Il y avait de quoi attendre et espérer beaucoup du nouveau film du duo Andrew Lau et Alan Mak qui avait largement contribué à renouveler le polar noir avec leurs Infernal affairs. Après un petit tour ensemble pour un bon film de bagnoles (Initial D), la Corée (Daisy) et les Etats-Unis (The Flock) en solo pour Lau et Moonlight in Tokyo pour Mak en duo avec Felix Chong, leur scénariste attitré, il faut bien reconnaître que Confession of pain risque de décevoir.
Possible déception pour une raison très simple qui arrive au bout d'une vingtaine de minutes : on apprend qui est l'assassin. Un vieillard est tué avec une statuette en bronze de Bouddha. Et qui tient l'arme du crime ? Lau Ching-hei (Tony Leung Chiu-wai). Et qui est l'homme à qui il a fracassé la tête ? M. Chow, son beau-père. Tout irait pour le mieux dans le récit et on pouvait supposer qu'une enquête va se mettre en place pour résoudre ce crime. Mais d'abord et avant tour, dans les minutes précédant cette révélation, les cinéastes vont nous présenter tous les protagonistes.
Le récit commence trois ans auparavant. Yau Kin-bong (Takeshi Kaneshiro) et Lau (Leung toujours) sont deux policiers. C'est le soir de Noël. Ils sont en planque. Ils poursuivent un suspect puis l'arrêtent. Lau frappe le suspect avec un chandelier pour l'interroger : violence déjà. Bong rentre chez lui retrouver sa fiancée. Elle vient de se suicider. On retrouve Bong trois ans plus tard : il a abandonné la police, est devenu alcoolique et s'est reconverti en détective privé. Lau, quant à lui, mène une vie tranquille avec sa femme Susan (la réalisatrice chinoise Jing Leixu). Et c'est là qu'on découvre le meurtre du père de Susan et qui a commis le meurtre. Que peut-il donc se passer pendant les 90 minutes qui vont rester ? Et là est un des problèmes de Confession of pain.
Susan engage Bong pour mener une enquête parallèle à celle de la police. Elle lui fait confiance d'autant plus que la police a confié à l'agent Tsui (Chapman To) le soin des investigations officielles. Or, Tsui est un très mauvais flic (c'est d'ailleurs pour cette raison que Lau l'a choisi). Si mauvais flic que même Bong le surnomme " Inspector Bullshit " (Inspecteur Connerie). Tsui est un policier coincé, incapable de mener ses enquêtes jusqu'au bout, empêtré dans ses affaires de cœur avec sa maîtresse. Pour Lau, c'est le flic idéal pour ne pas retrouver l'assassin. D'autant que Lau a tout fait pour créer des fausses pistes avec des faux suspects. Dès lors, Confession of pain s'apparente à un bon épisode de la série Columbo : le spectateur sait qui est le meurtrier, les enquêteurs ont un train de retard mais ont des soupçons sur le personnage principal et vont remonter les pistes pour trouver des indices.
Car évidemment, c'est moins l'enquête qui intéresse dans le film d'Andrew Lau et Alan Mak que les personnages eux-mêmes. Ce qu'ont réussi les cinéastes est l'extrême soin apporté à leur psychologie. Tony Leung Chiu-wai, costard, petites lunettes cerclées, coupe sobre est l'exemple même de la froideur. Tout le contraire de Takeshi Kaneshiro, cheveux en bataille, barbe de trois jours, dépenaillé. Il incarne son personnage d'alcoolique avec justesse, constamment hanté par le suicide de sa femme. La dépression lui va comme un gant. Dans un plus petit rôle, Chapman To est encore une fois l'un des meilleurs seconds rôles du cinéma de Hong Kong. Et n'oublions pas Shu Qi qui joue une serveuse de bar a priori écervelée qui s'avèrera le seul personnage à avoir la tête sur les épaules. Elle tombe amoureuse de Bong (il vient se soûler dans le bar où elle travaille), mais lui, la traite comme une pute (il ose la payer après une nuit d'amour).
Contrairement à Infernal affairs, le nouveau film de Lau et Mak, n'est pas inoubliable. Loin de là. Il a de nombreuses qualités, en plus de celle déjà énoncées, il faut encore une fois admirer la lumière admirable qu'Andrew Lau et Lai Yiu-fai ont composée (ils ont reçu le Hong Kong Film Award de la meilleure photographie). Et puis surtout un sens inouï du cadre, du plan, de l'image, avec une prédilection remarquable pour isoler un visage à droite ou à gauche dans le cinémascope. C'est vraiment très beau, d'autant qu'il utilise une dominante bleue, la couleur de la douleur. Mais quoi que le film soit esthétiquement passionnant, on reste sur sa faim (c'est quand même un peu trop long). Confession of pain n'est pas un polar à suspense. D'une certaine manière, le film est plus proche d'Initial D que de la trilogie Infernal affairs dans sa propension à décrire la mélancolie. C'est cela la plus grande surprise. Un film qui cache son jeu ; comme le font les personnages. Etonnant.
Jean Dorel
Confession of pain (傷城, Hong Kong, 2006, 104 minutes) Un film de Andrew Lau & Alan Mak avec Takeshi Kaneshiro, Tony Leung Chiu-wai, Shu Qi, Jing Leixu, Chapman To
2 commentaires:
Bonjour et bravo pour votre article que j'ai lu avec plaisir. Je voudrais vous signaler que vous pourrez visionner en avant première France le film "Confession of Pain", le nouveau film du réalisateur de Infernal Affairs sur MK2vod.com en téléchargement dès le 8 juin 2007.
Voici l'adresse : http://www.mk2vod.com/films/thriller-policier/confession-of-pain-video-550.htm
nice blog
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