4 : 30 commence par une chansonnette et donne tout de suite l'explication de son titre. Il s'agit tout simplement de l'heure à laquelle se lève chaque nuit le petit Xiao Wu (Yuan Xiao Li). Si Xiao Wu se lève si tôt, ça n'est pas pour faire ses devoirs, aller travailler ou pour quelque raison plus sombre encore. C'est pour observer un homme qui dort en caleçon dans la chambre à côté de la sienne. Xiao Wu rentre dans la chambre, vérifie que l'homme dort bien, le prend en photo avec un téléphone. Ou encore, il coupe une mèche de ses cheveux, un bout de sa barbe et un poil pubien. Ce rite, se lever à 4 h 30, Xiao Wu semble l'accomplir tous les jours entre le 15 et le 20 décembre, puisque 4 : 30 se passe durant ces six jours.
On ne sait rien de cet homme pendant un bon moment dans le film. On remarque qu'ils ne se parlent pas. L'homme fume ses cigarettes, il part le soir en costume et revient au milieu de la nuit pour s'écrouler complètement soûl. Royston Tan donnera petit à petit des indices. L'homme est un Coréen. Apparemment c'est le père du gamin. D'ailleurs la mère est absente. On ne l'entendra qu'au cours de brèves conversations téléphoniques avec Xiao Wu. Elle travaille à Pékin. Logiquement, on peut en déduire qu'elle a rencontré cet homme en Corée et qu'elle en est tombée enceinte. Mais la raison de sa venue à Singapour reste un mystère.
Xiao Wu est un écolier et chaque matin, il accomplit un autre rite. Sur son chemin, il croise un groupe de gens qui font du taï chi au son d'une musique chinoise. Le gamin prend un malin plaisir à les enquiquiner. Le premier jour, il coupe la musique du poste. Le deuxième il réussit à mettre du hard rock. Mais les adeptes du taï chi ne se laisseront plus faire. Et plus tard, Xiao Wu ne les croisera plus à cause de travaux sur la chaussée. Royston Tan filme ses affrontements muets en simples champs contrechamps. Ces gentilles bêtises deviennent gags tant que Xiao Wu peut encore être un garçon heureux. Leur disparition entraîne le gamin vers un sort moins chanceux.
L'école, par exemple, est le lieu de souffrance du gamin. On ne voit d'ailleurs jamais ses professeurs qui s'expriment en anglais et qui le briment. Xiao Wu devait faire un devoir sur son héros préféré, en l'occurrence son père, mais le texte est trop court et sa prof le punit pour ça. Ou encore quand les enfants doivent dessiner leurs rêves et que le dessin de Xiao Wu n'est que grisaille. Ses camarades ne sont pas plus sympathiques que les enseignants. C'est finalement la terre entière qui en veut à Xiao Wu. Et pourtant lui ne cherche qu'à s'exprimer et à faire comprendre sa mélancolie.
C'est peut-être là où 4 : 30 devient précieux, dans cette volonté de rentrer dans la tête d'un gamin qui vit dans un monde uniformisé. Xiao Wu est abandonné par ses parents, d'abord sur le plan affectif, puis sur le plan matériel. Le père coréen n'a rien à lui offrir. Ni argent pour payer la nourriture, ni paroles tendres à offrir en gage d'affection d'autant qu'il ne parle ni anglais ni mandarin. Le père ne pense qu'à se suicider, à fuir, à boire. Xiao Wu fait tout pour se faire remarquer. Il peut être attentionné en préparant du jus d'orange pour le papa, comme faire les pires bêtises telles que pisser dans la baignoire pendant que le père prend son bain. En vain.
Ceux qui avaient pu voir 15, précédent et premier film de Royston Tan, gardent en mémoire ces adolescents en marge, habités par la violence, souvent filmés à moitié nus. Certaines scènes étaient de la pure provocation, telles les scarifications que l'on pouvait dès le premier quart d'heure. Royston Tan lançait un pavé dans la mare. On ne doute pas des ennuis qu'il a dû avoir à Singapour, ni des ennemis qu'il a pu se faire dans un pays qui cherche à tout prix à donner une image lisse de lui-même. Les admirateurs inconditionnels de 15 risquent de moins aimer 4 : 30. Les provocations faciles mais réelles font place à mise en scène plus fluide composée essentiellement de plans fixes assez longs sur une musique douce. Finies les images épileptiques et rock'n roll. Contrairement à 15, il réussit avec son nouveau film à ne pas lasser son spectateur, à trouver les moyens pour rendre le destin de Xiao Wu poignant.
4 : 30 (Singapour, 2005) Un film de Royston Tan avec Kim Young-jun, Yuan Xiao Li.
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