Exilé

Exilé est plutôt un bon film, ce qui est assez réjouissant après les deux réussites précédentes de Johnnie To. Il est moins important politiquement que les deux Election, surtout le numéro 2, mais à vrai dire, il est à la fois plus léger et plus grave.

L’action d’Exilé se déroule à Macao, où désormais tout les fans du cinéma de Hong Kong le savent, les gens ont des difficultés à se cacher en raison de la petite taille de la ville. C’était un des enjeux scénaristiques majeurs de The Longest nite de Patrick Yau (Lau Ching-wan angoissait de devoir tomber sur Tony Leung) ou d’Isabella de Pang Ho-cheung. D'ailleurs, Macao est si petit que les personnages n'arrêtent pas de tous se retrouver.

Les premières minutes d’Exilé prennent avec ironie cette idée. Francis Ng et un acolyte (Roy Cheung) cherchent un certain Wo. Ils frappent à une porte, une femme qui tient un bébé va ouvrir et annonce qu’elle ne connaît pas de Wo. Quelques minutes plus tard, Anthony Wong et son acolyte (Lam Suet) vont au même lieu chercher le même Wo et obtiennent la même réponse de la jeune maman.

C’est alors qu’arrive ce Wo tandis que les quatre hommes attendaient dans un jardin public. Deux policiers passaient aussi par là, à qui les hommes de main conseillent vivement de ne pas se mêler de cela. Wong et Ng suivent Wo et se tirent dessus dans la maison. Jusqu’à ce que le bébé pleure de faim et que la maman le nourrisse au sein. Là, les gars arrêtent leur règlement de compte.

Un gunfight quasi parodique a eu lieu, mais une parodie filmée avec le plus grand sérieux : belle image qui tend vers l’ocre (couleur du sable du désert, des vêtements du western), doux mouvements de caméra qui caressent les acteurs, clair obscur qui développe l’idée que l’on ne sait pas si on s’engage vers une comédie ou un polar. Exilé va vers des chemins inédits pour Johnnie To. Il ne filme pas les moments de creux ou d’attente comme dans The Mission. La seule chose que l’on sait c’est que des tueurs à gages engagés par Simon Yam veulent tuer Wo.

Macao offre là aussi deux autres apports importants. Le premier est son architecture même qui ne ressemble absolument pas à celle de Hong Kong, bien au contraire. Il suffit d’une traversée en voiture dans Macao pour avoir l’impression d’être au Mexique. Johnnie To essaie de faire un western (certains vont sans doute comparer Exilé à Sergio Leone, comparaison qui pourra s’accentuer avec la musique).

Le deuxième apport de Macao est la possibilité d’inclure des armes à feu dans le récit. (Les armes à feu sont interdites à Hong Kong, il faut oublier John Woo). Ce qui pour des tueurs à gages est plus simple. Johnnie To en profite comme un gamin pour faire crépiter les fusils dans la deuxième heure avec le personnage de Richie Jen, dans le rôle d’un inspecteur pas vraiment recommandable.

Exilé continue avec un scénario d’attaque de diligence (c’est un fourgon blindé) typique d’un western. Le chef du convoi est corrompu et Ng, Wong et les autres vont en profiter. C'est sans doute le plus gros problème dans le film de Johnnie To : un scénario qui saute du coq à l'âne sans ligne de fond réelle. Ce sous scénario est compensé par une idée de To : il n'y a pas deux fois le même plan. C'est si rare.

Au fur et à mesure du film, le plaisir de spectateur grandit : on a l’impression que les acteurs ont pris du plaisir à jouer ces petits malfrats (la scène du photomaton). Film de potes, peut être. C’est en tout cas très plaisant à regarder.

Jean Dorel

Exilé (Exiled, 放逐, Hong Kong, 2006) Un film de Johnnie To avec Francis Ng, Anthony Wong, Simon Yam, Lam Suet, Josie Ho, Nick Cheung, Richie Jen, Roy Cheung, Lam Ka-teung, Cheung Siu-fai, Hui Siu-hung