jeudi 3 décembre 2009

La Tisseuse


Le travail dans toute son horreur néo-libérale à la chinoise est décrit dans le plan séquence inaugural de La Tisseuse. Lily (Yu Nan) se voit reprocher d’avoir manger sur son poste de travail. Elle proteste parce qu’on va lui décompter cette pause déjeuner sur son salaire. Sa camarade de labeur, joviale et espiègle, a subi le même sort. Elles savent qu’elles peuvent se faire virer du jour au lendemain. Elles pensent également que l’usine de tissage va sans doute bientôt fermer.


Lily est mariée à Guang (Tao Guo) et, ensemble, ils ont un jeune garçon, Bing-bing, qui prend des leçons de piano. Il n’est pas très doué mais il faut espérer une carrière artistique plutôt que l’usine. Le père a été licencié de l’usine et vend des poissons dans la rue. Il n’y a pas beaucoup d’argent au foyer. Voilà pour planter le décor de cette Chine d’aujourd’hui grise au sens propre (les époux ne s’aiment même pas, ils survivent, ils vivotent) comme au sens figuré (l’image est volontairement sinistre, avec notamment la centrale nucléaire qui crache sa fumée).


Mais tout va aller de mal en pis. Lily saigne du nez au travail et s’évanouit. Le médecin de l’hôpital lui dit qu’elle souffre d’anémie. Mais, une fois qu’elle est sortie du bureau, il annonce au mari qu’elle a un cancer du sang. Les deux hommes pensent qu’il vaut mieux la préserver de cette information. Elle n’en a plus que pour quelques mois. La chimiothérapie coûte extrêmement cher. Et une greffe de moelle, plus encore. Mais Lily entend tout. Elle sait qu’elle va bientôt mourir. Mais elle ne dira à personne, ni à son mari, ni à son amie qu’elle est malade. On nage en plein drame.


Lily va vouloir se suicider. Mais son amie lui suggère plutôt d’aller danser à la discothèque du coin, le Phénix. Belles scènes de danse où les messieurs donnent 10 yuans aux dames assises en rang d’oignon au fond de la salle. Wang Quanan offre quelques moments de comédie au milieu de son drame. Puis, Lily va rechercher son amour de jeunesse, d’avant la vie épuisante de famille. Elle file à Pékin, va au bord de la mer, se fait photographier par deux touristes coréens. Elle n’a plus de futur, elle se réfugie provisoirement dans le passé.


La Tisseuse avec ses moyens très simples parvient à tirer l’émotion sans mièvrerie. Pas de musique si ce n’est intra-diégétique, une caméra la plupart du temps fixe. Pour ne pas surcharger le sentimentalisme, le personnage de l’enfant disparait de la fiction. Il n’y a donc pas de chantage à l’émotion. Le cinéaste tient son récit alternant le désespoir le plus total avec les moments d’euphorie.


La Tisseuse (Wieving girl, 纺织姑娘, Chine, 2009) Un film de Wang Quanan avec Yu Nan, Tao Guo.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ce merveilleux film sort au cinéma, en Fance, le 24 février prochain...
Pour plus d'infos: www.prettypictures.fr