samedi 21 juillet 2007

La Condition de l'homme 3


La troisième et dernière partie de La Condition de l'homme de Masaki Kobayashi est titrée La Prière d'un soldat. Kaji cherche à retrouver Michiko et traverse la Mandchourie à pied en évitant l'Armée Rouge.


Kaji et les deux rescapés de la bataille face aux milices chinoises décident de traverser la Mandchourie. L'Armée Rouge commence à occuper la colonie japonaise. Des camions par dizaines défilent, de nuit, sur les routes. Kaji veut atteindre la voie ferrée et doit passer devant les camions sans se faire repérer. Il tue une sentinelle russe et parviennent de l'autre côté, mais Kaji se sent comme un assassin. Il est devenu, face aux épreuves, comme ces soldats qu'il méprise. Sa seule obsession est de retrouver sa femme Michiko dont il est sans nouvelle depuis des mois. Avec deux autres soldats japonais, Terada et Umeko, il va traverser la " zone rouge ". Ils vont rencontrer d'autres Japonais et d'abord un autre soldat qui cherche à gagner la Corée. Puis, chemin faisant, des civils, hommes et femmes – dont deux prostituées, dans une forêt épaisse. Ils partagent un peu de nourriture, mais la faim les gagne. Kaji cherche à économiser la maigre portion de riz qu'il reste. La route est difficile à travers la forêt et plus encore dans les plaines où les soldats soviétiques ou les miliciens chinois peuvent encore mieux les repérer.


Le périple dangereux dure des jours, puis des semaines, sans que le but ne semble proche. Le désespoir gagne les civils qui reprochent à Kaji et ses camarades leur inefficacité. La mort atteint finalement plusieurs civils. Quand ils aperçoivent de soldats japonais, ces derniers accusent Kaji de trahison et de lâcheté. Kaji préfère partir et continuer son chemin avec les rares survivants et ils arrivent dans un hameau de Japonais où l'accueil n'est guère meilleur. Ils y passeront cependant quelques jours avant que l'Armée Rouge ne les arrête et les emprisonnent dans un camp de travail. Là, Kaji se retrouve dans une position qu'il a connue en Mandchourie, mais non plus dans le rôle de dirigeant du camp, mais de prisonnier. Les conditions sont aussi terribles, d'autant plus que des officiers japonais sont chargés de surveiller les simples soldats et ils font payer à Kaji sa soif de liberté.


Kobayashi dans cette troisième parie de La Condition de l'homme achève son plaidoyer pour la liberté de l'homme. La linéarité est encore là, mais cette fois Kaji donne ses réflexions en voix off. Au fur et à mesure qu'il rencontre des gens, sa solitude se fait plus grande. Il ne croit plus en rien et son espoir de retrouver Michiko devient de plus en plus chimérique. Il subit la vengeance des officiers japonais et la doctrine rigide des communistes, notamment dans une scène où il cherche à montrer sa foi dans le socialisme, mais où un chef de l'Armée Rouge le traite de " samouraï fasciste ". La scène confine littéralement à l'absurde puisque le traducteur trahit les propos de Kaji. Kobayashi se fait éminemment politique en critiquant tous les régimes qui détruisent l'humain pour la gloire d'un idéal galvaudé. Kaji dépérit sous nos yeux. Mentalement, comme nous l'avons dit, et physiquement où son uniforme n'est plus que haillon, où sa barbe obscurcit son visage et où ses yeux cernés finissent par ne plus vouloir voir le monde. Magnifiquement noir, traversé de travellings sidérants sublimés par un format scope qui écrase l'homme dans son destin, La Prière d'un soldat se termine, comme avait commencé la première partie, sous la neige, en attendant que Kaji et Michiko se retrouvent ensemble dans un autre monde.


Jean Dorel

La Condition de l’homme 3 : la prière d’un soldat (人間の条件 完結篇 第五部死の脱出、第六部曠野の彷徨, Japon, 1961) Un film de Masaki Kobayashi

Aucun commentaire: