Cinquième
film sur Ip Man, sorti près de trois mois après The
Grandmaster de Wong Kar-wai, Ip Man,
the final fight suit les années du maître des arts martiaux à Hong Kong où
il débarque seul et sans le sou en 1950. Herman Yau avait évoqué la jeunesse du
personnage dans La Légende est née, Ip
Man avec Dennis To dans le rôle titre. C’est désormais Anthony Wong qui
incarne Ip Man à la fin de sa vie. Il mène un train de vie modeste dans un
petit appartement où il vit avec son fils Chun. En ouverture du film, Chun signale
qu’un de ses anciens disciples (dont le nom n’est pas prononcé mais on a
reconnu Bruce Lee), fait une démonstration de Wing Chun à la télé. Ip Man
continuera d’arroser ses plantes sur le balcon, ne détournera pas la tête. Le
film commence donc en 1971 et le fils, en voix off dans un long flashback,
devient narrateur de la vie de son père.
Exilé,
il doit trouver un logement. Il lui sera fourni par Leung Sheung (Timmy Hung,
le fils de Sammo) qui, décide de devenir son disciple. Il sera accepté après un
superbe combat dans le salon entre les deux hommes. Ip Man pose un journal sur
le sol et se place dessus. Si Leung Sheung peut déloger Ip Man, il deviendra
son élève. Le combat est très simple, corps à corps entre les deux hommes,
échanges de coups de bras filmés sans esbroufe par Herman Yau. Ip Ma, the final fight ne cherche pas à
chorégraphier à outrance, contrairement aux films de Wilson Yip et de Wong
Kar-wai. Anthony Wong a son âge (52 ans au moment du tournage) et il serait
ridicule de le voir sauter sur des tables ou des rondins de bois pour affronter
ses adversaires. L’objectif est de rendre son parcours le plus réaliste
possible et d’effacer l’héroïsme et le romantisme.
Il
devient donc un simple professeur d’arts martiaux, installé sur le toit de l’immeuble.
Ses élèves viennent de différents milieux et ont diverses raisons d’apprendre
le Wing Chun. Jordan Chan est Tang Sing, un modeste policier qui espère monter
en grade sans se corrompre. Gillian Chung est Chan Sei-mui qui épousera Wong
Tung (Chow Ting-yu), qui fera des combats de boxe clandestins pour gagner de
l’argent. Jiang Luxia est Lee King. Tous ont des problèmes qu’ils tentent de
résoudre avec les leçons du maître. Mais parfois, leur impulsivité et leur
manque de discipline les font détourner de la vision strictement défensive
qu’Ip Man a des arts martiaux. Ils les grondent comme des enfants quand ils se
battent après avoir perdu aux jeux de hasard. Le film décrit avec détails la
vie à Hong Kong dans les années 1950, la pauvreté, la précarité et la répression
d’une grève par les Britanniques.
Les
soucis d’Ip Man ne sont pas oubliés. Il a laissé son épouse Wing Sing (Anita
Yuen) et son fils en Chine. Elle pourra faire un séjour à Hong Kong puis
retournera en Chine chercher leur fils. Jamais Ip Man n’aura l’occasion de
revoir sa femme. Mais jamais il ne s’énervera, ne se plaindra de son sort,
montrant bien la différence avec ses disciples toujours à râler. La grande
compassion du maître sera mise en avant par ses rapports avec Miss Jenny (Zhou Chouchou),
une chanteuse de cabaret, toujours vêtue de superbes robes colorées. Il se
prend de sympathie pour cette femme que tous ses élèves méprisent compte tenu
de sa profession. La tension et la rancœur sont palpables lors d’un repas
d’anniversaire où personne n’adresse la parole à Jenny. Personne ne semble
avoir retenu les leçons prodiguées par Ip Man.
Il
faut également évoquer les adversaires d’Ip Man. L’un est son alter ego. Eric
Tsang incarne Ng Chung, un maître d’une école concurrente d’arts martiaux. Dix
ans après Infernal
affairs, il est amusant de retrouver le duo d’acteurs et de les voir
combattre comme s’ils étaient de jeunes gens. C’est aussi plaisant de revoir
Hung Yan-yan dans un rôle de méchant balafré. Il est Dragon, le chef d’un
quartier où toutes les lois sont bafouées, où la police ne rentre pas et où les
combats de boxe illégaux sont organisés. Il tente, avec l’aide de Tang Sing,
désormais passé dans le camp des policiers corrompus, de truquer une parade du
dragon en faisant affronter son bras droit (Ken Lo) et Ng Chung. Ce dernier
recevra le soutien d’Ip Man malgré leurs différents.
Ce
qui plait et séduit le plus dans Ip Man,
the final fight est la modestie du projet. La volonté d’Herman Yau, de sa
scénariste Erica Li et des chorégraphes des combats Li Chung-chi et Sin
Kwok-lam (le premier a commencé avec Jackie Chan, le second a travaillé sur La Légende est née, Ip Man et Qiu
Jin, la guerrière) est de ne jamais séparer les moments de bravoure du
quotidien des personnages. Inutile de préciser que les acteurs sont tous
magnifiques. Malgré un aspect un peu théâtral, le film gagne ainsi en équilibre
et en cohérence, laissant de côté les écueils vus dans les autres Ip Man, le
nationalisme rance chez Wilson Yip et l’esthétisation à outrance chez Wong
Kar-wai. Herman Yau décrit une personnalité débarrassée de la légende pour mieux
réécrire la légende. C’est un tour de force de cinéma.
Ip
Man, the final fight (葉問-終極一戰, Hong Kong, 2013) Un film d’Herman Yau avec
Anthony Wong, Anita Yuen, Eric Tsang, Gillian Chung, Jordan Chan, Jiang Lu-xia,
Timmy Hung, Zhou Dingyu, Rose Chan, Hung Yan-yan, Liu Kai-chi, Ken Lo, Wong
Cho-lam, Yip Chun, Kevin Cheng.
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