Pèn et Sadao s'aiment, mais le monde entier se mettra entre eux. Monrak transistor est leur histoire d'amour contrarié. Un beau film de Pen-ek Ratanaruang.
Il fût un temps, au début de ce siècle, où l'on pensait que le cinéma thaïlandais pourrait avoir le droit d'être montré au plus grand nombre à l'égal des autres contrées cinématographiquement vivaces du sud-est asiatique. Que nenni ! Si l'industrie cinématographique est pléthorique en Thaïlande, les spectateurs n'ont aujourd'hui plus d'autre choix que de se taper soit des Tony Jaa, soit des Apichatpong Weerasethakul. Il faut être amateur de film de baston ou avoir envie de faire la sieste au cinéma. Le reste n'existe plus.
Et pourtant, on se dit en regardant Monrak transistor qu'ils doivent bien exister ces cinéastes thaïlandais qui sont entre les deux extrêmes telles qu'on les connaît en France. Et il semble certain que Pen-ek Ratanaruang est de ceux là. Peu soutenu par la critique, mal distribué en salles : Monrak transistor comme Last life in the universe, deux ans plus tard, n'ont pas pu trouver leur public faute de copies. On peut toujours espérer que ce temps viendra un jour. Espérons-le. En attendant, il y a toujours la possibilité de se repasser le dvd de Monrak transistor.
Tout commence dans une prison. Pèn est derrière les barreaux. Le gardien est de son village et va nous narrer (regard caméra) les aventures du jeune homme. Pèn adore chanter et le voici momentanément vedette dans un bal populaire. Certes, il n'y a pas grand monde pour le regarder, mais l'important à ses yeux c'est que la jolie Sadao soit là pour l'écouter. A partir de ce moment-là, tout ce qui compte est de pouvoir s'approcher d'elle, l'inviter à danser, et tant pis pour le fils de riche qui tente, lui aussi, une approche de séduction. Dès le début Pèn aurait dû comprendre que rien n'irait droit dans sa vie. Et cela dès le moment où il se prend un pain dans la tronche.
Convaincre la jeune fille est une tâche plus aisée que de convaincre le père. Surtout quand ce dernier est son patron. Pèn fait le paon. Il se ramène torse nu sur sa barque pour aller travailler et tel un cygne faisant la parade. Sadao se marie avec Pèn et les deux tourtereaux font un petit. Comme le dit si bien notre narrateur gardien de prison, cela aurait pu faire un joli dénouement. Chacun aurait pu rentrer chez soi content. Mais non, le destin va s'abattre sur Pèn. En tout premier lieu, au village lors du tirage au sort pour savoir quel jeune homme devra faire l'armée, ça tombe sur lui. L'armée c'est pas drôle. Du coup, quand Pèn voit qu'il va se dérouler un radio crochet dans la ville où il est permission, il n'hésite pas une seconde. Il chante et a cappella, s'il vous plait. La performance séduit les organisateurs qui encouragent Pèn à les suivre. Ce qui fait de lui un déserteur.
Seulement voilà, le matin, le bus de la troupe oublie de réveiller le jeune homme. Pèn est recueilli par un homme d'âge assez mûr, qui se prétend agent artistique. Il va en faire une star. Mais, l'homme est plus intéressé par la plastique de Pèn que par sa voix. Aucune occasion ne sera assez bonne de faire se déshabiller Pèn, de le toucher et de tenter de coucher avec lui. Le vieux fait pression sur le jeune homme pour qu'il demeure son esclave plutôt qu'il devienne une star de la chanson. Et le jeune et joli Pèn perd son sourire au fur et à mesure que Monrak transistor avance. Oui, c'est Oliver Twist.
Pèn aura encore quelques aventures malheureuses où chaque fois il tentera de fuir des hommes qui veulent le contrôler. Jamais il ne réussira à être libre. C'est bien tout le problème de ce personnage et de son épouse. Pen-ek Ratanaruang, le réalisateur de Monrak transistor réussit à manier l'ironie pour ne pas tomber dans le drame larmoyant. Il se permet même des clins d'œil amusants notamment quand Sadao commence à vouloir refaire sa vie et qu'elle tombe amoureuse d'un bonimenteur. Ce dernier est venu dans le village pour projeter un film. Ce film a pour titre Les Larmes de Tigre Noir dont un des interprètes est Supakorn Kitsuwon, qui joue précisément le rôle de Pèn.
L'erreur au sujet de Monrak transistor serait d'y voir un film kitsch, parce qu'on y entend des chansons d'amour, qu'on y chante comme dans un film de Jacques Demy. Parce que les couleurs sont chatoyantes et les sentiments communs. Mais ce serait cacher une mélancolie qui hante le cinéma de Ratanaruang et qui enchante. Tout simplement. C'est ce qu'on appelle un cinéaste essentiel. Et le plus incroyable dans tout cela, c'est qu'on est incapable de dire si Monrak transistor se termine bien ou mal.
Monrak transistor (มนต์รักทรานซิสเตอร์, Thaïlande, 2002) Un film de Pen-ek Ratanaruang avec Supakorn Kitsuwon, Siriyakorn Pukkavesh, Black Phomtong, Somlek
Sakdikul, Porntip Papanai.
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