vendredi 4 janvier 2008

Mr. Cinema


Après l’échec relatif de McDull the alumni, Samson Chiu revient grâce à Mr. Cinema à ce qu’il réussit le mieux, la chronique sociale d’un homme sur quelques décennies. Le destin de son protagoniste modeste suit le parcours de l’Histoire de Hong Kong. Sans arriver au bonheur que procurer Golden chicken en 2002, son chef d’œuvre avec Sandra Ng, Mr. Cinema est très réussi.

Monsieur Zhou (Anthony Wong) est un homme de gauche, un communiste, un socialiste. Ce qui à Hong Kong n’est pas particulièrement à la mode en 1967 quand commence le récit du film. Ses amis ne comprennent pas cet engagement. C’est son idéal de vie. Mais son rêve est d’aller sur la Place Tien An Men, la plus belle place du monde selon lui.

Les conséquences de son communisme l’amènent à vivre différemment des autres habitants de Hong Kong. Il loge dans une maison modeste avec sa femme Ying (Teresa Mo) qui va lui donner un fils, Chong (qui sera interprété par Ronald Cheng quand il sera adulte). Zhou préfère donner au autre par bonté ou charité communiste plutôt que de penser à sa famille, ce qui ne va pas sans créer quelques problèmes.

Ainsi, Chong se sent différent des autres. Il va dans une école publique populaire, sans doute une école où les fils de communiste vont. Mais quand arrive le temps des études supérieures, tandis que ses camarades de classe partent aux Etats-Unis ou en Grande Bretagne, lui reste à Hong Kong.

Les voisins des Zhou sont très liés avec eux. Leur fille interprétée par Karen Mok part aux Etats-Unis. C’est pour Chon un crève-cœur puisqu’il est tombé amoureux d’elle. Il n’arrive pas à lui dire. Chong fait de toute façon figure de raté de la famille. Il est incapable de mener ses projets à bout. Quand la Chine Populaire se libéralise suite à la volonté capitaliste de ses dirigeants, il pense pouvoir faire fortune dans les affaires sur le Continent, mais tout échoue. Cela donne des scènes à la fois drôles (mais on rit jaune) et émouvantes (la Chine est un mirage économique).

Mr. Cinema n’arrive pas vraiment à critiquer cette Chine voisine – sans doute pour des raisons purement économiques, il faut bien vendre le film aux Chinois. Il est difficile de comprendre comment Monsieur Zhou reste communiste malgré le désastre de la Grande Révolution Culturelle Populaire, comme on disait à l’époque. Rêve au cul la Révo Cul ! Tandis que Mr. Cinema montre quelques évènements de Hong Kong (rétrocession, crise économique, crise aviaire, suppression de l’aéroport), il oublie tout bonnement d’évoquer le massacre de Tien An Men en 1989, alors que Zhou n’arrête pas d’en parler.

Cela pourrait paraître comme scandaleux si l’on ne comprenait pas le personnage qu’incarne Anthony Wong. Il vit dans sa bulle, il est totalement déconnecté du monde réel parce qu’il vit dans une utopie, dans le rêve communiste. Il n’arrive pas à comprendre son épouse, encore moins son fils. Son voisin, admirablement interprété par un John Sham qui ne cesse de râler, lui reproche constamment cet aveuglement devant l’évidence. En cela, Mr. Cinema est bien plus subtil qu’il n’y paraît.

Cette subtilité est due aussi aux acteurs tous parfaits dans leurs rôles. Anthony Wong en idéaliste est sublime. Teresa Mo accomplit le plus retour au cinéma vu depuis des années. Elle est amoureuse de son mari, l’admire presque, mais supporte douloureusement son destin. Ronald Cheng, l’un des pires acteurs comiques apparus depuis dix ans, en jeune chien fou qui échoue partout, étonne par sa maîtrise du registre comico-tragique. On regrette cependant que le personnage de Karen Mok soit si fade.

Mr. Cinema permet aussi de voir quelques extraits de films de l’époque. Monsieur Zhou exerce la profession de projectionniste. Justement Samson Chiu évoque ce douloureux problème à Hong Kong : la fin des salles de cinéma, leur vente pour les remplacer par des centres commerciaux. Et aussi, non sans amertume, la fin d’un certain cinéma cantonais. Celui que j’aime et qu’on ne retrouvera sans doute jamais, sauf épisodiquement comme dans ce beau film.

Mr. Cinema (老港正传, Hong Kong, 2007) Un film de Samson Chiu avec Anthony Wong, Teresa Mo, Ronald Cheng, Karen Mok, John Sham

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