samedi 14 juillet 2007

Voiture de luxe


On n'en finissait plus sur ce site de se lamenter sur l'inconsistance du cinéma chinois depuis plusieurs mois. On n'arrêtait pas de fustiger la censure à tous les niveaux qu'exerce le Bureau du Film Chinois sur les cinéastes. On ne cessait de se plaindre de ne voir que des œuvres pour snobs (lire le texte sur Passages) au rythme soporifique ou au contraire des films à l'esthétique clipesque insupportable (Wu Ji les cavaliers du vent).

Voiture de luxe, troisième film de Wang Chao après L'Orphelin d'Anyang et Jour et nuit, rassure sur ce cinéma sclérosé et séduit par ses partis pris formels et thématiques. Wang Chao ne va pas révolutionner le cinéma contemporain, mais au contraire plonge dans le classicisme pour parler de la Chine du 21ème siècle.

Voiture de luxe prend pour décor la ville de Wuhan, au bord du fleuve Yang Tsé. La ville est moderne avec ses nouveaux quartiers chics. Un vieil homme, Li Qi Ming arrive de sa campagne pour rejoindre sa fille Yanhong (la belle Tian Yuan, déjà vue dans Butterfly de Mak Yan-yan, et récompensée pour ce rôle au HK Film Awards). Monsieur Li cherche son fils, dont il n'a plus de nouvelles. Il aimerait que sa femme mourante puisse le voir une dernière fois. Le policier Wang, qui s'apprête à prendre sa retraite comme Monsieur Li, va l'aider dans son enquête. Yanhong travaille dans un karaoké qui, en vérité, est un bar américain. C'est une poule de luxe demandée par les clients fortunés, mais elle sort avec le patron, He Ge, un homme bedonnant qui circule dans un Audi (d'où le titre du film.)

Comme dans ses précédents films, Wang Chao montre une Chine où la folie consumériste s'accommode mal de la pauvreté de la population. On passe des quartiers chics où travaillent Yonhang et son patron (fric, luxure, absence de sentiments) aux quartiers résidentiels où la jeune femme héberge son père (appartement décrépi, promiscuité). Entre les deux quartiers que tout oppose, on circule en voiture quand on est riche (He Ge et Yonhang) ou en vélo (le père et le policier). Voiture de luxe parle aussi du travail. Là aussi les deux générations sont confrontées. L'argent facile gagné grâce au charme et à la beauté des femmes. Le père lui est instituteur. Sa vie est rude dans la campagne où il habite depuis quarante ans. On peut imaginer aisément que c'est la Révolution Culturelle qui l'a exilé là bas parce qu'il était, alors, étudiant. En cette période de célébration des trente ans de la mort de Mao, ce détail critique avec subtilité l'héritage de ces années sordides sur la Chine actuelle.

Voiture de luxe est surtout un film noir. Non pas seulement un film où le scénario serait sinistre, mais un hommage au genre phare du cinéma américain des années 1940. Et c'est cela la grosse surprise de Voiture de luxe. Il y a la femme fatale qui se vend. Son patron avec qui elle sort. Une enquête au sujet d'un mort. Un policier désabusé. La plupart du film se déroule de nuit. Les personnages rappellent ceux des films de Nicholas Ray ou de Howard Hawks, qui avaient tous des secrets inavouables. On ne s'attendait pas à cela. On s'en réjouit et on encourage tout le monde à aller voir le film.

Voiture de luxe (Luxury car, 江城夏日, Chine – France, 2005) Un film de Wang Chiao avec Huang He, Li Yiqing, Tian Yuan, Wu Youcai.

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