Pour
son retour à la mise en scène de Zatoichi, Kenji Misumi encombre les bras de
son héros d’un nourrisson. On ne peut pas, rétrospectivement, s’empêcher de
penser à la série des Baby Cart que Kenji Misumi entamera huit ans plus tard en
regardant ce Voyage meurtrier.
Zatoichi est lui aussi un loup solitaire poursuivi par une meute de mercenaires
qui en veulent à sa peau. Sauf que le ton de cette huitième aventure du masseur
aveugle est plutôt joyeux et fonctionne sur le mode du road movie.
Si
Zatoichi a un bébé avec lui, c’est à cause d’un concours de circonstance. Il se
cache de ces cinq mercenaires qui cherchent à le tuer. C’est d’abord grâce à
une procession d’aveugles qui le protègent qu’il leur échappe. Puis, il se fait
transporter dans un palanquin. Sur le chemin, une femme portant un bébé
trébuche de fatigue. Il lui cède la place mais les mercenaires, ayant vu
Zatoichi se glisser dans la chaise à porteur, transpercent de leurs sabres le
palanquin. La mère meurt. Le bébé est désormais seul au monde.
Si
ce début de scénario est plutôt triste, le voyage de quelques jours que va engager
Zatoichi pour emmener le bébé à son père sera plus léger. Kenji Misumi s’amuse
d’abord de l’incongruité à mettre son personnage dans cette situation :
comment nourrir le bambin, comment changer ses couches, comment échapper aux pleurs
du nourrisson ? Pour les langes que Zatoichi jette au fur et à mesure des
besoins du petit, il a une belle solution : il dépouille les épouvantails
de leur chemise, les déchire et en fait des couches.
C’est
justement au bord d’un champ qu’il fait la connaissance d’une femme (Ikuko
Môri), personne de mauvaise vie, voleuse et sans doute prostituée, qu’il
retrouve au village voisin en train de dérober un samouraï. Zatoichi décide de
l’engager pour servir de nourrice. Ce trio cocasse traverse la campagne et les
villes telle une nouvelle famille. La nourrice se rêve alors en mère de famille
et, pourquoi pas, en épouse de Zatoichi. Elle lui fait d’ailleurs cette
proposition de garder le bébé et de vivre ensemble.
Le
film développe quelques moments comiques entre la nourrice et Zatoichi,
notamment lors de leur première nuit ensemble dans la même chambre. Elle croit
avoir été engagée pour donner su plaisir. Elle comprendra qu’elle doit
s’occuper du bébé, Zatoichi souhaite seulement passer une nuit de calme. Au fil
du trajet, elle se vexera que le masseur repasse toujours derrière elle pour
chacune des taches accomplies. Des disputes de couple finalement bien
ordinaires pour ce solitaire de Zatoichi.
Pendant
ce temps, les mercenaires tentent de poursuivre le masseur. Il passe un accord
de dupes avec eux : ils pourront s’occuper de lui quand il aura rendu
l’enfant à son père. Comme on connait les habitudes de Zatoichi, on sait que
peu survivront à l’habileté de son maniement d’arme. La scène finale de Voyage meurtrier est plus convenue que
le reste du film, même si elle parvient à émouvoir partiellement par sa
mélancolie. Le destin de Zatoichi ne change pas, il doit continuer à vivre seul
et à éviter ceux qui veulent sa peau.
La
Légende de Zatoichi : Voyage meurtrier (座頭市血笑旅, Japon, 1964)
Un film de Kenji Misumi avec Shintarô Katsu, Nobuo Kaneko, Gen Kimura, Ikuko
Môri, Shôsaku Sugiyama, Hizuru Takachiho.
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