Depuis L'Homme qui dort il y a maintenant dix ans, on était sans nouvelle de Kôhei Oguri. La Forêt oubliée a été sélectionné cette année à Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs, le film a été l'objet d'un scandale aussi doux qu'est le film. Précédé d'une rumeur très élogieuse, La Forêt oubliée fût présenté conjointement par la Quinzaine et par Thierry Frémaux, grand vizir de la Compétition Officielle cannoise. On dit aussi que Oguri aurait refusé d'entrer dans la section Un Certain Regard. La raison ? La sélection en compétition du médiocre Bashing de Masahiro Kobayashi. Pour avoir vu ces deux films, on ne peut que donner raison à Oguri tant les qualités de La Forêt oubliée sont évidentes et celles de Bashing sont invisibles.
Chaque scène de La Forêt oubliée est compréhensible en tant que telle, mais les liens qui se tissent entre elles composent une énigme qui donne beaucoup de charme au film. Ces blocs de mystère forcent l'imaginaire du spectateur pour en donner du sens. Kôhei Oguri ne délivre pas les réponses clef en main. Et les acteurs (avec entre autres Tadanobu Asano et Karen) sont au diapason du rythme volontiers nonchalant et frôlant un burlesque comparable à celui d'Aki Kaurismaki.
Et le titre du film, dira-t-on ? La Forêt oubliée, ou plus précisément la forêt enterrée, où est-elle ? Au fur et à mesure que le film avance, des évènements infimes se produisent. Dans une forêt, une créature fantomatique et lumineuse apparaît à certains. Incapables de donner une explication à leurs visions, certains y voient le signe avant coureur que quelque chose va se passer. Et ce qui doit arriver arrive. Le lendemain matin...
Jusqu'alors La Forêt oubliée était déjà un beau film bien qu'un peu languide. Mais sa dernière demie heure devient purement visuelle et totalement poétique. Le lendemain matin, donc, cette fameuse forêt se met à exister. De grands arbres gris d'une hauteur incroyable sont plantés là devant les yeux ébahis et éblouis des villageois. La Forêt oubliée passe du coté du conte dont on sait l'importance des arbres en tant que lieu des peurs enfantines. Oguri réussit à hypnotiser le spectateur, à produire un effet de pure fascination, à glisser vers un merveilleux feutré.
La beauté des séquences finales avec un défilé de chars tout droit sorti d'un film de Fellini provoque une émotion diffuse qui imprègne longtemps la rétine. La Forêt oubliée donne l'impression très agréable d'être à la fois en terrain connu et de nager en plein mystère. Tout cela donne très envie de se plonger dans l'œuvre de Kôhei Oguri qui en 25 ans aura réalisé seulement cinq films.
Jean Dorel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire