vendredi 6 juillet 2007

King of comedy


Après plus de dix ans de pitreries, Stephen Chow tourne King of comedy, son quatrième film en tant que réalisateur, avec un esprit plus sérieux. Pour l’occasion, il donne à Karen Mok et à Cecilia Cheung les premiers rôles féminins.
Quand Stephen Chow commence le tournage de King of comedy, il est déjà la plus grande star du cinéma comique à Hong Kong. Depuis le début des années 1990, il a tourné cinq ou six films par an. La plupart a reçu un immense succès au box office. Mais ses films, tournés à la va vite, souvent improvisés selon le principe du mo lei tau, la comédie non-sensique, réalisés par des réalisateurs peu enclins à soigner l'esthétisme, l'encourage à prendre la caméra, comme le firent en leur temps Samo Hung et Jackie Chan. Il tourne Bons baisers de Pékin, Forbidden City cop et God of cookery avec Li Lik-chi ou Vincent Kok, deux autres comiques poids lourd. En 1999, il se lance avec King of comedy dans l'aventure sans l'aide de personne.
Au bord de la mer, un homme de dos crie " travaille dur, tu peux y arriver ". Passé le générique, le même homme dirige une scène derrière la caméra. Mais il n'est pas le réalisateur, juste un type qui se trouvait là. C'est un figurant. Il va jouer le rôle d'un prêtre qui se fait dézinguer sans une ligne de texte lors d'un gunfight dans une église où les colombes s'envolent. Ce tournage est un pastiche d'un film de John Woo, la vedette en est la star Cuckoo (Karen Mok). Mais, l'apprenti figurant espère devenir un acteur et se met à revivre pendant le tournage. Ce qui provoque la colère de la star et du metteur en scène. Il est immédiatement remplacé par un autre figurant qui n'est autre que Jackie Chan.
Ce figurant minable c'est Stephen Chow. L'humiliation de son renvoi du tournage continue puisque le régisseur de la cantine refuse de lui donner de quoi manger. Le régisseur (Ng Man-tat, crâne rasé et petite moustache) l'insulte et continuera de l'insulter chaque fois qu'il retournera sur le plateau de tournage, en le traitant moins bien qu'un chien. Chaque fois qu'il revient sur le tournage, il provoque de telles catastrophes qu'il est à nouveau renvoyé sur le champ. Pourtant, il avait réussi à amadouer Karen Mok en la convaincant que les figurants comptent dans un film. Il repart laissant son rêve d'être un grand acteur.
Pour l'instant pour arriver à terme de son projet d'acteur, il tente de mettre en scène une pièce de théâtre. Mais personne ne la prend au sérieux dans son quartier où il explique la célèbre méthode Stanislavski à des types dont la seule ambition est de devenir des petites frappes de triade. Mais ces types sont des traines-savates, qui glandent rien comme souvent dans les films de Stephen Chow. Chow essaie aussi de gagner de l'argent en donnant des cours de comédie. Personne ne vient parce que ses cours sont tout à fait inadéquats, sauf un jour.
Ce jour-là, ce sont des hôtesses de club qui viennent pour prendre des leçons de comédie. Elles doivent apparaître en jeunes écolières et rappeler aux clients leur premier amour. Parmi les hôtesses, il y a Piu (Cecilia Cheung) qui arbore un sourire trop joli pour ne pas cacher son désespoir. Là est l'idée de génie de Stephen Chow. Il offre pour son premier rôle au cinéma à la belle Cecilia un personnage à la fois joyeux et triste où elle brille en changeant seulement son regard pour évoquer tout son malheur d'être une prostituée. Ses premières scènes sont jubilantes. Elle est avec toutes les autres filles à écouter Stephen et à rire. Plus tard, lui et elle seront seuls et son visage exprime toute la tristesse du monde avec une beauté rare.
Bientôt Stephen et Cecilia tomberont amoureux, sans se le dire. Elle évoquera un prétexte pour l'embrasser puis se retrouveront ensemble dans la chambre minable de Stephen pour faire l'amour dans son lit une place. Mais quel impair va-t-il commettre en la payant comme une vulgaire prostituée. Elle croyait à un amour tendre. Il gâche tout. Le personnage Stephen Chow est un rustre, mais le cinéaste magnifie Cecilia Cheung, il la filme tout en douceur, comme cette scène devant la mer où il suit ses jambes. Stephen Chow n'a jamais filmé une femme de cette manière quasi amoureuse et en transe, et ne le fera plus après.
A Karen Mok, il réserve un personnage moins détruit psychologiquement mais plus pervers. Elle décide d'utiliser Stephen pour en faire son objet, une sorte de boyfriend pour la presse et pour relancer sa carrière. Elle lui propose le premier rôle dans son prochain film mais les producteurs se rétractent avant qu'il ne puisse accéder à son statut d'acteur. Karen n'est pas filmé de la même façon que Cecilia. Son personnage est plus froid, plus calculateur dans des teintes grises souvent à l'intérieur alors que Cecilia est magnifiée par la lumière du soleil. D'ailleurs, les deux actrices n'auront qu'une courte séquence ensemble en fin de film.
King of comedy alterne avec plaisir les scènes de gags et les moments de romance. Stephen Chow maîtrise sa mise en scène et arrive à passer avec aisance entre les deux registres. Il se réserve même le luxe de donner une happy end à son film car c'est une comédie du Nouvel An et de faire de l'ironie avec un des sponsors du film. King of comedy est la première réussite complète de Stephen Chow.
La suite, on la connaît puisque Stephen Chow a patienté deux ans avant de tourner Shaolin soccer, qui sera son premier film distribué en France. C'est très rare dans le cinéma de Hong Kong qu'un cinéaste en plein succès populaire prenne autant de temps pour un film. Il n'y a guère que Wong Kar-wai pour concurrencer une telle précision dans le travail. Mais Stephen Chow, c'est tellement plus drôle et plus beau...
Jean Dorel
King of comedy (喜劇之王, Hong Kong, 1999) Un film de Stephen Chow avec Stephen Chow, Cecilia Cheung, Karen Mok, Ng Man-tat

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Keep up the good work.