Un jeune tueur cambodgien est pourchassé par la police de Hong Kong. Edison Chen et Sam Lee se mènent la guerre dans Dog bite dog de Soi Cheang. Bienvenue au pays de la sauvagerie.
Sorti discrètement en août 2006 à Hong Kong, Dog bite dog est le sixième film de Soi Cheang. Ses films précédents s’appellent notamment Horror hotline : big head monster, New blood, The Death curse (avec les Twins et les Boy’z), dont on imagine aisément la délicatesse. Cheang œuvre donc dans le cinéma de grande consommation et Dog bite dog est classé par ailleurs Catégorie III. Mais dans le genre, Dog bite dog s’avère une bonne surprise.
Un jeune homme dont on ne connaîtra jamais le nom (Edison Chen) arrive par bateau à Hong Kong. Ses conditions de voyage ne sont pas des plus plaisantes, il est dans la cale et cela rappelle le sombre Shanghai Grand. On jette au jeune homme (qu'on appellera Edison par commodité) un bol de riz qui tombe par terre et se brise. Peu importe, il mangera comme un chien le riz souillé. Edison est un tueur à gages et doit assassiner une vieille femme dans un restaurant. Après avoir mangé goulûment quelques raviolis, il tue sa victime au revolver et s'enfuie. Edison est Cambodgien et ne parle pas un mot de cantonais et il se retrouve seul à Hong Kong où la police se met à sa poursuite, avec à sa tête Wai (Sam Lee). Le scénario de Dog bite dog fait penser à celui du beau Une nuit à Mongkok de Derek Yee, ne serait-ce que parce que Soi Cheang filme, lui aussi, caméra à l'épaule le périple de son tueur à gages, qu'il va lui aussi rencontrer une jeune femme (Pei Pei) avec qui il se lie, que la différence de langues pose problème et que le flic veut se débarrasser du tueur. Mais Dog bite dog va se démarquer sur de nombreux points. De toute façon, Edison Chen n'est pas Daniel Wu et Pei Pei sûrement pas Cecilia Cheung.
Avec un titre pareil, il ne faut pas s'attendre à de la tendresse. Tout sera viscéralement violent, rien ne sera épargné au spectateur. La mise en scène au cordeau de Soi Cheang se révèle efficace pour faire monter un malaise d'une redoutable perversité. L'image est travaillée pour saturer les couleurs. Lors de la fuite du tueur et de la jeune fille, le ciel n'est pas bleu mais jaunâtre. Cela rappelle le sinistre Fu bo de Wong Chin-po (2003), qui suivait la vie d'employés d'une morgue. Le film comprend de nombreuses scènes nocturnes qui peuvent s'avérer très sombres mais où parfois une énorme lumière blanche vient faire contraste, ce qui donne encore un aspect étrange proche du film fantastique. On n'est pas très loin du Stalker de Tarkovski, d'autant que les décors de Dog bite dog ne sont que des terrains vagues, des champs d'ordure, des habitations exiguës et vétustes. Là réside la plus grande différence avec les polars nocturnes de Johnnie To (PTU ou Election 2) qui s'ancraient, malgré leur violence, dans des codes de conduite " civilisés ".
Dans Dog bite dog, on ne sait plus qui du flic ou du tueur est le plus abject. Wai, le flic, passe son temps à torturer ses témoins dans des interrogatoires musclés. Il réclame des tuyaux sur le tueur mais n'obtient pas grand-chose, parce que tout simplement ils ne savent rien. Le tueur taciturne ne s'embarrasse pas non plus de politesse pour supprimer qui se met en travers de son chemin. Le personnage de Lam Suet se fera saigner comme un cochon, le père violeur de Pei Pei est castagné par le tueur. Mais ce sont les affrontements entre Wai et Edison qui sont les plus prenants. Soi Cheang filme au plus près des corps les combats et va jusqu'à remplacer leurs voix par des râles de fauve. Si l'on ajoute à cela une musique proche du rock industriel, on comprend que le malaise s'installe progressivement.
Soi Cheang apparaît comme un espoir pour le polar de Hong Kong. Dog bite dog est un peu long (108 minutes) et on regrette qu'avec ses scénaristes, il se soit senti obligé de donner des explications au destin des deux protagonistes. Tout viendrait des pères. Celui du tueur, qui n'est sans doute pas son vrai père, est Cambodgien. Dans son pays, il tient un orphelinat où les enfants, tatoués comme des chiens, pratiquent des combats de boxe à mains nues illégaux. Edison vient de là et se fera rejeter par son " protecteur ". Le père du flic Wai est lui aussi flic, mais il est corrompu. Le père n'a jamais accepté que son fils devienne flic. Ils ne s'entendent pas. Ces explications œdipiennes alourdissent un récit par ailleurs d'une sécheresse et d'une cruauté rare. On attend les nouveaux films de Soi Cheang avec une impatience et un effroi mêlés.
Jean Dorel
Dog bite dog (狗咬狗, Hong Kong, 2006) Un film de Soi Cheang avec Edison Chen, Sam Lee., Pei Pei, Lam Suet.
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