Lau et Mak avaient déjà fait un film de bagnole : le sympathique mais creux Legend of speed, sorti en DVD au printemps 2006. Déjà, à l'époque en 1999, Andrew Lau avait dans l'idée d'adapter le manga original de Shuichi Shigeno (deux personnages de The legend of speed s'appelaient Ini et Siale D.) Au Japon, une série animée existe aussi. A l'origine, c'est pourtant un projet lancé par Tsui Hark, même si on a du mal à le croire. Tsui filmant des bagnoles ! Andrew Lau était tout indiqué pour mener à bien ce film et il y a pleinement réussi.
Déjà, il faut se faire à l'idée que ce film produit à Hong Kong se déroulera au Japon. La plus grande majorité des interprètes sont de Hong Kong. Jay Chou, qui a le rôle principal (Takumi) est Taïwanais et Anne Suzuki, qui sera sa petite copine dans le film (Natsuki), est Japonaise. Le reste du casting est assez sympa : Anthony Wong, Chapman To, Kenny Bee, Shawn Yue, Jordan Chan et Edison Chen. Excusez du peu. Ceux qui aiment le cinéma cantonais à cause de ses acteurs seront ravis. Revers de la médaille, il n'y a pas de femmes dans ce film, hormis la jolie Anne Suzuki, dont le personnage est post-synchronisé en cantonais, ce qui gâche un peu son jeu.
Ce qui frappe dans les premières séquences de Initial D est la fluidité de la caméra de Andrew Lau. On n'est pas du tout dans une espèce de Fast & furious asiatique. Pas de mise en scène tape à l'œil et clipesque. La voiture roule sur les routes serpentées du mont Akina et la caméra, embarquée d'on ne sait où, la suit d'un flan à l'autre de la montagne. Plus tard, les courses se feront de manière plus speed, plus rythmée, plus chorégraphiée. Elles seront, ces courses, les moments phares du film, comme les combats le sont dans un wu xia pian ou les chansons dans une comédie musicale. Cependant, les enjeux narratifs ne se focalisent pas autant que l'on aurait pu le craindre sur les courses automobiles. Et cela est la deuxième bonne surprise de Initial D.
Pour qui connaît un peu les films de Andrew Lau (Infernal affairs, Storm riders, A man called hero et The Legend of speed sont ses seuls films sortis en France), on remarquera que ce sont les rapports d'opposition entre les personnages qui l'intéressent. Rapport de classes sociales, rapport entre maître et apprenti, rapport entre policier et mafieux. Les oppositions le séduisent et tout Initial D est construit de cette manière à commencer par les motivations réelles qui poussent le jeune Takumi à être devenu le meilleur pilote de la région, le Dieu de la Montagne.
Takumi, c'est donc Jay Chou, jeune star de la pop à Taiwan. Son étrange bouche qui semble lui interdire le sourire le place dans une idée de personnage mélancolique. Son père est campé par Anthony Wong (pardon, Monsieur Anthony Wong), veuf, alcoolique, brutal, il n'élève pas son fils, il l'utilise comme larbin. Wong a beau être le pire salaud du film, il reste très drôle. Il est vendeur de tofu et passe ses soirées à boire du saké. Voilà la raison pour laquelle Takumi est génial pour conduire. Anthony Wong oblige son fils, depuis l'âge de treize ans, à livrer le tofu. D'hésitante, sa conduite est devenue plus sûre. C'est lui, en secret, qui doublera l'un des pilotes chevronnés qui cherche un adversaire à sa taille.
Entre en jeu alors l'inénarrable Chapman To. Il interprète un jeune fanfaron, un " enfulte ", un écervelé incapable et un prétentieux de première. Son absence de qualité en fait le bouffon parfait. Il est persuadé de pouvoir faire des courses de caisse et défie un pilote. Il ignore tout du génie de Takumi. Ils travaillent pourtant ensemble à la station service du père de Chapman tenue par un Kenny Bee qui a quelques secrets bien enfouis avec Anthony Wong. Là encore, les caractères des deux fils s'opposent. Takumi est placide et taciturne, Chapman To est un excité et un grand bavard. De leurs scènes en commun découlent de bons moments d'humour, notamment quand Takumi prend le volant à la grande surprise de Chapman.
Initial D est aussi une comédie romantique. Le jeune Takumi tombe amoureux de Natsuki (Anne Suzuki, 18 ans au compteur au moment du film). Ils se rencontrent au lycée et entament une petite romance. Ils se promènent au bord d'un lac. Dilemme, Takumi a honte de se mettre torse nu : son père, quand il est imbibé de saké, le frappe à coups de ceinture. Mais, il ne suffit pas de se déshabiller pour apparaître au grand jour et la jeune Natsuki cache quelque chose de pas très net. On ne sera pas vraiment le fin mot de cette relation qu'elle a avec un adulte. Sans doute de la prostitution. Cela ne va pas rendre Takumi plus heureux.
Le vrai héros du film n'est cependant pas un des personnages. C'est la voiture, la Toyota AE 86. Cette voiture appartient à Anthony Wong et est considérée comme un tas de boue par les pilotes qui peuplent le mont Akina. C'est une vieille caisse mais qui marche bien et que maîtrise parfaitement Takumi. Quand elle tombe en rade, le père, bien que salaud, s'en occupe mieux que si c'était son fils ou lui-même. Andrew Lau et Alan Mak, quand bien même on n'en a rien à fiche des voitures et des films de bagnoles, réussissent l'exploit à nous émouvoir avec cette AE86. On espère, pour le bonheur de Takumi, qu'elle pourra être réparée.
Jean Dorel
Initial D (頭文字D, Hong Kong, 2005) Un film de Andrew Lau et Alan Mak avec Anthony Wong, Jay Chou, Kenny Bee, Chapman To, Jordan Chan, Edison Chen, Shawn Yue.
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