’en mangeant fréquentant autant de restaurants qu’il
y a d’avancées dans l’enquête qu’il mène. Quand il consulte dossiers que lui
confie son ancien partenaire, le premier suspect interrogé se trouve toujours à
côté d’un bon restaurant. Il a une passion pour les tripes qu’il mange avec un
plaisir sans fin, se léchant les babines avec un grand sourire. Il parle très
fort, s’énerve souvent et se montre inflexible dans ses directives.
Johnston initie Ho à ses curieuses reconstitutions des scènes de
crime. Il joue tout ce qui a pu se passer, laissant libre court à son
imagination débridée. Wai Ka-fai, scénariste ne se prive pas pour faire de ses
reconstituions macabres des moments comiques irrésistibles. Pour le détective
aveugle, il s’agit de mettre en scène les meurtres. Il connait le début et la
fin des situations entre la victime et le suspect, Johnston se charge de
recréer le milieu. Chacun prenant un rôle, recevant des coups de marteau sur la
tête, étranglant un cou. Les personnages du passé se mettent à discuter avec Ho
et Johnston dans des flashbacks imaginaires.
Seulement voilà, Ho est suffisamment maline pour comprendre que le
détective aveugle ne l’aide pas vraiment dans la recherche de Minnie. En effet,
il profite des yeux et des jambes de la policière pour travailler quelques cas
irrésolus (immense second rôle de Lam Suet en joueur dans un casino de Macao
que Ho tente d’énerver pour lui tendre un piège mais qui kidnappe Johnston). Chaque
fois, Johnston ment allégrement en affirmant que l’enquête en cours a un
rapport avec celle de Minnie. Il devra se résoudre à aider Ho.
Les deux protagonistes de Blind
detective ont surtout à réconcilier avec leur passé. Ho cherche à retrouver
Minnie qui a disparu en 1997. Elle culpabilise de n’avoir pas répondu à son
appel tandis qu’elle était dans la rue en train de se taillader le bras.
Johnston cherche à rentrer en contact avec Ding-ding (Gao Yuan-yuan) qu’il
aimait avant de devenir aveugle, une jeune et belle professeur de danse qu’il
regardait avec Szeto quand il faisait une pause pour manger des tripes. Il cherche
à rattraper un passé qui se trouvera être une impasse pour lui.
C’est peu de dire que ce nouveau film de Johnnie To est un plaisir
de spectateur, que le scénario de Wai Ka-fai et Yau Nai-hoi amène son lot de
rebondissements, d’action, et d’humour liant chaque récit du passé avec la
situation actuelle de Ho et Johnston. Il est plus accompli que Mad detective,
auquel on pense souvent, tout en étant aussi foutraque. Blind detective n’est pas sans défaut et se force un peu à créer
une histoire d’amour entre Ho et Johnston dans la toute dernière partie du
film, mais en ces temps de disette dans le cinéma de Hong Kong, il est
tellement rare de voir un film aussi maîtrisé qu’il serait inconvenant de faire
la fine bouche.
Blind detective (盲探, Hong
Kong, 2013) Un film de Johnnie To avec Andy Lau, Sammi Cheng, Guo Tao, Gao
Yuan-yuan, Lo Hoi-pang, Bonnie Wong, Lam Suet, Patrick Keung, Zi Yi, Lang
Yue-ting, Eileen Yeow.
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