La deuxième partie de
A la fin de Il n'y a pas de plus grand amour, Kaji (Tatsyua Nakadai) était arrêté par les autorités militaires. Après avoir été torturé, il retrouve la liberté. Il ne travaille plus pour la compagnie de minerai, retrouve sa femme Michiko (Michiyo Aratama), mais sa liberté est de courte durée puisqu'il reçoit immédiatement sa feuille de mobilisation. Le Chemin de l'éternité commence, comme dans la première partie de
Kaji est désormais éloigné de son épouse qui est restée en ville. Mais ils sont toujours amoureux. Elle sera d'ailleurs la seule épouse à venir rendre visite à son mari, ce qui ne va pas sans moquerie de toute part. Kaji sent que la fin de la guerre est proche. Des renseignements sur la rencontre entre Roosevelt et Staline annonce la défaite imminente de l'Allemagne. Kaji pense que les responsables de l'Armée du Japon vont poursuivre la guerre jusqu'au dernier soldat. C'est pour cette raison que Kaji demande, sans doute pour la dernière fois, à voir Michiko nue. Kaji n'aura plus d'autre occasion de revoir sa femme et paradoxalement refusera de lui écrire et de lire ses lettres. Il va entièrement se consacrer à assurer une vie meilleure aux soldats. Il défend les plus faibles, comme le soldat Obara qui n'arrive pas à tirer correctement au fusil. Il remonte le moral à ceux qui ont laissé, comme lui, leur femme au Japon, et parfois leurs enfants, qu'ils n'ont pas vus depuis parfois plusieurs années.
Kaji remarque un autre soldat, Shinjo (Kai Sato), qui subit constamment les brimades et avec qui il sympathise. Il est surveillé par les officiers persuadés qu'il est communiste. Shinjo parle à propos de l'URSS de Terre Promise et se dit prêt à déserter, la garnison étant très proche de la frontière russe. Il tente de s'enfuir après une ultime punition. Kaji envisage de le suivre dans sa fuite. Il conçoit que cette désertion risque de leur être fatale et essaie de convaincre Shinjo de rentrer. Tous deux s'enfoncent dans des marais. Shinjo meurt. Kaji survit et, après une courte convalescence à l'hôpital, rejoint son corps d'armée. Là, il se voit confier par le Lieutenant Kageyama le soin de s'occuper des jeunes soldats. Cela le met dans une position comparable à celle que Kaji vivait lorsqu'il était responsable de la mine dans la première partie du film. Les soldats ont du mal à se faire à l'idée de moins obéir aveuglément aux aînés et à leurs supérieurs (ils sont endoctrinés), qui eux même ne manquent aucune occasion d'humilier Kaji.
Le récit de Le Chemin de l'éternité aura probablement inspiré Stanley Kubrick pour Full metal jacket. On retrouve l'entraînement forcé, les punitions répétées, la soumission absolue au chef et un suicide d'une jeune recrue dans des toilettes. Il faut y voir une dénonciation en règle de l'armée et de son absurde aliénation. La deuxième moitié du film est consacrée à l'attente d'une attaque soviétique. Jamais on ne verra un seul visage des soldats russes. Kobayashi montre à quel point l'Armée du Japon était, littéralement, désarmée face aux chars soviétiques. Un officier, devant le manque de fusils, demande aux soldats de fabriquer des sabres en bois. L'image générale de Il n'y a pas de plus grand amour était grise, dans Le Chemin de l'éternité tout est dans l'obscurité. Seuls les visages sont éclairés. Celui de Kaji est de plus en plus désabusé. Mal rasé, Kaji a même perdu sa capacité de sourire et, sans doute, de croire en l'Homme. Il perd lui-même son humanité quand il tue son premier homme. Masaki Kobayashi démontre magistralement à quel point l'armée et la guerre détruisent l'âme.
Jean Dorel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire