mardi 1 janvier 2008

Triangle


Tsui Hark commence le récit, Ringo Lam le continue et Johnnie To le termine. Chacun a environ 30 minutes de mise en scène pour lui. Triangle est un film en cadavres exquis et non pas un film à sketchs comme on en voit parfois, les films omnibus comme on dit en anglais. Il n’y a pas de terme adéquat et agréable en français. Encore que l’idée d’un film en cadavre exquis ne soit pas non plus réelle.

Triangle fait preuve d’une cohérence scénaristique assez impressionnante quand on sait que chaque cinéaste a utilisé son propre scénariste. Il faudrait presque refaire tout un pan de l’histoire du cinéma d’action cantonais. On sait que les scénarios étaient écrits au jour le jour, que parfois les réalisateurs changeaient, surtout avec Tsui Hark à la production. Qu’on se rappelle les déboires de John Woo ou de Johnnie To sur Big heat.

La cohérence est là notamment grâce aux acteurs qui font tenir le scénario. L’autre idée est aussi de garder une unité d’action et de temps. Pour l’unité de lieu, on repassera. Du coup, les interprètes gardent pendant tout le film les mêmes vêtements. Quand un personnage est blessé dans une partie, il le reste dans une autre. Le film a une seule équipe technique et le cinéaste Soi Cheang a coordonné l’ensemble pour maintenir l’unité.

Toute l’histoire de Triangle tourne autour d’une tunique antique que trois petits malfrats veulent récupérer pour se faire de l’argent. Simon Yam, Louis Koo et Sun Hong-lei sont ces trois personnages. Pas vraiment caïds, parfois indics, légèrement tocards, ils vont faire affaire avec quelques membres des triades. Simon Yam a une femme (Kelly Lin) qui a pour amant un flic (Lam Ka-tung). Ce dernier parle souvent au téléphone avec Louis Koo, sans doute son indic.

Tsui Hark ébauche dans sa partie beaucoup de pistes scénaristiques et le récit part un peu dans tous les sens. Comme pour se parodier lui-même, il montre Kelly Lin éventuellement enceinte. A l’image de son scénario, l’image est très mobile, très fluide, qui joue sur la lumière, les alternances entre gros plans des visages et plans larges. Tsui Hark ménage son suspense sur les difficultés qu’a le trio à trouver l’antiquité. On rentre petit à petit dans la narration, Tsui Hark prenant un malin plaisir à nous mener sur de fausses pistes.

Ringo Lam ce concentre sur le couple formé entre Simon Yam et Kelly Lin. On y apprend notamment quelques éléments sur le passé de Simon Yam, sur son ancienne femme et comment elle est morte. On suit du coup aussi beaucoup l’amant de Kelly Lin, Lam Ka-tung. Les personnages se confrontent les uns les autres, se mentent, se jaugent, se sentent et tentent de s’éliminer. On avait pas eu de nouvelles de Ringo Lam depuis un bon bout de temps (depuis Looking for Mister Perfect avec Simon Yam en 2003 ?). Sa manière est pépère et tranquille digne de n’importe quel cinéaste de polar.

Du coup, le final de Triangle exécuté par Johnnie To apparaît comme un feu d’artifice. Il fait rentrer en scène Lam Suet dans un rôle de drogué aux amphétamines de toute beauté. Il y est question d’un sac plastic blanc dans lequel il y a de l’argent, ou la tunique, ou encore autre chose. Sa partie est pleine d’ironie et évoque la partie de pistolet dans Exilé. C’est tout un système d’échange des sacs plastiques que Johnnie To met en place dans un restaurant tenu par une petite vieille au milieu de la campagne. Les sacs sont échangés de nombreuses fois et la séquence est d’une grande lisibilité et surtout d’une grande drôlerie.

A vrai dire, le style des trois cinéastes ne pèse pas sur Triangle. Il s’agit surtout pour Tsui Hark, Ringo Lam et Johnnie To de s’amuser avec leurs acteurs, tous bons, de se répondre les uns les autres grâce au cinéma. C’est assez drôle de constater qu’ils ont mis autant de temps pour travailler à nouveau ensemble. Leur bonne humeur à faire resurgir les fantômes du passé est communicative.

Triangle (鐵三角, Hong Kong, 2007) Un film de Tsui Hark, Ringo Lam et Johnnie To avec Louis Koo, Simon Yam, Sun Hong-lei, Lam Ka-tung, Kelly Lin, Lam Suet, Lam To-kuen, Chan Ho-sai.

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