L’événement
de ce mois de juin sera la sortie au cinéma du Conte de la princesse Kaguya, le dernier film d’Isao Takahata
présenté, avec succès, à la Quinzaine des Réalisateurs. Je n’avais pas encore
parlé de certains vieux films du cinéaste japonais, c’est l’occasion pour moi
de les revoir (et ceux de Hayao Miyazaki aussi). Le Tombeau des lucioles est sorti la même année que Mon voisin
Totoro, qui semble en être l’antithèse si ce n’est que dans les deux
films, les deux enfants souffrent de leur grande solitude face à l’absence de
leur mère.
La
maladie de la maman des petites filles dans Mon voisin Totoro, la mort de celle du grand frère et de la petite
sœur dans Le Tombeau des lucioles.
La douleur est grande dans les deux cas et plus grave chez Isao Takahata parce
que le film se déroule dans les derniers mois de la seconde guerre mondiale
quand les avions américains bombardent le Japon. C’est lors d’un bombardement
que la mère est brûlée vive, comme de nombreux autres villageois, laissant les
deux enfants seuls.
L’aîné
est Seita. Il porte son uniforme de collégien. Sa petite sœur est Setsuko qui
n’aime rien d’autre que manger des bonbons aux fruits. Ils espèrent que leur
père, soldat dans la marine, va venir s’occuper d’eux. Il ne viendra jamais, la
flotte est décimée. Ils vont se réfugier chez une parente éloignée qui les
accueille à bras ouverts mais très vite, les deux enfants doivent déchanter.
Elle vend les kimonos de leur défunte mère pour acheter du riz. Son caractère
va changer quand elle leur reproche de n’être que des oisifs et profiteurs.
Le
film est une chronique de leur lente et inexorable déchéance. Dans Mon voisin Totoro, la plus petite allait
se réfugier dans un tunnel qui accédait à la forêt magique. Ici, c’est un abri
au bord d’une rivière qui leur sert de refuge après être partis de chez la
parente ingrate. Mais, l’abri ne mène nulle part. Seita part dans leur ancienne
maison chercher des duvets, un réchaud, une moustiquaire. C’est d’abord un jeu
pour eux, chacun vaquant à sa tâche, puis la nourriture vient terriblement à
manquer.
La
pénurie de repas n’est pas le seul danger. Les avions continuent de lancer
leurs bombes qui éclairent la nuit rouge de points rouges. Dans leur petit
abri, les lucioles qu’ils ramassent à la tombée de la nuit et qui éclairent
leur sommeil de leur lumière jaune et douce. L’inquiétude des bombes qui
tombent au sol face à l’esprit rassurant des lucioles qui s’élèvent. Chacun de
ces deux éléments annonce pourtant la mort qui va s’emparer du corps des deux
enfants. Les lucioles, si protectrices, sont des insectes éphémères que Setsuko
enterre le matin.
La
douceur avec laquelle Isao Takahata filme la fin des deux enfants (Seita
apparait mort dès l’ouverture du film) est d’une grande violence. Solitude,
maladie, faim. Tout autant que l’indifférence des enfants devant le sort des
deux gamins. La parente qui se plaint d’eux après les avoir volés, un vieux
paysan qui refuse de leur donner à manger en sirotant son thé, un fermier qui
roue de coups Seita qui a arraché des patates. Le film est la métaphore d’une
société qui s’effondre et qui tue ses enfants.
Le
Tombeau des lucioles (火垂るの墓, Japon, 1988) Un film d’Isao
Takahata avec les voix de Tsutomu Tatsumi, Ayano Shiraishi, Yoshiko Shinohara,
Akemi Yamaguchi.
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