Le Poison et l'épée date de l'époque de la vague du nouveau film d'arts martiaux lancée par Tsui Hark avec les Histoires de fantômes chinois puis ses Il était une fois en Chine. Produit par Raymond Chow (Golden Harvest) et Johnny Mak (le créateur de Sex & zen), la réalisation de Le Poison et l'épée a été confiée à Poon Man-kit. Le film commence pourtant de manière radicalement différente des autres wu xia pian de cette période. Poon filme caméra à l'épaule un mariage, l'image est assez sombre, la mise en scène se veut réaliste, au cœur de l'action, comme le fera quelques mois plus tard Tsui Hark avec The Blade. C'est une séquence dramatique, car lors de ce mariage tout le monde est massacré sauf une mère et son nourrisson. Mais Poon Man-kit a la bonne idée de ne pas montrer le massacre, uniquement son résultat. Quant au reste du film, le récit subira les conséquences de cet acte fondateur, ce bébé sera vingt ans plus tard l'un des trois personnages principaux.
Vingt ans plus tard donc, on suit le parcours de Wu Fei (qui explique tous les sens de son nom) interprété par un Leon Lai aux cheveux longs et au sourire ravageur. Avec son Oncle Ping, il va livrer des briques chez Ling (Michelle Reis – créditée ici au générique sous le nom de Michelle Lee), une experte en poison. L'affaire se déroule mal (arnaque et compagnie) et Wu et son l'oncle vont en ville où ils défendent un pauvre homme accablé par l'injustice du maître de la ville, l'ignoble Fung (Elvis Tsui qui n'était déjà pas très commode dans Sex & zen). Fung tue l'oncle et Wu s'enfuie et rencontre Yuen Ti-yi (Cheung Man), une experte épéiste. Les deux tombent amoureux l'un de l'autre et partent affronter Maître Fung qui empoisonne Yuen. Wu emmène sa belle chez Ling qui la soigne. Mais entre temps, Ling est tombée amoureuse de Wu.
Tout le reste de Le Poison et l'épée sera consacré aux rivalités entre les deux jeunes femmes pour s'accaparer le pauvre Wu qui n'arrive pas à concilier ce que son cœur lui dit (se marier avec Yuen Ti-yi) et ce que sa conscience lui dicte (accepter l'amour que lui porte Ling). Il passe constamment d'une femme à une autre suivant les événements qui se mettent au travers de leur chemin. Et pour une fois le titre français est adéquat : tous manquent de périr à cause d'un poison ou d'un coup d'épée. Leon Lai incarne un candide qui doit faire face à l'esprit tordu du personnage de Michelle Reis qui ne cesse de le manipuler mais qui craint par-dessus tout une trahison de l'homme qu'elle s'est choisie. Le personnage de Yuen Ti-yi doit affronter à la fois l'attitude de sa rivale et ses propre démons : son statut social et Maître Fung, dont elle cherche à se venger pour une raison délicate.
Le Poison et l'épée n'est pas dépourvu d'humour souvent donné sur le mode burlesque (grimaces, déguisement, cascades) ou grotesque (le fils de Maître Fung a des rapports avec son tyran de père bien étranges). Le film de Poon Man-kit est dans le plus pur style des wu xia pian de la Golden Harvest du début des années 1990. On pense souvent à L'Auberge du Dragon de Raymond Lee ou au Temple du Lotus Rouge de Ringo Lam : les décors naturels (désert, rocailles) donnent un ton brut au film. Les chorégraphies des combats ont aussi l'empreinte Golden Harvest : travellings rapides sur les sabres, longue focale, montage cut extrêmement rapide, contre plongées. Tout cela n'en fait pas un film inoubliable, mais reste très représentatif du cinéma d'arts martiaux de qualité.
Le Poison et l’épée (The Sword of many lovers, 飛狐外傳, Hong Kong, 1993) Un film de Poon Man-kit avec Leon Lai, Cheung Man, Michelle Reis, Elvis Tsui, Kingdom Yuen.
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