Et de trois. Après le très raté Dernier rempart de Kim Jee-won, après
le peu convaincant Stoker de Park
Chan-wook, dire que l’on attend avec crainte le nouveau film de Bong Joon-ho
est un euphémisme. Comment le meilleur cinéaste de la décennie précédente qui
n’a rien tourné depuis Mother en
2009 allait-il résister au rouleau compresseur de la super-production
internationale ? Qui plus est avec un casting et une équipe aussi
hétéroclites, Chris « Captain America » en tête, tournage en
République tchèque. Et en plus adapté d’une bande dessinée française des années
1980 un peu oubliée.
Le concept de Snowpiercer est simple. En 2031, notre planète n’est plus qu’une
immense banquise à cause du dérèglement climatique et de la bêtise des hommes.
Un train traverse à grande vitesse le globe, sans jamais s’arrêter. En tête du
train, la première classe, en queue de train la troisième classe. C’est
justement dans ce bout de train que le film démarre. Bong Joon-ho décrit les
conditions misérables de la vie des passagers, comparables à celles de
prisonniers, et lance immédiatement les enjeux. Une rébellion est en marche
pour atteindre la tête du train.
Tous les passagers sont des survivants du
cataclysme météorologique mais l’inégalité règne. Dans cette queue de train,
les gens sont comptés comme des bêtes, habillés de haillons et ne mangent que
des barres de protéines noires que des soldats leur apportent dans un grand
charriot métallique. Ils sont entassés depuis 17 ans, depuis le démarrage du
train. Ils vivent les uns sur les autres. Certains sont nés là, n’ont jamais pu
poser un pied sur la terre et ils n’ont jamais vu le soleil. L’absence de
lumière dans ces wagons donne une telle atmosphère lugubre magnifiée par la
lumière du chef opérateur.
La première tâche de couleur dans toute cette
grisaille vient de la veste orange d’une femme issue des premières classes.
Elle vient chercher deux enfants sans donner d’explication. Elle a tous les
droits, elle est de la race supérieure. Et de toute façon, elle est entourée de
soldats armés. Devant ce kidnapping, Gilliam (John Hurt) autorise Curtis
(Chris Evans) à lancer la révolte. Première étape : trouver Nam (Song
Hang-ko), l’ingénieur du train qui permettra d’ouvrir toutes les portes et de
pénétrer dans les wagons. Il accepte sous condition : recevoir à chaque
porte ouverte une dose de kronol, une drogue synthétique.
Là faut-il probablement arrêter de raconter
quoi que ce soit du scénario foisonnant de Snowpiercer,
histoire de ne pas gâcher le plaisir simple du spectateur. Le film de Bong Joon-ho,
tout comme The Host, ne se contente
pas d’être un film spectaculaire aux scènes d’action entre les rebelles et les
soldats superbement chorégraphiées mais il est aussi une réflexion profonde sur
la condition humaine. La classe dominante a recréé dans ce train une nouvelle
forme de société où Wilford (Ed Harris), le créateur du train est considéré
comme un Dieu vivant.
Tout comme dans ses précédents films, l’humour
est constamment présent dans Snowpiercer.
Tilda Swinton incarne le porte-parole fanatique et lâche de Wilford. Avec ses
lunettes rondes, son dentier, elle débite tout un discours sur la chance qu’ont
les habitants de la dernière classe d’avoir été sauvés, que chaque homme doit
rester à sa place et que les chefs doivent gouverner et les autres obéir. Son
personnage fait rire tout en étant absolument terrifiant. Snowpiercer se transforme alors en film d’horreur pure. Les
changements de ton créent un rythme frénétique, alternant moments de calme et
action.
Après un tiers du film passé dans la queue du
train, le soleil fait enfin son apparition pour les rebelles. Ils découvrent le
monde qu’on leur a interdit. Ils voient le monde sous la neige. Ce monde
artificiel recréé de toutes pièces semble changer de décennie suivant les
wagons. D’abord, les années 1950 dans les restaurants et l’école où les chères
têtes blondes apprennent à vénérer Wilford pour s’achever dans un monde futuriste
qui semble vidé de toute substance. La grande richesse du film supprime toutes
les craintes que j’avais plus haut. Snowpiercer
est un très grand film.
Snowpiercer – Le Transperceneige (Snowpiercer,
Corée – Etats-Unis – France, 2013) Un film de Bong Joon-ho avec Chris Evans, Ed
Harris, Jamie Bell, Alison Pill, Tilda Swinton, John Hurt, Octavia Spencer,
Ewen Bremner, Luke Pasqualino, Song Kang-ho, Steve Park, Clark Middleton, Kenny
Doughty, Adnan Haskovic, Tómas Lemarquis.
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