Après deux épisodes déjà remarquables, la franchise du producteur indépendant Neal H. Moritz s’enrichit d’une suite qui va se dérouler dans la capitale japonaise. Fast and furious Tokyo drift, comme précédemment Fast and furious de Rob Cohen (2001) et 2 fast 2 furious de John Singleton (2003) est une vision sans concession sur la jeunesse actuelle.
Justin Lin a réalisé cette mouture 2006. Ce jeune cinéaste d’origine taiwanaise avait déjà montré son talent dans Shopping for fangs ou Better luck tomorrow où il montrait les désarrois profonds de la jeunesse en mal de vivre. Dans Fast and furious Tokyo drift, Lin suit le parcours initiatique vers l’âge adulte du jeune Sean Boswell (Lucas Black, acteur brillant qui confirme tous les espoirs que l’on plaçait en lui depuis Sling blade de Billy Bob Thorton). Sean est un jeune homme qui ne demande qu’à vivre tranquillement, mais sa liberté est constamment contrecarrée par les embûches de l’ordre établi. Lucas Black avec son visage d’adolescent est le réceptacle idéal pour tous les sentiments qui peuvent parcourir un adolescent.
Sean se retrouve à Tokyo malgré lui. Il habitait au Texas, mais provoqué par le chef de l’équipe de football, les deux adolescents s’affrontent dans une course automobile qui se terminera mal. Au poste de police, la mère de Sean, d’extraction modeste, essaie de sortir son fils adoré de cette mauvaise passe. Sean est mineur mais a déjà causé de nombreux accidents depuis l’obtention de son permis. Plutôt que de déménager à nouveau, Sean est envoyé chez son père qui réside à Tokyo. Ce père qu’il connaît peu, avec qui il n’a pas d’affinités, entend faire respecter la loi chez lui. Il est militaire. Sean devra aller au lycée japonais, ce qui implique de porter un uniforme. Il devra également s’abstenir de conduire une automobile.
Au lycée, la vie est difficile pour Sean. Il ne comprend pas ce que lui dit son professeur quand il doit porter les wakabi au lieu de ses chaussures. Il souffre du dédain de ses nouveaux camarades, Japonais pour la plupart. Il se fait traiter de « gaijin » et se sent exclu. Il remarque la charmante Neela (Nathalie Kelly) qui lui remonte le moral. Elle fût aussi une étrangère et a mis des années avant de se faire accepter. Justin Lin montre avec une justesse rare le complexe problème de l’intégration dans la société. Il se fait entomologiste d’une manière digne des plus grands documentaristes. Jamais Lin ne tombe dans la facilité des clichés colportés sur la société japonaise. Au contraire, il prend un soin tout particulier à ne pas se montrer manichéiste dans la description des protagonistes.
Sean se découvre un ami au lycée. Twinkie (Bow Wow, son interprétation est digne des meilleurs rôles de Joe Pesci) est certes un petit trafiquant, mais c’est un garçon au cœur d’or et de bon conseil. Ainsi quand Sean découvre que des courses automobiles ont lieu à Tokyo, il provoque la jalousie Takashi (Brian Tee) qui s’avère être le petit ami de Neela. Takashi le défie dans une course de voitures. Mais la course sera spéciale puisqu’il s’agit de drifting, le dérapage contrôlé. Han (Sung Kang) fournit à Sean un bolide, mais il ne sait pas drifter et abîme l’engin. Ce qu’il ignorait, c’est que Takashi est surnommé DK, soit Drift King. Ce qu’il ne savait pas plus, malgré les avertissements de Twinkie, c’est que Takashi et Han sont de jeunes yakuzas. Sean devra payer de sa personne pour la voiture.
A ce stade du film, les enjeux majeurs de Fast and furious Tokyo drift sont lancés. Sean devra faire face à l’autorité parentale, à son amour pour Neela et aux yakuzas. Pour cela, le meilleur moyen est de se perfectionner au drifting. Han l’entraîne sur les docks d’un port. Ce qui nous vaut une séquence savoureuse où deux calmes pécheurs se moquent allégrement de lui. Dans les petits rôles des pécheurs, on reconnaît Keiichi Tsuchiya, le conseiller technique de la série Initial D et Kazutoshi Wadakura, producteur des derniers films de Akira Kurosawa. Han prend Sean en sympathie, mais ne se gène pas pour se servir de lui comme coursier. Il l’oblige à aller chercher l’argent qu’un yakuza lui doit. On frémit pour Sean, nu sous sa serviette dans un sauna, face à un créancier imposant.
Les épreuves de loyauté se suivent mais tout ce corse lorsque Kamata, l’oncle de Takashi, (Sonny Chiba qui illumine le film de son aura magique) s’aperçoit que Han trahit le clan. Sean est en bien mauvaise posture. Une course de drifting sur le mont Takina devra mettre tout le monde d’accord. Là encore Justin Lin filme magistralement les séquences de vitesse. Il sait ménager un suspense diabolique en montrant tous les points de vue des protagonistes, sans oublier ceux des fans qui arborent des tenues extravagantes. Fast and furious Tokyo drift dresse un portrait juste et sincère de la jeunesse japonaise éprise d’aventure et de liberté. Il sait utiliser au mieux les décors grandioses de Tokyo et fait de la capitale japonaise, sublimement filmée de nuit, un personnage à part entière.
Sans dévoiler la fin du film qui est en tous points étonnante, on remarquera l’apparition du dramaturge Vin Diesel qui adoube l’acteur Lucas Black, dans une scène où l’émotion submerge le spectateur déjà bien remué par un récit d’une richesse trop rare sur les écrans. Ne la cachons pas plus longtemps, Fast and furious Tokyo drift est un chef d’œuvre qu’il faut redécouvrir de toute urgence et Justin Lin le génie qu’il nous manquait.
Fast & furious Tokyo drift (Etats-Unis, 2006) Une chronique sociale de Justin Lin
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