samedi 2 juin 2007

Bons baisers de Pékin


Un drapeau chinois flotte au vent. Dans un entrepôt, des policiers affrontent des malfrats venus voler un crâne de dinosaure. Un cyborg, tout en ferraille, décime les policiers chinois. Le crâne est dérobé. Voilà commence le premier film réalisé par Stephen Chow (qui n'avait pas encore ce nom occidental) avec l'aide de Lee Lik-chi, qui l'avait déjà dirigé dans Love on delivery, la même année.
Bons baisers de Pékin est un film d'espionnage tout ce qu'il y a de plus sérieux. Comme tout film d'espion actuel sérieux, c'est un film parodique, et il est d'autant plus avec Stephen Chow aux commandes. La musique illustrant la séquence d'ouverture est largement " inspirée " de celle de John Barry pour les James Bond. Disons-le tout net, elle est complètement plagiée. Le générique lui-même est ouvertement calqué sur ceux des aventures de l'espion de sa Majesté : jeune filles dénudée et Stephen Chow en ombre chinoise. C'est le mogul Wong Jing (qui lui avait mis le pied à l'étrier au début de sa carrière) qui produit, autant dire que ça risque de ne pas voler très haut. Mais Chow et Lee évitent l'écueil de la comédie purement commerciale pour hisser Bons baisers de Pékin à un niveau supérieur.
Chow a, bien entendu, le rôle principal. Passées les dix premières minutes servant à lancer l'action, il sera de toutes les scènes, de tous les plans. Comme dans certains de ses films précédents où il n'était qu'acteur, on le voit d'abord de dos, on n'entend que sa voix, grave et rapide. Au début de Bons baisers de Pékin, son personnage Ling Ling Chai apparaît torse nu sous un tablier de boucher. Chai est un ancien espion réduit à découper de la viande de porc sur un étal. Clope au bec, un verre de martini derrière lui, prêt à séduire les femmes malgré cet accoutrement ridicule, Chow lance les aventures de ce sous-James Bond dégénéré. On pense à Austin Powers. Certes, mais Chow et Lee ont fait ce film plus de trois ans avant Mike Meyers.
Ling Ling est un espion catastrophique. Il doit retrouver pour la toute puissante Chine ce crâne préhistorique dont très vite on se fout totalement. Il n'est que le macguffin qui permet de lancer l'histoire et à Stephen Chow de se montrer drôle et méchant, amoureux des femmes et misogyne.
Evidemment, un espion ne serait rien sans ses gadgets. Man Sai, son collègue inventeur, sorte de Q pékinois, lui propose un téléphone qui fait rasoir, un rasoir qui fait sèche cheveux. Les moments les plus connus des James Bond sont repris et parodiés avec souvent une belle tendance au mauvais goût et au ridicule. Li Heung-kam (la Stephen Chow-girl du film) prend par exemple contact avec son supérieur en ouvrant la cuvette des toilettes.
Mais Stephen Chow est toujours prompt à se ridiculiser lui-même. Le réalisateur Stephen Chow n'hésite pas à mettre l'acteur Stephen Chow dans des situations embarrassantes et humiliantes. Son personnage de Ling Ling Chai croit dur comme fer être l'égal de Roger Moore (que l'on voit sur un poste de télévision à l'œuvre dans un des rôles). L'habit ne fait bien entendu pas le moine. Il a beau vouloir loger au luxueux Regent Hotel où se trouvent les plus belles femmes de Hong Kong, il sera accueilli au minable Regent Motel, par Yen, cet acteur barbu que Chow utilise dans ses films en le travestissant et qui a toujours le doigt dans le nez.
Une séquence au milieu de ces facéties retient l'attention. Ling Ling Chai est dans une galerie marchande. Il rencontre un homme accompagné de deux acolytes. Chai et l'homme parlent le même dialecte : ils sont du même village et se mettent à discuter ensemble. Or ces trois hommes vont cambrioler un magasin. Traqués par des vigiles, ils tuent de sang froid des clients. Ces scènes assez violentes révèlent un aspect de Stephen Chow inédit, à la fois dans ce film et dans ses comédies précédentes : une noirceur proche du nihilisme qui sera développé dans ses films suivants.
Le scénario de Bons baisers de Pékin part un peu dans tous les sens. On sait que l'industrie du cinéma de Hong Kong se lance dans les tournages sans que le scénario soit achevé. C'est ici assez visible et cette séquence de tuerie, qui ne s'accroche à aucun élément précédent ou suivant dans le film, aurait pu amorcer une deuxième partie non pas comique, mais dramatique. Il est, je pense, plausible que Wong Jing, producteur du film, aie voulu freiner son poulain pour revenir sur les sentiers plus balisés de la comédie familiale.
Bons baisers de Pékin marque un nouveau départ pour Stephen Chow. Le film a atteint près de quarante millions de dollar HK à sa sortie. Il décide alors de ralentir sa carrière d'acteur pour mieux préparer ses films. Cela ne constituera une surprise pour personne, le film n'est jamais sorti en France et n'a pas non plus été édité en DVD zone 2.
Jean Dorel
Bons baisers de Pékin (國產凌凌漆, From Beijing with love, Hong Kong, 1996) Un film de Stephen Chow & Lee Lik-chi avec Stephen Chow, Anita Yuen, Pauline Chan

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