Les mauvaises langues diront que tous les "Bollywood" se ressemblent, ils se réfugieront derrière la durée pour ne pas aller à la rencontre de ces films, ils invoqueront l'aspect kitsch et à l'eau de rose pour rester chez eux. Et pourtant, Swades va à l'encontre des clichés habituels du cinéma hindi, tout en respectant les règles du genre.
D'Ashutosh Gowariker, on connaissait en France Lagaan, sorti au printemps 2002. Premier Bollywood à avoir une sortie nationale malgré sa durée de 3h40, ce film lançait une timide vague. La sortie de Swades se fait sur un nombre d'écrans plus large : 18 en première semaine à la fois à Paris et en Province. Lancé comme un film plus réaliste que d'habitude, Swades étonne par ses partis pris sociaux (on pourrait même dire franchement de gauche) qui rappellent les débuts de Mehboob Khan.
Mohan (Shah Rukh Khan) est un scientifique indien qui travaille aux USA pour
Mohan est dans Swades le symbole d'une modernité toute-puissante qui ne laisse plus de place aux traditions. Les villageois, en revanche, sont tout entiers acquis à leur passé et aux coutumes locales. Ainsi, la jeune institutrice du village, Gita (dont bien évidemment Mohan va tomber amoureux), doit rencontrer un jeune homme pour un éventuel mariage. Les parents du marié veulent qu'elle abandonne son métier pour devenir mère de famille. Gita refuse cette proposition et souhaite au contraire continuer d'enseigner aux enfants pour qu'ils aient un meilleur avenir.
Swades réussit à ne pas être édifiant de manière trop préremptoire. Le message est clair : la tradition pure et dure n'a pas d'avenir en Inde, la tradition doit faire bon ménage avec la modernité. Swades file une métaphore au sujet de l'électricité qui manque et qui permettrait de mieux voir son destin. Quand Mohan, vétu du dohit (l'habit blanc masculin classique en Inde – l'équivalent du sari pour les hommes), essaie d'expliquer en quoi l'instruction éclaire les gens, le film prend une tournure réellement politique que le cinéma hindi mettait dans les marges habituellement. Jamais les problèmes de l'Inde ne semblent avoir été abordés avec autant de précisions. C'est qui le rend passionnant.
Mais bien sûr Swades reste un film musical. Ici aussi les propositions de mise en scène de Gowariker sont différentes de la production habituelle. Il y a peu de chanson, six contre une douzaine dans un Bollywood classique. La première, au bout d'une demi-heure comme toujours, est d'abord diégétique. Mohan et un auto-stoppeur sont dans la camping-car, ils écoutent une chanson à l'autoradio. L'auto-stoppeur qui semble être un mendiant encourage Mohan à chanter. Là aussi, la modernité rencontre la tradition : les chansons épousent la rythmique classique Bollywood sur des sonorités électro très actuelles. Les chansons sont d'ailleurs très agréables.
Les chorégraphies sont réduites à leur plus simple appareil. Pas de saris flamboyants, de danseuses sexy, de couleurs flashy. Il n'y a pratiquement que Mohan, avec parfois Gita, qui danse. A une exception près : lors d'une projection d'un classique Bollywood (Yakon ki baaraat de Nasir Husain – 1973), l'électricité interrompt la projection (un comble pour un pays qui vénère son cinéma) et Mohan harangue les villageois à changer leur vie. Les habituels ballets de mannequins sont ici remplacés par une danse de vieux paysans, de villageois normaux. L'émotion est à son paroxysme.
Il apparaît parfois que Swades est un film patriotique. La nation indienne est appelée à un sursaut de solidarité. Le film veut échapper au colonialisme culturel américain. Swades le clame haut et fort.
Swades (Inde, 2004) Un film d’Ashutosh Gowariker avec Shahruk Khan
1 commentaire:
Je place très haut Swades, parce que Shah Rukh Khan y est formidable (quand il chante les étoiles avec les enfants de Charanpur, quand il est confronté à l'hostilité de la très belle maîtresse d'école), parce que l'actrice qui interprète ce rôle est magnifique et que l'histoire est touchante (le réalisateur donne une vertu sociale au spectacle toujours enchanteur).
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